vendredi 30 septembre 2022

AOUT SEPTEMBRE 2022

 

Lundi 1er Août 2022 16h40


Samedi soir,  le couchant me tient un moment en admiration sur le balcon, dans la brise tiède.





Dimanche après-midi, hier, le ciel voilé de masses grises ne déversait toujours pas de pluie. Comme les jours prochains sont annoncés en hausse croissante des températures,  j'ai préféré assurer mes récoltes sans attendre le grand chaud.
Mon modeste rang de patates n'alignait que huit pieds. L'un de ces huit avait été coupé. Autant dire que je n'espérais pas remplir les greniers avec ça ! Tout de même, les fanes  sombres et généreuses auguraient d'une bonne prolifération des tubercules, là dessous. J'avais fait un petit sondage précautionneux, la semaine dernière. Une magnifique patate oblongue, dense et lisse, lourde en main, m'avait mis l'eau à la bouche.





Promesses tenues : la récolte a été honorable.

J'ai fait le tour de mes richesses, détaché quelques courgettes encore, une aubergine, et trois tomates mûries. Mon effeuillage paraît probant : plus de chenilles dévoreuses lovées dans la pulpe fraîche. Je me le tiendrai pour dit.

Les salades tendres repiquées en caisses sont prêtes. Autant que ces sales vers gris n'auront pas eues !

Le potager est une petite lutte contre l'adversité. Le travail n'y est pas toujours récompensé comme on le penserait. Les jolies surprises n'en sont que meilleures.

Ma Bullou complètement rétablie le sait bien, elle, combien il est bon, après une passe mauvaise,  de reconquérir la forme !

Les premiers bébés hirondelles des secondes nichées, baillent de leurs petits becs orange, en triangles grands ouverts à l'adulte perché sur le bord de leur nid. Les autres sont pour le moment silencieux. A venir...


Mardi 2 Août 2022  7h15




Je prends le temps de regarder le lever du soleil, même les jours où je vais travailler. Quelques minutes pour s'emplir les yeux de beauté méritent un peu de presse ensuite.






Après Ttony la semaine dernière, c'est au tour de Petra de s'agiter en rut. Cette fois, je l'ai moins entendue meugler. Ou alors, elle le fera tout au long de la journée... Elle est à peine rentrée pour manger la luzerne, pressée de quêter l'amour en extérieur. Ttony, bonne copine, bien moins empressée à ressortir, a suivi, sans grande conviction, mais par solidarité. Cette paire là ne se dédie pas.







Dans l'étable tranquille, deux mères de familles pépient gentiment :

    - Comment ça va, les petits ?

    - Plutôt bien. Ils grandissent. Nous serons prêts pour le départ, fin septembre.

    - Tu vois encore les aînés ?

    - Penses-tu ! Je les croise à peine dans le champ. Ils font leur vie.

    - Bah, ils reviendront bien pour le moment de partir.

    - Bien-sûr, quand ils auront besoin de nous ! Tu le sais aussi bien que moi, c'est assez ingrat, à           cet âge là... Et pour toi, ça se passe bien ? 

    - Oh oui. Les petits sont mignons. Quand je pense à l'année dernière, je peux te dire que je revis        cette fois !

     - Tu m'étonnes...

    - Allez, c'est pas tout ça : on est bien là, à bavarder, mais il faut se réapprovisionner.                   Remarque,   avec toutes ces mouches collées au plafond, et les araignées ici-même, le travail est vite fait.

       - C'est sûr ! Allez, à plus tard alors, et le bonjour au mari.

        - Salue bien le tien de ma part, et bonne journée à toi !

La carré de soleil lape le mur, et monte vers elles. Un brin de toilette rapide, et elles s'envolent, faire une virée dans le pré, se glissant dans les courants d'airs, penchées sur une aile, puis l'autre, fuselées comme des mirages, et gracieuses comme des caravelles légères.

Il est temps de remonter. La journée est annoncée chaude.


Mercredi 3 Août 2022 11h30.


Le déjeuner est prêt. J'attends mes convives. Une brise rafraîchit la pièce. J'aime bien cet endroit traversant, où l'on voit de part en part à travers l'appartement. Ca donne un dedans-dehors des plus agréables. Ca assure aussi une circulation d'air bienvenue.

Je suis à jour de mes extérieurs. Si l'après-midi est chaude, je retournerai du côté de mon Ménière. 


