vendredi 30 décembre 2022

DECEMBRE 2022

 



Jeudi 1er décembre 2022 18h30


Je viens de terminer mon article sur la maladie de Ménière. Finalement, ça restera bien un article, un peu construit, à peine plus que mes autres élucubrations.

Je l'ai bouclé dans le délai imparti (par moi). Je l'ai à peu près organisé suivant le plan de départ. Je dois maintenant m'astreindre à un travail de relecture, de correction. J'aurais du faire ça avant la publication, dans la bonne logique. C'est une façon de déblayer le chantier, de le livrer ainsi, pas tout à fait fini. Comme je le fais pour mes "châtaignes d'Agorreta", cet article sera amené à être modifié, au fil du temps, et des évènements, sans doute. Ainsi, il ne sera peut-être jamais tout à fait "fini". Au moins tant que le Ménière sera mon copain dans la vie. Ca peut me mener loin, d'après ce que j'ai compris.

J'espère qu'il trouvera un auditoire intéressé, parce-que concerné.

J'espère qu'il remplira un vide, celui que j'ai trouvé quand j'ai voulu pour moi-même me documenter. Sans me plonger dans une étude trop technique, trop ardue pour moi, la relation de cette expérience par quelqu'un d'accessible m'aurait aidée.

La nuit est tombée. Il a fait froid, aujourd'hui. J'ai beaucoup écrit.

Je vais soigner TtonytaPetra. Me préparer une soirée agréable, en bonne compagnie.


Mercredi 7 décembre 2022  17h30


La brume enveloppe la crête du Jaïzkibel. Les lumières tremblent le long de la baie. Plus près, les cheminées fument bleu dans l'atmosphère grise.

Je viens de fermer la grande porte métallique sur l'étable, où TtonytaPetra tirent le foin avec gourmandise. 

J'ai fait du nettoyage dans mon potager, cette après-midi. Le soleil perçait suffisamment les nuages pour tiédir mon dos courbé. C'était très agréable. J'ai enlevé les choux-fleurs, et les choux vidés de leurs têtes. Ils avaient bien raciné, en un chevelu profond. J'ai bêché sommairement la terre meuble, où paillage de bois et feuilles mortes constituent un substrat léger, facile à travailler. 

Des envies de commencer mes planches hivernales me rôdent autour. Le carré est prêt, à côté. Des repousses de cosmos l'étoilent. Dans le fond, entre les fraisiers, ces cosmos sont en pleine floraison, petites lunes blanches vaporeuses sur fond gris. 

J'aime bien ce coin, sa vue sur les damiers en dessous de la Rhune. 

Le poirier penche. Lola flaire toujours derrière la murette. Je la surveille : si elle plonge dans le trou, j'en serai quitte pour aller chercher l'échelle.

Plus tard, je suis allée jusqu'au petit bois. Les collines roussissent et se dorent, lumineuses sur les flancs bleutés des montagnes qui paraissent lointaines, en cette saison, par temps de brume.

Dans la sente près du châtaignier parti à la conquête du chêne vénérable, sans parvenir encore à en percer la ramure dénudée, une véritable pluie de feuilles dolentes est tombée, comme il neige, en flocons paresseux. Une risée de terre, amicale et taquine, les portait au sol en un amorti confortable de berceuse.

A l'orée du bois, sous la voûte clairsemée du châtaignier encore flamboyant d'or roux, le tapis s'épaissit, à peine craquant en surface, et vite moelleux en dessous. Je suis rentrée en élargissant une boucle périphérique autour du remblai. Les circuits du milieu s'embourbent. 

La reprise à la jardinerie a été agréable. J'ai fait beaucoup de public-relations. Recueilli les confidences des uns et des autres. J'aime bien. Je me sens comme un petit pont entre des personnalités pas toujours compatibles. Je suis suffisamment détachée du contexte pour ne pas me laisser engluer dans ces missions médiatives. Chacun reste sur son quant-à-soi, mais se sent écouté, compris, transmis. J'ai l'impression de faire œuvre utile.


Vendredi 9 décembre 2022  17h55


J'ai déjà fermé les volets sur la brume dans la nuit. Je suis à peine sortie, cette après-midi : une bruine insistante flottait dans l'air. 

Je surveille avec une ferveur ardente le plafond de ma porcherie-remise. Samedi dernier, nous avions avec Olivier mis en place un énième système étanchéité. Cette fois, après avoir bâché le sol, repris les joints aux bas des murs et de la porte, nous nous sommes attaqués à l'enduit fissuré. 

Tout comme sur la terrasse en haut, j'en tiens pour des infiltrations massives sur la paroi verticale, sinuant jusque dans la dalle craquelée, sous la bâche, ainsi neutralisée dans son effet barrière par une prise sournoise par dessous. Olivier n'était pas persuadé. Je m'accrochai ferme à la réussite flagrante à l'étage du dessus. Finalement convaincu, mon homme m'approvisionna en larges plaques de poly... pas propylène, non, ni éthylène, uréthane ne va pas non plus...non, ah, oui ! polycarbonate ! Ils sont beaucoup, dans la famille des poly.

Pour la mise en œuvre, nous avons du démonter quelques maillages de soutien aux plantes en place, avec précaution. Ensuite, ça a été un jeu d'enfant. Enfin, avec le bon outillage, et le bon praticien. Pour le soir, mon mur en fresque était camouflé d'un habillage jaunâtre (et oui, les plaques étaient de récupération). Les plantes en paravent masqueront avantageusement tout ça.

Il a commencé à pleuvoir hier. J'étais à la jardinerie. Je n'ai pas pu évaluer la quantité d'eau tombée ici. Tout de même, le plafond bien sec du côté gauche me parût très encourageant. A droite, là où nous ne sommes pas intervenus, une auréole sombre s'étalait, sans goutter, comme d'habitude. Ce côté-là menace, mais ne pleut pas. A vue de nez, ça signifiait qu'il avait plu assez, pour que, sans notre dispositif préventif, quelques filets d'eau se laissent choir près de l'imposte, en face. Et là, rien : le béton sec, le plafond parfaitement clair. 

