Vendredi 9 avril 2021 11h30
La daube mitonne.
Un léger vent tiède fait danser la ramure du chêne liège. Il est tombé quelques gouttes. La pluie serait annoncée pour ce prochain dimanche. Elle est espérée, pour rincer toutes les traînées de pollen, faire tomber la poussière qui commence à griser les talus, et, surtout, abreuver la végétation en pousse ardente.
De l'autre côté du gros mur de pierres, le carreleur termine son ouvrage en petits tapotements précis. Olivier terminera la finition du parquet, et l'aménagement d'un placard de rangement. Je vais me retrouver étrécie dans le quart de l'espace que j'avais ici. Ca correspond tout à fait à ma trajectoire, de me débarrasser de tout ce qui encombre, gêne, ne sert plus. La perspective de redémarrer plus légère me convient.
Je vais pouvoir dès la semaine prochaine commencer la migration, déballer mes cartons. Choisir, trier, reconsidérer tout ça d'un œil nouveau. J'ai toujours eu l'usage de grands nettoyages par le vide. La vieille ferme n'était pas encombrée.
Mes souvenirs sont dans mes pensées, dans mes écrits, dans deux trois bibelots et quelques images. La mémoire fait son travail plus facilement, la dedans, ce travail de mémoire qui est plus un travail d'oubli, d'ailleurs. On ne peut pas tout garder en tête, on ne le doit pas, surtout. On retient ce qui le mérite, sans doute, et on laisse tomber le reste, un reste de plus en plus gros, à mesure que l'on avance...
Mon "bloc" pourrait faire office de garde-manger. S'il n'était pas si encombré !
Mes petites notes sont tellement touffues que leur consultation ne peut être qu'une sélection sporadique, aléatoire, bien signifiante en elle-même. Je vais rechercher dans ce fatras quelque chose qui m'y appelle. D'un écho que je ne gouverne pas.
Pas plus que je ne gouverne mes hirondelles :
Elles examinent maintenant l'ancien râtelier à outils.
Je suis leur parcours, leurs tergiversations, leurs valses en hésitations...
Mercredi 14 avril 2021 7h40
Vendredi 16 avril 2021 7h35
Le soleil grapille quelques minutes et quelques mètres chaque jour.
Chacun des jours de cette période est pur, et incisif d'une brise nordique pinçante. Les combes en blanchissent au lever du jour !
Vendredi 16 avril 2021 19h15
Mes quatre châtaigniers tardifs s'en voient : les bourgeons ont grillé aux grosses chaleurs d'il y a trois semaines, presque gelé quelques jours à peine après. S'ils n'ont pas tout donné au premier démarrage, ils repartiront. Sinon, je les remplacerai.
Je deviens fataliste, résignée aux aléas d'une nature souveraine.
Les hirondelles ne se laissent toujours pas détourner. Il fait bien froid, et j'imagine qu'elles se tâtent même à repartir vers là d'où elles sont venues !
Ce printemps sera bousculé pour tous, hommes, bêtes et arbres.
A la faveur de la distraction d'un pharmacien pressé, je me suis rendue compte de mon sevrage inopiné à la molécule. Puisque le processus est engagé depuis un mois, je vais voir si je ne peux pas m'affranchir durablement, et ne garder que la dose minimale par où rebondir s'il le fallait.
Ma patience et ma mansuétude sont meilleures alliées dans la période que mes fougues et pointes acides plus coutumières. La marche des affaires dépend d'artisans chargés de chantiers, et tous mes frétillements ne les feraient pas avancer plus vite.
Si cette dolence arrondie résulte d'une baisse du taux de l'ami lacté dans mes veines, et bien que l'ami lacté coule moins dru ! Je serai toujours à temps de remonter en pression, si le mouvement se fait trop lent.
Je m'étonnais, aussi : mercredi, quand, de nature, j'aurais trépigné pour investir l'appartement encore tout chaud sorti du four, j'ai agréablement utilisé ma journée à faire du "public-relation". Le pilier délicat, la grande Meriem, le sympathique breton des potagers, tout ce petit monde a défilé dans la vieille cuisine. Nous avons gentiment bavardé, de tout et de rien.
Au soir, pour me donner bonne conscience, j'ai survolé un tour de ménage relâché, en bavardant encore, au téléphone, avec Gillou cette fois.
C'est bien simple : je ne me reconnais plus !
Je le sais maintenant : nous ne sommes que chimie organique, animée peut-être d'une étincelle indéfinie ? C'est de celle-ci que nous vient cette inspiration, cette intuition, (cette illusion ?) que nos présomptions ne sont pas qu'arrogances pathétiques. Ainsi vivons-nous, persuadés d'une condition supérieure, corsetés dans cette espérance de sauvegarde.
Un brin d'humilité ne nuit pas. Je me satisfais modestement de passer d'agréables moments en agréable compagnie. Et je laisse derrière moi le temps de l'intransigeance.
Ce fut bien agréable. Au soir, je me félicitai chaudement d'avoir préféré sursoir aux préparatifs exigeants de mon prochain déménagement. Les cartons n'avaient pas bougé, certes, mais j'avais fait le plein d'échanges divertissants.
Ce vendredi fut plus productif pour l'avancée de mes opérations. J'ai œuvré en grande efficacité, investi en puissance mon futur espace vital.
Bon an mal an, la semaine fut honorable.
Mercredi 21 avril 2021 19h
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