21h30 environ





Le soleil couchant se difracte au-dessus du Jaïzkibel allongé, comme une lune pleine.

Ce spectacle toujours changeant ne me rassasie pas.


Vendredi 5 Août 2022 10h50


J'ai une petite avance sur mes logistiques.

Le ciel gris pommelé ne veut toujours pas pleurer. Un petit vent taquin rafraîchit l'ambiance. On pourrait se croire en début d'automne, si ce n'étaient les prés séchés d'un été aride.

Les régies des eaux recommandent les premières restrictions. Je ne me souviens pas avoir jamais connu ça ici. Ca donne une impression de vulnérabilité, un accroc à notre sentiment de confort assuré. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Ca oblige à apprécier ce qu'on a, qu'on croyait inaliénable, et qui ne l'est donc pas.

J'espère en l'après 15 Août. Il me semble avoir noté alors un changement d'atmosphère. Je me trompe peut-être. Nous n'avons jamais été aussi prêts de le savoir.

La rumeur du monde me parvient assourdie. La guerre à l'est, les parlements envasés en amendements incessants, la récession économique et sociale annoncée, Taïwan et un début sérieux de conflit à grande échelle, tout ça n'engendre vraiment pas la sérénité.

Ici, je me crois préservée. Là aussi, je me trompe peut-être. Sûrement...


Dimanche 7 Août 2022  21h




Je conserve cette image à titre d'archives futures. D'après les nouvelles récentes, cette opulence végétale ne fera pas long feu. J'avais déjà sélectionné des espèces résistantes à l'aridité hydrique. Pour les quelques délicates plus exigeantes, elles périront, voilà tout !

Notre flore fera comme nous : elle s'adaptera, ou elle disparaîtra !

La sélection naturelle fera son travail.


Lundi  8 Août 2022  11h


A Rivière, se joue une autre affaire de sélection naturelle.

Olivier avait récupéré deux œufs de poule chez son voisin. Des œufs d'une poule noire, à œufs bleus. Oui, la coquille est bleue, mais l'œuf lui-même est classiquement jaune. Nous  vendons de ces poules à la jardinerie. Je ne sais pas si cette race est naturelle, ou si elle résulte d'une manipulation humaine.

Le voisin ayant un coq, les œufs avaient de bonnes chances d'être fécondés. Olivier de son côté avait une poule glousse, rousse. Les œufs fécondés pouvaient être couvés, et les poussins en naître.

La poule glousse d'Olivier ne fit pas de manières, et accepta de couver les œufs exotiques. Trois semaines plus tard, protocolairement, un poussin sortit de sa coquille. Le lendemain, un second pointait son bec. Celui-ci paraissait avoir quelques difficultés. Il ne se défit pas de son carcan calcaire entièrement, gardant au cul une coque rigide. Il ne parvint pas non plus à s'extraire de la pellicule en dessous.  Le premier vaquait, guilleret, autour de sa poule mère adoptive.

Olivier suivait l'affaire heure par heure. Il acheva le travail du puîné, puisque la poule ne paraissait pas vouloir le faire. Sans doute à ce moment-là s'était-elle aperçue qu'il y avait un hic dans cette éclosion. Autant les œufs bleus ne l'avaient pas décontenancée, autant ces poussins noirs l'interrogeaient sérieusement sur son destin de mère-poule. Notre poule glousse était peut-être daltonienne, raciste, ou alors, suffisamment aventureuse pour tenter une expérience, qu'elle ne se sentit pas d'aboutir, finalement. L'adoption n'est sûrement pas une problématique facile...

Ca, c'était le samedi.

Pour dimanche matin, le premier poussin était froid, mort. Le second, né de la veille, était lui aussi bien mal en point, roulé dans un coin de paille, inerte. Vivant encore. La poule s'attelait à sa mangeoire garnie, et ne lui prêtait pas attention. Elle piétinait le cadavre du premier poussin, sans se préoccuper de ce qui se jouait là.

Olivier s'émut du drame. Oui, nous sommes tous les deux vite attendris par la détresse animale.

Il prit délicatement le poussin moribond. Il l'installa dans la véranda ensoleillée, où la température monte dès le matin. Douillettement installé dans une petite barquette, le poussin se revigora. Olivier lui présenta de la nourriture, et de l'eau. Le tout petit piaillait, essayait quelques mouvements. Il n'arrivait cependant pas à se tenir debout, encore moins à marcher, bien-sûr.