J'en étais à regretter quelques trombes d'eau, pour avérer notre réussite. Dans la nuit, j'ai entendu une ou autre averse drue. Ce matin, avant même de saluer TtonytaPetra, j'ai allumé la remise : toujours impeccable ! 

Je m'étais un peu avancée mercredi, en retirant toutes les caisses de récupération de fuites. J'en avais assez de les voir, ces grosses masses blanches. Je les avais retirées, puis remises, au gré des infiltrations plus ou moins productives. Sûre de mon coup, ou alors dans l'idée de conjurer le sort, mercredi, je les ai utilisées pour peaufiner mes rangements sur les étagères. J'en ai tout de même conservées quatre, vides, en disponibilité sur le haut du rack, sait-on jamais.

La bruine de cette après-midi, persistante mais non agressive, ne me semble pas épreuve suffisante. Je vais devoir patienter un peu, attendre un bon épisode de pluie bien musclé, pour crier victoire sans arrière-pensée.

Alors, puisque je garde une prospective positive en première ligne, nous dupliquerons le procédé sur le second pan de mur. Là, deux panneaux de bois grisés protègent déjà l'enduit calamiteux. Ca explique les infiltrations plus légères du côté droit. Le bois est perméable, on le sait. Un bon doublage par l'arrière en poly...ane, oui, c'est ça, polyane, fera meilleure barrière.

J'ai hâte. Hâte de vérifier le bien-fondé de mes théories. Hâte de les voir mises en pratique tout à fait. Hâte de voir ma porcherie-remise bien sèche. Elle restera sur deux pans en configuration de cave, donc, forcément, humide. Non, pas humide, disons mieux... fraîche.

Le vocabulaire est important, dans la mentalisation d'un projet. Aussi.


Dimanche 11 décembre 2022  18h


Je rentre  à peine d'une promenade dans le soir. Elle aurait du être de parfaite détente. Ne l'a pas du tout été.

Plus tôt dans l'après-midi, j'ai mené à bien mon application de polyane sur les panneaux de bois. Finalement, plutôt que de les décrocher, pour fixer le film en dessous, et les revisser ensuite au mur, j'ai préféré laisser en place ce dispositif parfaitement bien arrimé : il a résisté à moultes tempêtes, je ne suis pas sûre de le remettre aussi solidement. 

Pour le moment, l'effet est assez affreux, avec cette bâche grise plus ou moins bien tendue sur près de 4m2. Au premier coup de vent un peu sérieux, mes petites agrafes citadines vont lâcher. Je vais voir très rapidement à arranger l'affaire, en apposant par là dessus un camouflage plus correct à la vue. Pas de gazon, là, ce serait trop lourd, je n'ai pas le moyen de bien le bloquer. Non, je vois plutôt un petit treillage léger, où le lierre qui rampe en pied pourra se hisser. Je compte beaucoup sur les végétations pour mes décors. Ce que ce pauvre lierre endurera, s'il suit mon plan, à la pleine chaleur de l'été, exposé au soleil implacable au plus chaud du jour, avec la réverbération du polyane en dessous, m'inquiète un peu. Nous n'en sommes pas là.

J'étais donc satisfaite de l'avancée de mon travail, confiante en ses effets espérés. Le chantier plus ou moins terminé, faute d'agrafes, j'ai soigné TtonytaPetra en approche à cette heure. La lumière baissait. Le fond de l'air s'était adouci. Ou alors mes efforts m'avaient échauffée.

Je hélais les chiens restés à l'intérieur. Ils se précipitèrent, à grands clacs de chatières. Nous nous mîmes en route, eux frétillants, moi me retournant fréquemment pour juger de l'effet de mon travail. Assez moyen, à ce stade, mais j'ai déjà le fini en tête.

Nos sentiers habituels sont devenus avec la pluie boueux. Je préfère maintenant faire le tour, le long de la clôture. Ca me rappelle le bon vieux temps, quand nous passions au large, par un chemin aujourd'hui disparu : nos paysages évoluent.

Les chiens ne sont pas encore familiers de cet itinéraire bis. La dernière fois, je l'ai emprunté pour la rentrée. Ils suivaient, toujours contents de retrouver leur confort. Là, en partant, ils folâtrent un peu, flairant de ci-de-là. Je les appelais, pour que Lola particulièrement ne perde pas le fil de l'histoire. Finalement, elle, elle suivait gentiment, quand les deux autres, perturbés dans leurs habitudes, erraient au large, me cherchant de la vue. Je les appelais, ils levaient la tête, mais ne savaient pas par où m'approcher. Des tas de gravats les séparaient de moi, plantée plus haut sur le tertre. 

Après quelques allers-retours pour essayer de les remettre sur la bonne voie, sans y parvenir, tout déboussolés qu'ils étaient, je décidai de m'avancer avec la seule Lola. Les deux autres m'attendraient dans le remblai. C'est déjà arrivé, quand ils aperçoivent de loin un gros chien, et qu'ils préfèrent rester dans leur périmètre de sécurité. A un moment, Lola décida de rentrer. Elle est coutumière de ces voltes faces, sans trop de sommation. Je me suis dit : elle va ramener les deux autres à la maison, je les retrouverai là bas, après ma promenade. Pour une fois, je n'aurais pas à surveiller d'autres chiens croisant dans les parages, au cas où les miens s'en prendraient à eux, ou fileraient de peur.

Je marchais tranquille. L'air était effectivement moins vif. Je contemplais le paysage, face aux Trois-Couronnes, dans le soir tombé. Les ors s'approfondissent en mat, les fauves s'assourdissent en bruns profonds. Les ramilles légères des saules bleuissent leur gris en plumets légers au dessus des talus sombres. Le violet des montagnes derrière souligne tous ces tons en touches comme le ferait  un écrin. 

C'était bien joli, calme, tout à fait apaisant.

J'en étais là de ma détente totale, quand j'aperçus au loin la tâche claire d'un petit chien. Il semblait perdu, allant et venant, le nez au vent. Une promeneuse marchait d'un bon pas sur le chemin au dessus. Elle tenait en laisse deux molosses. Je regardai mieux la tâche claire. Elle ressemblait bien à Bullou. J'appelai, elle m'entendit, se tourna vers moi. J'écartai grand les bras, comme je le fais souvent avec elle, quand elle me vient en course folle. Elle commença alors effectivement à courir pour me rejoindre. Elle était trop loin encore, mais j'imaginais bien sa mimique, langue sortie et yeux pétillants de joie. 

Les deux molosses percevant le mouvement se mirent à aboyer. Leur maîtresse tira durement sur les laisses. Mais, trop tard, ma Bullou paniquée bifurqua brusquement, et se lança dans une sente parallèle, à l'opposé de moi. Mon temps de détente avait expiré.

Je repartis sur les traces de ma petite chienne affolée. Je l'appelai. Je la connais, dans ces cas, elle se terre dans un fourré, et n'en bouge pas tant qu'elle n'est pas sûre qu'il n'y ait plus de danger. Il y a bien longtemps, ainsi, nous nous inquiétâmes toute une nuit, avec mon père, parce-qu'après un coup de fusil trop proche, Bullou disparût, et ne revint qu'au petit matin. Quelle fête elle nous fit, alors, et quelle joie pour nous, déjà résignés à l'avoir perdue sans savoir où !

Je l'ai cherchée, appelée, sifflée. Elle connait les parages. Elle va rentrer plus tard, me dis-je. Mais je n'aimais pas du tout l'idée de la savoir atterrée, dans le froid de la nuit. Je m'inquiétais moins pour les deux autres. Je savais Lola rentrée, et Txief l'aurait suivie. Du moins, je l'espérais ainsi.

Je sillonnais nos sentiers. La lumière baissait. Les promeneurs étaient rentrés. Le paysage se fondait en une masse sombre indistincte. J'étais désolée. Tout le bénéfice relaxant de mes contemplations était perdu.

Enfin, quand je m'apprêtais à rentrer, complètement dépitée, Bullou surgit à un tournant du sentier. Sa robe blanche me la signalait dans la nuit. Je l'appelai, grandement soulagée, toute heureuse de la retrouver. Elle me fonça dessus, je la réceptionnai avant qu'elle ne butte contre mes jambes, comme elle le fait après une course. Une longue séance caresses, où elle me fit comprendre par de multiples contorsions et gémissements toutes les péripéties de sa fuite, et nous rentrâmes, elle faisant des allers-retours, toujours enivrée de joie, et moi, retrouvant tout le plaisir de ma promenade.

A la ferme, Lola attendait au bout de la cour. Txief était déjà rentré, à peine à l'affût. Là, tout le monde se repose, museaux fourrés dans les pattes repliées.

Je vais avancer un peu ma lecture du Ménière. Quelques fautes se nichent toujours au détour d'un paragraphe. Le plaisir d'écrire m'emporte trop souvent au delà de la vigilance grammaticale...


Lundi 12 décembre 2022 18h50


Je viens de terminer une première lecture du Ménière. Qui sera très certainement la dernière ! Repérer des fautes à chaque relecture me décourage. Elles s'amusent, les sournoises, se fondent et passent inaperçues, une première fois, pour mieux vous sauter au visage ensuite.

L'orthographe et la grammaire se perdent : à lire les notes, mails, sans parler des articles sur les réseaux sociaux, elles ne sont vraiment pas la première préoccupation de ceux qui écrivent.  

Moi, je reste attachée à ces basiques. Je sais que je fais des fautes. Les correcteurs de Gueguel ou autre Vindos ne corrigent que les mots qu'ils connaissent. Les conjugaisons, les accords, ma foi, si, quelque part, ça existe tel qu'ici, pourquoi pas, aussi, bien là ? Ils s'en foutent. Ils ont leurs limites, et on ne peut pas s'appuyer entièrement sur eux. 

En relisant, sommairement, je corrige quelques erreurs grossières. Il en reste, c'est sûr. Je m'en excuse. Sans prendre trop de peine pour les rattraper. Honte à moi !

J'ai ce matin été particulièrement efficace. J'ai bouclé toutes mes courses hebdomadaires "en ville", en y adjoignant un crochet par Mr Bricolage, pour y dégotter mon camouflage de polyane. J'ai trouvé deux panneaux coquets, légers, parfaits pour l'usage que j'en avais. Au retour, dans la foulée, j'ai fixé solidement tout ça. La pluie arrivait tout juste, quand j'avais à peine terminé.

Un petit coup de vent n'a rien emporté. Il n'était pas bien violent. La solidité de mon arrimage restera à vérifier. 

Pour la pluie, cette bougresse est tombée du côté sud, de là où elle ne tombe que très rarement. Evidemment, mes murs protégés côté ouest ne faisaient pas grand rempart. Tout de même, à l'inspection d'après sieste, j'ai confirmé mon diagnostic optimiste côté gauche, dans la porcherie-remise. A droite, plusieurs petites auréoles me narguaient, à des endroits où je ne les vois jamais. J'ai bien l'impression que cette tentative d'étancher ma remise sera le combat de mes vieux jours...

Pour la suite, mes chiens ont été plus attentifs, aujourd'hui, à me suivre en promenade. Après quelques hésitations, Bullou et Txief ont fini par imprimer le changement de parcours. Bullou particulièrement était toute follette, enjouée, guillerette.

Cette petite est tellement expressive, tellement sensitive ! Quand elle plante ses yeux noisette dans les miens, elle me darde sa confiance totale comme une coulée de miel clair. L'affection canine est chose profonde, indéfectible. Je n'ai trouvé ce regard que dans des yeux de tout jeunes enfants. Très vite, nous perdons l'innocence, la capacité de pleine confiance, semblerait.
A l'étable, TtonytaPetra sont moins dans l'émotion. Elles expriment leur satisfaction toute simple à être bien nourries, correctement traitées. Là aussi, le lien est franc, fiable.