Olivier lui présentait l'aliment et la boisson à la petite cuillère. Le poussin picorait et aspirait, sans conviction, et détournait très vite la tête. Il gardait un œil fermé, et l'autre pas trop vif.

Les choses ne se présentaient pas au mieux. Olivier veilla le poussin toute la journée, le nourrissant à intervalles réguliers. Le petit réagissait à sa voix, et venait même se lover entre ses doigts, pépiant doucement.

En quelques heures, Olivier s'était attaché à son petit poussin. Il me tenait au courant presque heure par heure, puisque moi j'étais ici, à 80 Kms de là.

Au soir, le poussin ne se levait toujours pas. Il redressait bien la tête, et était tout chaud. La vie semblait hésiter entre l'investir et l'abandonner. Cela tenait à si peu !

Déraisonnablement, je confiai encore une fois une prédiction favorable à l'issue de cette fourche entre deux voies : s'il vivait, tout irait bien pour nous. S'il mourrait, ... malheur !

Ce matin, le poussin n'était plus. L'ampoule allumée au-dessus de lui l'avait bien maintenu au chaud. Mais son corps mou, sa tête ballottant sur son tout petit poitrail aplati, marquait la victoire implacable de la mort.

Funeste présage ! Vite relégué à sa place. Le petit poussin mort repose en paix. Et mes espérances restent tout de même vives.













Histoire de se tourner vers des lendemains plus chantants, Antton et Beñat ont ce matin charroyé mon tas de fumier sur les hauts d'Agorreta. L'empilement mécanique est évidemment moins soigné que mon œuvre jour après jour. Ils ont entassé en une heure ce que j'ai mis une année à bâtir !

Là dessous, le fumier continuera de travailler jusqu'en fin d'hiver prochain. Il sera alors au meilleur, pour amender et nourrir la terre.

Avec la hausse du prix des engrais, le fumier est plus que jamais un or noir.





Pour la prochaine année, je ferai un tas plus court, plus compact. J'avais vu un peu grand...


20h30

Je reviens d'une longue promenade sur le flanc des Trois-Couronnes. Dans ce genre d'expédition, Meriem est mon guide. Les sous-bois de châtaigniers bordés de mélèzes, parsemés de chênes et de hêtres, sont encore frais d'une humidité jalousement gardée. Les fougères y sont opulentes et gracieuses, les pierres à l'ombre, moussues. Sous les tunnels creusés dans la roche, il fait frais. La pierre suinte, en pans coupés de diamant taillé. 

A flanc des parois rocheuses balayées de soleil, nous avons repéré deux nids de vautours. Les rapaces, gris-bruns sur la roche brun-gris, se confondaient en un mimétisme parfait. Nous avons du fixer longtemps les niches que m'indiquait Meriem, pour, enfin, différencier l'oiseau vivant, immobile, sur le flanc minéral où une végétation tenace était plus mouvante que lui.

En bout de course, une cascade, fluette de la sécheresse, mais encore suffisante pour alimenter trois bassins cristallins.

J'ai ramené de notre virée une grosse poignée d'images fraîches, des passages étroits dans la montagne haute, des cavernes profondes et des perspectives vertigineuses.


Mercredi 10 Août 2022  15h


Les températures repartent en escalade. 34° aujourd'hui encore, un peu plus demain. Là, je suis bien, assise à la grande table ronde, dans l'axe parfait de la brise tiède. 

Demain, ce sera une autre histoire, dans la pépinière au goudron brûlant. Les restrictions d'arrosage ne nous empêchent évidemment pas d'abreuver notre stock mercantile de plantes, mais j'évite de le faire trop longuement. Je privilégie la première plage horaire matinale, là, où, moi, j'aurais pourtant moins besoin de m'asperger d'eau fraîche. La "sobriété" le demande. Encore une illustration du verbiage politique : austérité est âpre, récession paraît trop anxiogène, retour de manivelle culpabilisant, sans doute, et resserrage de boulons, trop brutal. Pénurie, ça pince aussi. Non, "sobriété", ça fait sérieux, pas très gai, mais sécurisant encore. Seigneur Dieu, comme on est capable de se voiler la face !

La brise forcit, une laitance s'étire au-dessus de la baie. Une "embata", peut-être ? malheureusement sans pluie ?

Il nous faut bien intégrer la sécheresse dans nos paysages et nos cultures. Si, au moins, la canicule se faisait moins écrasante...