Pas trop d'entourloupes avec la gente animale. Notre sophistication lui est étrangère. C'est bien reposant.


Mercredi 14 décembre 2022 18h30


Ma tablée se vide d'un goûter tardif.

La journée a été magnifique, d'une douceur surprenante. La maison est restée grande ouverte sur le soleil bas, visitée dans ses moindres recoins par la belle lumière.





Pendant la promenade, je suis restée un moment en imprégnation dans la lueur mordorée de la fin d'après-midi. Je me sentais irradiée de toute cette beauté, instillée en une nappe tiède et onctueuse jusque dans ma moelle. Son bienfait circulait dans mes veines comme un onguent  nourricier. C'était un de ces moments parfaits comme j'ai eu la chance d'en connaître beaucoup. 

Si c'est de l'emphase, alors je suis bien emphatique. L'agrément de ces montées exaltées, je le savoure. Je me fais provision de ces moments. Il sera bien temps autour de n'en avoir que le souvenir, ou l'espérance.

J'aime plus que tout ces paysages d'entrée en hiver, quand la lumière flamboie en derniers éclats, avant de redescendre en terre. Ce seront bientôt des gris, à peine ocrés ou alors relevés d'un parme discret. J'aime bien aussi, même si ça soulève moins de pleine euphorie en moi. Alors, c'est le temps d'une mélancolie douce et reposée, agréable aussi d'une sérénité plus dolente.

Ma journée a été de légers bricolages. Après une petite virée ménagère dans ces électroménagers trop vite encrassés, je me suis attaquée au décor de mon intérieur. Là, une redistribution de mes images murales m'a tentée. Pour quelques pièces faciles, mon faux-miroir au nord inversé, une création arbre-oiseaux, je la jouais facile. Tout ça est léger, à portée. 

Ensuite, grisée sans doute par l'effet d'après moi très réussi de ces menus changements, j'ai attaqué un ouvrage plus ambitieux. Je fais suivre depuis près de trente ans une nature morte de grandes dimensions. Un petit mètre soixante sur quatre-vingt centimètres, à vue de nez.  J'ai toujours apprécié ce genre de représentations, à la Chardin. Celle-ci propose des coupes de fruits autour d'une cruche ventrue. Des grains de raisins ont roulé sur la table, les grappes se déversent  entre panières de pommes et grains de cerise. Ce léger anachronisme raisin-cerise me pince à peine. Licence artistique permet. Tout ça baigne dans une lueur crépusculaire, où les fruits vitellins cueillent la lumière sur leurs flancs charnus. Quand le soleil donne dessus, c'est magnifique.

Cette œuvre majeure a connu plusieurs emplacements. Dernièrement, elle était dans cette pièce, sur le plus grand pan de mur. Elle était un peu surdimensionnée, et écrasait de sa masse sombre l'endroit. Nonobstant, j'aimais avoir à portée de regard mes fruits et leur cruche. 

En parallèle, depuis une dizaine d'années cette fois, j'ai acquis une toile avec branches fleuries de blanc et oiseau fondu là-dedans. Un genre de Van-Gogh japonisant. Celle-ci aussi, j'aime à la regarder à l'envie. Elle est à peine plus petite que la première. Mes murs sont majoritairement des pans de petite taille. Pour ces deux tableaux là, je n'ai pas cinquante choix. En fait, j'en ai deux, dont l'un, en haut, dans le dos, où le tableau par ses proportions rend bien, mais me prive de l'avoir sous les yeux, si je ne me plante pas devant dans l'intention arrêtée de le contempler. 

Autant, devant mes paysages, je fais de longues stations, autant, dans la maison, je m'occupe en va-et-vient, ou alors, j'écris, ou je lis. Le plaisir de la vue des tableaux est furtif, happé au passage. L'image dans cette pièce est bien à disposition, et j'en profite en plein. Là haut, c'est un peu du gâchis. Ces derniers temps, c'était donc le simili Van-Gogh et ses branches fleuries qui était un peu perdu pour moi.

J'ai alors ce matin décidé d'arranger ça. J'ai repéré un troisième emplacement possible pour mes grands tableaux. Celui-ci, est visible d'ici, et d'en haut. Il est suffisamment large et haut. Là, vraiment, tout y est : la place, la bonne distance, le bon angle de vue. C'est un emplacement bien tentant. Malheureusement, cette pépite a un écueil : elle offre son pan à près de trois mètres de haut, au dessus des meubles de cuisine. 

Jusque là, une pendule en soleil, charmante, au demeurant, de belles proportions avec ses rayons généreux, ornait cet endroit. Très avantageusement, je dois dire. En étudiant la chose, je lui trouvai un point de chute idéal, plus bas, sur une face perpendiculaire. Elle prendrait la place du faux-miroir au nord inversé, relégué celui-ci en haut, sur ce fameux pan dans le dos. Ce nord approximatif, je peux bien me l'enlever de l'œil, je le perds assez comme ça. Inutile de matérialiser davantage mes errements.

Le mur libéré me tendait les bras. La vis de maintien d'origine supportait le poids léger de la pendule. Mon tableau aux grains de raisin n'est pas bien lourd, un peu plus tout de même. Hissée sur l'échelle, j'éprouvai la fixation. La vis ploya, lamentable, en un angle désolé. Ah. 

Je n'étais pas très confortablement installée, là-haut. J'eus la tentation d'accrocher mon grand tableau tel quel. C'est ce que je fis dans un premier temps. Le tableau se retrouvait trop bas. Je redescendis, faisant difficilement suivre le cadre imposant. J'avais dans l'idée de fixer une accroche dans le milieu du bâti, appuyé sur un tasseau de maintien en bois. Ce que je fis.

Je remontai, ahanant, toujours encombrée et en équilibre précaire. Là, le tableau penchait en avant. Mince. Je devais le caler sur les côtés, pour redresser la gîte. L'heure du déjeuner approchait. Je fis un montage à la va-vite. Remontai. Raccrochai. L'effet n'était pas mal, le tableau bien centré sur le pan de mur, bien droit. Pour autant, je savais ma fixation précaire, avec cette vis en berne.

Je remis à l'après-midi la suite de l'affaire. Ma sieste ne fut pas reposante : j'avais en tête le fracas du tableau s'il tombait, le cadre en bois disloqué, la toile déchirée, un meuble écorné, un chien blessé, si ce n'était pas moi-même. Ou le tout à la fois : un désastre annoncé.

Ainsi tourmentée, je repris le chantier en son début. Remontai à mon échelle replacée, écartai le tableau, enlevai la vis. Je repartais à neuf. Sans trop de mal, j'insérai une cheville, un piton. A l'arrière du cadre redescendu à grand effort, je vissai un crochet solide. Une ou autre remontée et redescente encore pour ajuster le niveau, peaufiner le calage, et le tour était joué. Il était près de dix-sept heures ! 

Une presque journée dédiée à un seul placement de tableau. Oui, mais maintenant, j'ai mes grains vitellins sous les yeux, dans une petite oblique facile, d'ici, et la même d'en haut. Double profit, plaisir décuplé. 

Pendant que j'admirai mon travail terminé, le soleil rasant du couchant a posé en grâce son doigt sur la joue rouge d'une pomme. J'y ai vu la consécration de mes efforts. 

Le plaisir est plus vif d'avoir été si mérité. Cette tentative était à la limite haute de mes capacités. La réussite n'en est que meilleure. 


Vendredi 16 décembre 2022 18h48


La maison ronronne de bien-être, tiède, silencieuse, chaleureuse.

 TtonytaPetra ruminent en bas. Elles heurtent parfois de la corne l'abreuvoir, renvoyant jusqu'ici un son sourd en cadence. J'aime les sentir ainsi tranquilles. Je les ai gardées dedans, aujourd'hui. L'eau dégouline partout dans le champ, le bas de la rampe est une mare boueuse où je m'enlise avec ma brouette à fumier. Je prendrai garde demain matin de na pas trop la charger.

Nous avons ce matin fait le plein de foin. Dans ma remise bien rangée et à peu près sèche, je peux rentrer plusieurs balles. Une réserve pleine, c'est toujours rassurant.

J'ai tout à l'heure récolté les poireaux. Congelés, ils ne durcissent pas comme en terre, durant l'hiver. Les fûts sont bien longs, un peu minces pourtant. Le dur été ne les a vraiment pas aidés. Pour les carottes, elles ne s'en sortent pas trop mal non plus. Je terminerai mes récoltes dimanche ou lundi. Ensuite, j'épandrai sur ce carré libéré du fumier, puis du copeau de hêtre. La couche arable à côté est maintenant parfaite, même mouillée. Légère de tout ce paillage mélangé, elle se travaille onctueusement, sans peine. Je sens bien que dès janvier, à la faveur de quelques jours de soleil, je vais planter mes bulbes, mes envies, mes espoirs, pour la nouvelle année.

Demain à la jardinerie, dernière tirée pour les sapins. La finale du mondial de foot dimanche va sûrement vider le magasin. Alors, demain, il va falloir tout donner ! L'équipe est performante, ça devrait aller.



Lundi 19 décembre 2022  8h 















Du levant et jusqu'au ponant, des coulées de lumière fantastiques flamboient et enluminent.
A n'importe quel moment, de n'importe quel endroit, la beauté sourd et éclate en gerbes puissantes. Je ne m'en repais pas.

J'ai terminé d'arracher ma planche de carottes. Les fûts se tirent sans mal, tout propres dans le paillis léger. Le carré est maintenant nettoyé, prêt à être amendé, et paillé, pour les cultures futures. Je pense utiliser l'ensemble du potager, cette année. Cette nouvelle méthode simili-permaculture m'a parue tellement agréable, tellement facile !
Je jouerai sur les assolements, les rotations de variétés. Les planches seront suffisamment reposées, entre deux cultures, et nourries abondamment. Le fumier ne manque pas. Les copeaux non plus.
Un vent tiède souffle les feuilles et les fétus dans les recoins. Les arbres se dénudent à vue d'œil. 
Il n'est même pas six heures du soir, et la nuit est tombée derrière les carreaux. Les lumières de la ville tremblotent. Vers Orio, les branches nues du carolin, balancées par le vent, les font clignoter.
TtonytaPetra se sont couchées, rassasiées. Les chiens soupirent dans leur sommeil. Txief reste à la maison, depuis hier, quand j'emmène les deux autres en promenade. Ce petit chien vieillit à vue d'œil, lui aussi.


Vendredi 23 décembre 2022  18h


Une journée à l'ambiance estivale se termine. Depuis quelques jours, il fait incroyablement bon. Le vent chaud assèche les ornières. La maison grande ouverte respire à fond.
Finalement, j'ai planté mes bulbes maraîchers, en plus de la fève et du pois. C'était trop tentant. Mercredi, en fin de matinée et tout l'après-midi, j'ai travaillé dans mon potager, au grand air, dans une tiédeur bien appréciable.  
Un petit bavardage avec une voisine en partance m'a tenue un moment. Quelques gouttes éparses de pluie m'ont ramenée à ma terre. J'ai préparé le carré d'à côté pour le printemps. Celui où j'avais mes poireaux, mes carottes et mes choux. Le temps de repos sera raccourci, au détriment des préceptes sacrés de la permaculture. C'est bien connu, le sacré, c'est inaccessible, à moins de le profaner. Ce que je fais, donc. 
Pour compenser et en manière de sacrifice, j'ai doublé l'apport en fumier. Une fine couverture de copeaux par là dessus, et tout ça va travailler avantageusement, jusqu'au printemps. J'ai été agréablement surprise de constater la vitesse de décomposition de mes couches de cartons-sciure-fumier, entre le dernier printemps, et maintenant. Il n'a que très peu plu, (!), et pourtant tout ça s'est quand-même transformé en une masse légère, profonde, homogène, un véritable bon terreau de culture. Mon fumier si organique, riche d'une vie en dormance, accélère le phénomène. A chaque coup de houe, de gros vers noueux se tortillent. Le rouge-gorge attentif monte la garde. Un petit microcosme parfait nourrit ma terre.