Un été bien marqué, cette année, ma foi !


21h40





Plus de cinquante hirondelles se sont donné rendez-vous sur un carrefour de lignes téléphoniques. Une réunion de quartier. J'ai l'impression de nuées plus abondantes, cette année, contrairement à la tendance, paraît-il. Un excès d'optimisme, peut-être, ou un micro-phénomène Agorreta.







Jeudi 11 Août 2022 de 7 à 22h


Des jeux de lumières fantastiques glissent dans le ciel. Des nuées, des ombres coulées et des clartés irisées. Pas de pluie. Une chaleur lourde et oppressante.

Demain sera plus frais.






Dimanche 14 Août 2022 11h30


L'orage d'hier soir a tonné sur Bayonne. Arrivée ici, je n'ai vu que quelques flaques, quelques flaques au moins. Les cuves à eaux ont à peine remonté leur niveau. Un lézard s'épuisait à nager, glissant sur la paroi trop lisse. Je l'ai repêché, et posé dans le paillasson d'herbe, où il s'est vivement faufilé.

Je n'ose plus m'attarder au potager, misérable des plants desséchés.

Je ne descends plus trop non plus aux châtaigniers. J'ai bien l'impression d'en avoir perdu deux, et peut-être même quatre. Je regarderai ça de plus près le mois prochain.

Les conversations tournent autour des stocks de fourrage, des maïs qu'on va peut-être ensiler, pour ne pas les perdre complètement. Les têtes ne progressent pas.

Une année de misère pour le paysan.

Les feux monstrueux avalent des hectares de forêt. Les habitants en lisière évacuent en catastrophe.

Nous sommes ici privilégiés. Et nos plaintes indécentes.



Mercredi 17 Août 2022  21h





Une trouée lumineuse fantastique dans les lourdes masses sombres irradie sur la baie.

La pluie est espérée, encore, toujours.


Samedi 20 Août 2022  11h40


Elle est enfin arrivée, alléluia !

Dans la nuit de mercredi à jeudi, dans la journée et la soirée de jeudi encore, une bonne pluie, drue, pas violente, a abreuvé la terre altérée.

J'ai écouté avidement cette eau, j'ai senti son bienfait.

Ca n'est pas assez, disent beaucoup. C'est déjà pas mal, pourtant. Suffisant sans doute pour reverdir un peu les prairies, et tirer sur la bonne rive mes châtaigniers entre reprise et dessèchement. A suivre.

Les extérieurs en repli stratégique de survie ne me mobilisent plus. J'ai nettoyé le potager, arraché les plants blanchis et flétris. Je n'ai gardé que quelques tomates, avec leurs fruits encore à venir. Les melons ont mûri d'un coup, plus brûlés que maturés. Leur chair était savoureuse, quand-même, sucrée et parfumée, trop pâle, et sans grande densité. Les récoltes estivales, abrégées par la sécheresse, ont sonné leur glas.

Il a suffisamment plu pour remplir mes cuves. Je vais pouvoir me repiquer une planche de poireaux, ressemer les carottes, un peu tardivement, mais bon. Comme il me restera un peu de place, je vais lancer aussi un carré de choux. Tous ces gris-bleu et vert tendre régaleront l'œil, avant même le palais.

Pour le printemps prochain, je repartirai dès février-mars avec des planches d'ail et d'oignons, des rangs de patates, peut-être quelques fèves pour les fleurs blanches et noires, en principe sur le carré d'à côté, où mes couches carton-fumier-sciure-débris végétaux à composter auront travaillé tout l'hiver. Je vais devoir jongler pour installer les récoltes printanières sous le poirier, de façon à les rentrer avant la chute des fruits.

Finalement, mon potager sans peine demanderait presque à être agrandi, pour respecter les temps de repos de la terre. J'y penserai.

Cette expérience paillage m'a totalement convaincue. La seule erreur à corriger niche dans ces montées en butte, trop asséchantes sur cette terre déjà caillouteuse, et par le fait suffisamment drainante.

J'ai encore une amplitude de souplesse lombaire honorable. La station courbée en séquences pas trop longues ne me laisse pas raidie. La pleine terre me reste accessible. La culture en bac est certes plus confortable, mais limite la superficie disponible. Je l'ai pratiquée en bas. Je la réserve maintenant à des années futures, quand mon arc vertébral m'y contraindra. Ca peut aller très vite, je le sais !