Aujourd'hui, je suis descendue dans le champ. Les châtaigniers sortis des tubes durcissent en bois. Le long des tiges pas encore troncs, il n'y a plus de repousses à enlever. Pour les plus jeunes, ça n'est pas encore gagné. Quelques bourgeons terminaux ont séché. D'autres plus bas ont pris le relais. J'accompagne.

Je surveille aussi la clôture entre le pacage de TtonytaPetra et celui des voisines. Leurs conversations, cous tendus par dessus les lignes de barbelés, écartent les piques, et affaiblissent les fils. J'ai du reprendre un ou deux endroits où ces bougresses avaient réussi à couper carrément la rangée supérieure.
Tout ça m'a gentiment menée à la fin d'après-midi, vite là en cette saison des plus courtes journées. TtonytaPetra soignées, j'ai été faire mon tour rituel. Maintenant, Txief et Lola ne m'accompagnent plus. Ils avancent un peu, et rebroussent chemin très vite. Je n'ai plus que Bullou pour me suivre. 

Avant hier-soir, ma petite noisette était malade, toute retournée de vomissements. Elle rejetait un liquide jaunâtre, sans rien de solide, d'une consistance de bière aigre. La quantité de ce liquide m'inquiétait. Je l'ai laissée hier matin au repos. Ses vomissements s'étaient espacés. Je me pensais quitte pour une visite à Bégonia, ce matin, et les quelques centaines d'euros qui vont avec. Quand je suis rentrée hier soir, un peu inquiète de savoir comment j'allais trouver ma souffrante, elle est venue me faire fête, un peu après les deux autres, alanguie encore, le pétillant de l'œil terni de fatigue. Elle n'avait plus vomi. 
Mes frères ne l'ont pas vue de la journée, cloîtrée en haut dans son cab-refuge, comme mourante. La voir mieux m'a soulagée. Cette nuit dernière, ma petite s'est parfaitement reposée, exhalant quelques soupirs dramatiques, histoire d'avérer son épuisement. Au petit matin, sa prunelle brillante et son moignon de queue frénétique ont levé mes dernières craintes. 
La journée me l'a rendue égale à elle-même, enjouée et câline. Elle a juste eu un moment de début de panique, quand, dans le champ au châtaignes, en conversation avec un aimable voisin à l'angle de ma fameuse clôture, je n'ai pas vu mes génisses, Zaldi et les vaches voisines s'attrouper autour de nous. Bullou se voyait mal partie, encerclée par toutes ces grosses bêtes qui lui soufflaient dessus. Je l'ai hissée contre moi. Elle n'était pas encore trop fière, claquant des dents aux naseaux trop proches des vaches venues la flairer. Nous avons levé salon, tous, et chacun est reparti chez soi.

Demain à la jardinerie, je continuerai mon réaménagement d'envergure, entamé mardi. J'adore ces chantiers. Je suis arrivée à fédérer un ou autre gaillard. Les sapins ne les mobilisent malheureusement plus trop. Il nous en reste beaucoup sur les bras. Noël cette année verra sans doute moins de sapins dans les chaumières. Les traditions se perdent...


Mercredi 28 décembre 2022 17h20


Un voile nuageux grise la baie. Il a encore fait anachroniquement chaud aujourd'hui. La sobriété énergétique de rigueur y trouvera bon compte.
L'entre-fêtes alentit les activités. Les ripailles demandent réparation, repos. J'ai cette année cumulé le soir de réveillon, en bas, et le déjeuner du lendemain, dans les Landes. Même en restant raisonnable, riche nourriture, bien assez de boisson, et moins de sommeil, encrassent les systèmes. Pour le jour de l'an, je me contenterai du déjeuner à Saubusse. Ainsi, j'aurais accompli mes civilités. La chaire est bien bonne, à ces occasions, la compagnie agréable. Je retrouve le plaisir d'une petite promenade en forêt, avant de rentrer retrouver mon monde, ici.

Mon engouement du moment se porte sur les éclairages extérieurs. Dans ma cour-jardin, quand je rentre de la jardinerie, à la nuit, en cette saison, les quelques gros cailloux posés en lests sur le gazon synthétique matérialisent durement des embûches sur le parcours. 
L'année dernière à cette époque, un rocher-photophore et un projecteur solaire fixé au dessus de la porte métallique faisaient l'affaire, plus ou moins. Pour là, le rocher s'est sérieusement terni, et n'éclaire plus rien. Le projecteur a baissé la tête, et biaisé son angle. Je l'ai d'après moi rectifié, d'un coup de tournevis, et d'une rondelle glissée en son arrière. La cour est un peu longue, pour sa portée. A son mieux, il s'allumait quand je passais l'angle du balcon. Et déjà enjambé à l'aveuglette le premier caillou. Cette année, avant mon intervention, il ne me captait que quand j'étais tout près, hors de danger, en gros. Je vais vérifier ce soir si j'ai amélioré son score, ou pas.
En complément de ce premier dispositif, j'ai rajouté sur la tranche du mur aux panneaux de bois un second projecteur solaire. La visée de celui-ci serait de m'éclairer dès la sortie de la voiture, et d'accompagner mes pas jusqu'à temps que le premier prenne le relais. Je couvrirais ainsi en totale sécurité l'ensemble du trajet.
La fixation de ce projecteur requérait un perçage dans le béton. Ma petite machine à batterie n'y suffisait pas. J'ai sorti la quincaillerie plus lourde, avec sa percussion. Bien casquée, j'ai percé, plus facilement que je ne le croyais. Le boîtier est maintenant fièrement positionné en proue. Il demande je crois quelques jours de charge, pour être opérationnel. Résolument tourné vers le sud, à la bonne hauteur, il devrait être performant. Les prochains jours parleront.
Pour le fun, je vais rajouter quelques lampions dans les bacs à plantes. Tout ça devrait être charmant, romantique à souhait. 