J'adapte tout ça au fur et à mesure de mes expériences. J'ai gardé de mes longues années de culture maraîchère avec ma mère une science de base bien utilisée ici. Pour les aménagements, je tente, curieuse, pas trop aventureuse puisque l'enjeu en est bien futile : beaucoup de plaisir pour peu de peine.

Cette restriction de mes activités en extérieur me laisse un peu vacante. J'emploie mon temps libre en lectures, en séances "hâlage". 

Je garde de mon enfance laborieuse un sentiment de culpabilité à cette oisiveté : lire, ce n'est sûrement pas travailler, hors études sérieuses. Et encore, la notion de travail intellectuel est récente, dans notre monde paysan. 

Le travail, c'est la besogne, si possible pénible, dure. Le travail ça doit fatiguer, faire suer. Le travail, ça doit mériter ses fruits, pour qu'on en sente bien le prix. 

Mes lectures sont de purs divertissements. Je n'ai aucune culture livresque, et les ouvrages ramenés périodiquement de la médiathèque élargissent un panel éclectique, voire hétéroclite. Je trie ensuite ici, n'hésitant pas à mettre de côté, retour à l'envoyeur, tout ce qui ne me séduit pas d'emblée.

Je différencie ainsi très bien les livres en trois dimensions, où l'écriture vous entraîne par immersion dans son univers. Les autres, agréables mais plus en surface, comme une maison dont vous trouveriez la façade jolie, sans avoir l'envie d'y entrer, parce-que le jardin derrière paraît fade. Les derniers enfin, qui vous hèlent à peine, mais  vous laissent finalement froids, indifférents.

J'assimile ainsi la mienne à la seconde catégorie, avec quelques rares pointes en première, et des passages entiers en troisième, malheureusement...

N'est pas écrivain qui le veut !

Pour ce sentiment de "vacance", ("vacaaaance" disait ma mère avec mépris en tordant la bouche : le mot lui faisait insulte, et le concept la hérissait, sainte femme rompue au labeur incessant), je ne l'ai pas tout à fait intégré. Je ne parle pas des "vacances"-voyage-dépaysement. La plupart des gens vous demandent en effet pour le moindre congé où vous "allez". Moi, je ne vais nulle part, et je me trouve tout à fait bien de mes parages immédiats et de leur beauté infinie.

Je parle plutôt du terme "vacance" issu de "vacant" lui-même non loin de "vide". Du, "vide", néant. Inoccupé. Temps perdu. Temps mort.

Je sais maintenant que le temps en tête à tête avec soi-même, sans la distraction d'une occupation où l'attention est happée, le corps mobilisé, est bénéfique. Je garde pourtant bien en tête l'idée que la saine activité l'est aussi. Une journée où je me suis utilement employée à quelque tâche laborieuse me paraît de mérite. Une après-midi de lecture me laisse moins satisfaite, en plus de me causer quelques courbatures d'une trop longue immobilité. 

Je ne m'autorise pleinement la lecture déculpabilisée qu'en fin d'après-midi ou en début de  nuit, après avoir accompli mon content de "devoirs", de "tâches". Du moins ce que je peux assimiler à du travail, maintenant, et qui n'est dans les faits que du loisir, un peu atypique, sans plus.

Je suis ainsi formatée. Déconstruire toute une éducation ne se fait pas d'un claquement de doigt !

J'y travaille avec assiduité. Mes progrès sont fulgurants. Mon exigence de plus en plus légère. Et mes dédouanements, résolument indulgents.

Je sens bien que je vais y arriver !


Dimanche 21 Août 2022  autour des 20h30





Les ciels fantastiques des débuts et fins de journée me captivent. Je reste là, en arrêt, benête, béate.







Je n'ai qu'à tourner la tête, pour contempler la lumière du couchant qui s'allonge sur le paysage , comme une courtisane lascive s'étend sur son sofa moelleux.










Avant le coucher du soleil, TtonytaPetra sont remontées à l'étable pour un petit en-cas d'avant nuit.

Le miel de Ttony s'éclaircit en plages de sable plus pâles.

Petra se moire comme le velours épais des tentures lourdes.

Toutes les deux ondulent de volumes arrondis. Leur pelage vogue là dessus en reflets changeants.