Plus tôt dans la matinée, j'ai récupéré sur le zinc en bordure de la toiture un petit morceau de maçonnerie, coiffé d'un bout de tuile. Je l'y ai vu il y a quelques jours, en remontant vers l'ancien poulailler, d'en bas, descendu du faîtage, sans doute, et en voie de tomber dans la gouttière. Le faîtage paraissait entier,  pourtant. Je suis très attentionnée à repérer les éventuelles avanies de la maison. Une petite entrée d'eau, à bas-bruit, fait un joli dégât sur la charpente, si on la laisse aller.
Cette récupération nécessitait un outil à manche, le débris étant un peu trop haut pour être atteint à la main, depuis la terrasse.  Là encore, je me suis agréablement étonnée de la facilité de la manœuvre. Le fragment de ciment s'est gentiment laissé porter par la bêche, jusqu'à choir gentiment dans le canal devant moi. Je n'ai plus eu qu'à l'enlever de là. 
Le ciment et le morceau de tuile s'étaient décollés. Je regardai de plus près mon faîtage, me demandant d'où cet assemblage pouvait bien venir. Je ne voyais qu'un endroit possible : la pointe au dessus du zingage, juste avant les planches de rives jointées en oblique. De là où j'étais, je ne voyais pas comment ces plaques de zinc étaient soudées. Je m'inquiétais pour la couverture de la terminaison de la panne centrale. Si les deux bandeaux de zinc recouvrant les deux planches de rive jointaient par une soudure en ce sommet, ma mini tuile posée sur le ciment servait de protection à cette soudure. Et sa défection laissait une possible fente, ou, au moins, un point de fragilité dans la protection. Si les bandes se recouvraient au delà de la cime, il n'y avait pas de danger. La mini tuile maçonnée là n'était qu'esthétique. Hum, je n'y croyais pas trop. Tout en pensant le zingueur mieux inspiré de souder sur un plat, plutôt que sur une pointe.
Le doute instillait en moi son poison. Je ne pouvais pas vérifier, en restant sur la terrasse. Appeler un professionnel juste pour peut-être un simple constat me semblait exagéré. Attendre la venue d'Olivier, c'était souffrir quelques jours encore. Il ne me restait plus qu'à monter moi-même sur le toit, pour aller y voir de plus près, et en avoir le cœur net. 
Ce pan de toiture est facilement accessible, sur son côté, par la terrasse. S'y avancer n'est pas dangereux. Pour autant, l'aplomb en bout, sur l'autre façade, est de plus de six mètres. C'est ce qui me faisait hésiter. J'examinai mieux le champ opératoire, et délibérai : je n'avais pas besoin de m'avancer jusqu'au bout pour avoir une bonne vue de la situation. A califourchon sur le faîtage, à un mètre de son extrémité, je pourrais facilement vérifier si le zingage chapeautait bien la panne, sans possibilité d'entrée d'eau. Si l'ouvrage était mal façonné, je ferais alors intervenir un charpentier. Je ne me risquerais pas à trafiquoter une parade imparfaite, si près de l'à-pic.
Ce terme moyen me satisfit. Je l'appliquai dans la foulée. Grimpai sur les tuiles, avançai accroupie sur le faîtage. Le dernier mètre leva mes inquiétudes, et me récompensa de mon audace : les plaques de zinc se chevauchaient sur la pointe en épaisseur, et la soudure plaquait la supérieure à l'autre, bien plus bas, sur le versant plat. Je m'en retournai, admirai au passage de la haut la vue panoramique magnifique en cette matinée limpide, avant de redescendre sur le plancher de mes vaches sorties brouter dans le pré.
Toutes ces facilités cumulées me firent l'humeur légère. 

Dans la douceur du milieu d'après-midi, les trois chiens m'ont aujourd'hui suivie. Nous sommes passés par ce sas entre les versants sud et nord, ou la coulée d'air remonte ou descend en température de plusieurs degrés, selon le sens d'où on le prend. Là, l'ambiance était étale. De la bande de mer plate au bleu bien tranché sur le ciel, aux monts arrondis des montagnes en face, l'air restait tiède, égal.
La nuit est tombée. Je vais passer par l'extérieur, pour me présenter dans la cour par le devant. Mon projecteur de complément ne doit pas être suffisamment chargé. Je testerai déjà le premier. Par une journée où tout s'est si fluidement enchaîné, ce serait dommage de terminer par un loupé.



Vendredi 30 décembre 2022  18h40

Encore une journée magnifique, à la douceur hors saison, bien agréable au demeurant.
Mon vieux projecteur a retrouvé un angle de captation mieux venu. La cour est un peu trop longue pour lui. J'attends la performance complémentaire de son adjoint.