Ttony a profité de mes contemplations captivées, pour se faufiler par la barrière que j'avais laissée ouverte par distraction. Sa curiosité l'a menée à l'entrée de la porcherie-remise, d'où elle a reculé gentiment, quand je l'ai appelée en lui tendant un bol de luzerne. Elle a au passage posé sa tête dans l'évier, me faisant craindre un descellement des équerres de soutien. Ces petites bêtes là commencent à peser lourd, et à pousser fort, quand l'idée leur en vient.

Heureusement, Ttony a délicatement relevé son mufle, sa curiosité satisfaite. 

Je suis pourtant attentive à refermer la barrière à chacun de mes passages. Ne serait-ce qu'à cause de mon Ménière, qui peut me tenir au sol un bon moment, n'importe où, et n'importe quand, quand il me rend visite, sans aucun préavis. 

Je vis ainsi avec la sensation aigue de l'aléatoire dans nos vies, intégrant parfaitement le concept d'un avenir immédiat hors de portée, en une seule fraction de seconde. Ma perspective n'est pas dramatique pour autant : je ne pense pas toujours à l'inéluctable, avec la mort perchée constamment sur mon épaule. 

Vivre ainsi ne serait plus vivre, mais se penser, non, se savoir !, potentiellement mourant, à chaque instant. Même si l'idée n'est pas déraisonnable, (et pour cause), elle est incompatible avec notre conscience d'exister. L'aveuglement salvateur nous préserve. Ainsi, nous avons plus besoin d'être inconscients de notre sort, fourvoyés dans l'illusion d'une longue vie devant nous, que trop lucides. 

Le grand âge ramollit suffisamment le neurone pour pallier le manque de cette perspective, ou alors, torture assez le corps pour la rendre presque attrayante.  Et puis, la chimie supplée, là où le destin accable. Ainsi en soit-il.

Je pense juste à une probabilité ma foi pas négligeable d'un vertige fulgurant, comme j'en ai déjà connus beaucoup. Un mouvement de tête un peu brusque, une rotation trop fougueuse, et je peux me retrouver à terre, et y rester, quelques minutes, ou bien beaucoup plus, selon affinités.

Je dois me relâcher, pour ainsi oublier d'assurer mes arrières. Ttony, elle, mine de rien, doit attentivement observer son environnement, pour se saisir ainsi d'une faille si étroite, pour élargir son périmètre d'aventure.

Mon relâchement signe une détente elle-même propice à la disparition de ces maudits vertiges.

Et les fines observations de Ttony confirme la vivacité de ma bovine malicieuse.

Tout ça va finalement dans le bon sens !


Mercredi 24 Août 2022 entre 20 et 21 h



Saint Barthélémy, 1570 et quelques, massacre des innocents.

Catherine de Médicis, alors reine, catholique, fait assassiner des dizaines de milliers de protestants. Il ne faisait pas trop bon croire hors de la ligne, en ce temps-là, déjà...





Les cieux étaient-ils au soir de ce jour de triste mémoire aussi contrastés ? Lumière et ténèbres mêlées. 

Un peu de pluie, sans doute, encore. 
Les quelques averses sporadiques entretiennent le bienfait de l'eau tombée la semaine dernière.
Les prairies mal abreuvées reverdissent déjà.
A peine plus au nord, la terre reste assoiffée.





Dimanche 28 Août 2022  7h40








Le soleil allume les nacres du levant.

La courbe vers la Rhune est résolument tracée. 

La journée est annoncée chaude. Je vais ajourner l'épandage fumier-sciure sur ma planche en friche, plus ou moins programmé pour cette après-midi.

La reprise de ces travaux de jardinage me fait du bien.

A la pépinière aussi, j'ai entamé à bras le corps le rangement des jauges. Une bonne purge des invendus libère de la place. Je peux espacer les plantes, les reclasser méthodiquement : l'inventaire est pour fin septembre. Je fibrille déjà...

Tout ça tire un peu sur les muscles ramollis. Quand une petite émulation me gagne ainsi, j'ai à cœur de tenir la cadence de mes jeunes collègues, et, mieux, de la surpasser. C'est un peu ridicule, mais c'est ainsi : un reste du temps d'avant. Eux laissent faire, moins motivés que moi par cet inventaire perçu pour la plupart comme la journée la plus barbante de l'année. Comme quoi...

Mes journées s'étirent entre ces levants et ces couchants féériques, dans mon petit monde de Bisounours. Le temps coule, fluide, dense comme une coulée de crème liquide sur une poire confite. Je tiens cette image précise d'une publicité bien ancienne, pour du chocolat, je pense.