Aujourd'hui, c'est l'angle de la cour des vaches qui m'a mobilisée.
TtonytaPetra cultivent les relations publiques avec le voisinage. La plus grande des deux génisses d'à côté est une vraie pot de colle. Dès qu'elle est sortie dans son pré, elle vient s'enquérir des miennes, encore à l'étable à cette heure là. Elle se présente à l'angle du mur, là d'où l'année dernière mes génisses s'étaient échappées, et meugle en appel. Les miennes, occupées au râtelier, ne répondent pas trop. Quand elles sortent, elles viennent tout de même saluer la voisine avec civilité.
Le muret surplombe le terrain voisin d'une paire de mètres. Il y a bien une clôture par dessus. Pourtant, l'année dernière vers cette même époque, en se bousculant, sans doute, TtonytaPetra avaient basculé, emportant avec elles les fils barbelés. Elles ne s'étaient pas fait mal. Mes frères en avaient été quittes pour une course dans le champ, histoire de les ramener chez elles. J'étais à la jardinerie ce jour là.
Suite à l'incident, en plus d'une clôture "en dur" côté est, j'avais plus ou moins sécurisé cet angle, en en condamnant l'accès, par quelques lignes de barbelés tirées en oblique. Ca paraissait aller.
Ces derniers mois, la voisine câline et Ttony se sont beaucoup rapprochées. Elles se suivaient le long de la clôture, écrasant quelques fils au passage. Quelques clous, un ou autre raccord, et les dégâts étaient réparés. Depuis avant-hier, je ne sais pas ce qui s'est passé, les deux adolescentes sont chafouines, et s'évitent. Ca arrive aussi, dans la gente bovine.
Petra était un peu jalouse de la complicité des deux blondes. Elle suivait Ttony, un peu, comme pour la ramener à elle, puis, s'éloignait, pour aller brouter là où l'herbe lui semblait plus verte. 
Depuis avant-hier, elle a pris le relais avec la voisine délaissée. Mais elle, elle ne longe pas la clôture, en bas, dans le pré. Non, elle, elle cultive salon dans ce fameux angle de cour. L'autre, chavirée d'amitié, lève sa bonne tête, pour s'approcher de sa nouvelle meilleure copine. Elle pousse du mufle les lignes basses de fil ronce, les remontant le long du tube cylindrique auquel elles sont attachées. Elle arrive ainsi à passer la tête dessous, et allonge encore le cou, pour toucher Petra, qui, elle, écrase les lignes obliques du dessus, pour s'approcher aussi. A elles deux, elles parviennent à la rencontre physique, se hument, enivrées, se léchouillent, et cultivent une relation semi-amoureuse. 
J'ai tout de suite repéré là le nid à ennuis. Aujourd'hui, ces deux là s'adorent et se mamourent, demain, elles se disputeront, et chercheront à s'encorner. Ma clôture d'angle n'y résistera pas. Et ce sera de nouveau la chute, l'évasion, de la plus haute, évidemment, la mienne, la course, les emmerdes. Tatata ! Pas de ça chez moi !

J'ai donc pris les mesures nécessaires. Une fin de rouleau de grillage rigide à mailles suffisamment serrées traînait dans le garage de Beñat. Il m'en a fait don, pour que je puisse mener à bien mon ouvrage de sécurisation du périmètre.
Dans l'après-midi incroyablement douce, sous un ciel calme de nuages gris étirés sans menace, j'ai positionné, cloué, arrimé, mon grillage rigide aux piquets en place tendus de fils ronce. Le résultat en est un triangle de quarantaine sanitaire, où les bêtes seront distantes de l'une de l'autre. Ce sas de sécurité devrait les décourager de parlementer à cet endroit. Qu'elles descendent, là où TtonytaPetra ne risquent pas la bascule. Oui, parce-que je la vois bien venir, celle-là : il y aura réconciliation, nouvelles alliances, disputes encore et boudouillages. Des affaires de jeunesse, quoi.

Mes jours filent ainsi comme une flamme.
Une pleine année civile dans ces locaux s'étire et tire  à sa fin. C'est le moment traditionnel des rétrospectives. J'ai parcouru dernièrement mes chroniques passées, de la même période. Je retrouve avec une réelle tendresse celle que j'ai été, et ma vie d'alors. Je retrouve avec précision la couleur de ces jours. 
Je souris de certaines de mes insolences puériles. Je ne cultive pas la nostalgie de ce temps-là. Je suis reconnaissante de l'avoir vécu tel que je l'ai vécu, parce-qu'il m'a menée là où je suis, et suis bien.
C'est au moment de l'assoupissement, ou juste après un demi-réveil, quand la conscience cède la place, ou ne la reprend pas tout à fait, que des réminiscences me rattrapent. Je me crois encore en bas, je cherche la lumière vers des ouvertures du côté où je les avais alors, et m'étonne de la configuration d'ici, quand je n'y vois qu'un pan de mur plein. J'entends ces bruits si familiers d'une maison. 
Pour moi, dans la vieille ferme, le grincement de la porte du poêle, le battement têtu de celle de la cuisine, quand on ne l'avait pas suffisamment claquée pour la fermer, le bruit des chaînes des vaches, différent de celui d'ici. La vibration intermittente du réfrigérateur. Le vent, dehors, plus assourdi qu'ici. La lumière différente sous les plafonds hauts. L'odeur du bois brûlé, celle piquante de la fumée. La perspective en fuite depuis le fond de la chambre jusqu'à la cour où ma mosaïque fracasse le reflet par ses fragments de verre. Le bruit des griffes des chiens sur le carreau ou le parquet. La voix de mon père, même celle de ma mère, parfois, qui m'appelle.
Certaines images incongrues me visitent. Je ne les identifie pas, pas plus que je n'en connais la cause. Une silhouette floue dans l'air, une forme étrange penchée sur moi. Elle instillent une manière de malaise, disparaissent.

Puis, je me réveille, allume la lampe, et me retrouve ici et maintenant. Mon décor me surprend, puis, très vite, me plaît. Je reprends pied dans le moment et l'endroit. Je suis contente d'être là, et en ce temps. 
J'aimais ma vie d'avant. Mes articles me le confirment, même si je n'ai pas besoin de les relire pour m'en rappeler. La seule période difficile que j'ai eue à passer m'a suffisamment fait sentir la chance immense d'avoir vécu cette vie là, si préservée, simple et saine. 
Vu de maintenant, je sais que ma trajectoire est juste, et bénéfique. Quand je m'endors, je sais trouver le repos, quand alors je cherchais juste l'oubli dans le sommeil.  

Je cherche moins la paix. Je crois bien que je l'ai trouvée.




 



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