L'idée la plus proche pour moi de la volupté : ici aussi, tout n'est que paix, calme, et volupté, sans le luxe de Baudelaire !


21h




De sombres nappes grondantes promettent encore l'eau.


Lundi 29 Août 2022 16h


Une averse encore et des roulements sourds de tonnerre. Nous avons bien fait ce matin, avec ma mienne nièce, d'épandre une bonne couche de fumier et de copeaux sur la friche potagère, pour couvrir les débris séchés des plants d'été arrachés.

Avec cette chaleur lourde, le temps est terriblement poussant. La végétation adventice s'en donne à cœur joie. Mes poireaux redressent fièrement la tête à travers la couche de sciure. Je planterai les choux vendredi.

Puisque je n'ai pas d'herbette à tirer au potager, je vais pouvoir me dédier aux ronces et orties déjà reparties à l'assaut partout. Bougresses ! Elles ne perdent pas de temps !

L'averse a cessé. L'orage gronde vers la mer. TtonytaPetra sont au fond du pré. Elles remonteront tout à l'heure, pour leurs rations du soir.

Les chiens affalés sur le carreau cherchent le frais. Les mouches survoltées agacent. Mes oreilles compressées souffrent de la touffeur atmosphérique. 

Nous nous ferons sans doute à ces pointes de chaleur. Par force. Dégouliner l'eau doit assainir les pores et la lymphe.

Je retourne à la jardinerie demain, continuer mon chantier de préparation de l'inventaire. Sous mon petit chapeau de paille, j'œuvrerai vaillamment, avec "goût et envie" !




Dimanche 4 septembre 2022 7h45




Des "nuagets" en plumetis s'égayent dans le ciel doucement éclairé. 

Je vais bientôt perdre depuis cet horizon l'astre en son lever.

Je le rattraperai plus haut, depuis le potager.




Là, il est reparti à neuf, celui-ci, pour la saison hivernale.

Sous le poirier, la bande en friche repose.









Les choux repiqués vendredi se redressent péniblement. Le plant était magnifique, avec des pieds dodus et de grandes feuilles très développées. Un peu trop, pour une reprise facile !
Les poireaux font leur vie. Un seul plant a fondu.
Mon second semis de carottes a surgi en une semaine, fouetté par la chaleur et l'humidité.
J'ai eu la main un peu lourde. C'est bien connu : qui sème dru, récolte menu !
J'en suis quitte pour quelques séances assidues d'éclaircissage. Ici, je n'ai pas pu pailler, pour laisser lever le semis : je dois aussi suivre le désherbage. Ce petit carré me rappellera le bon vieux temps, celui où les mêmes opérations dupliquées sur des surfaces quasi-industrielles, me tenaient courbée de longues heures durant. Tout est question d'échelle : ce qui alors était pénible corvée devient ici passe-temps agréable.




Les deux rescapées de la planche originelle semée en juillet ont eu la vie dure, entre sécheresse et canicule. Elles témoignent d'une résistance admirable, et toisent les petites privilégiées à la vie trop facile du haut de leur combat plus victorieux encore d'avoir été si rude.





J'ai protégé les plants de salades en tipi affaissé. C'est un peu disgracieux, mais utile à dissuader les passereaux toujours prêts à venir picorer un peu de tendreté végétale.

Pour les attaques souterraines de vers sournois, j'ai foi en la robustesse de mes choux, et en l'avancée de la saison. Le petit papillon volette moins. A surveiller de près.




  15h20


Les parages sont totalement silencieux. Quelques mouches bourdonnent mollement. Cette pièce en surplomb direct de l'étable importe évidemment quelques désagréments. Bullou claque sporadiquement des mâchoires, pour essayer de les attraper, passablement énervée.

Je suis ici pour quelques jours de congés. Je me suis organisé un petit programme, juste assez touffu pour occuper mes journées. Puisque la pluie a suffi à faire repartir l'herbe mauvaise, je me suis attelée à un tour d'horizon complet de débroussaillage. J'ai maintenant l'engin parfaitement en main. Seule, une défaillance du harnais me rend le portage un peu inconfortable. Je vais sans doute devoir me résoudre à un petit achat.

J'ai aussi repris mes plates-bandes et mes bacs. Les arrosages réduits marquent leurs victimes. Les espèces moins gourmandes prendront la place des manquantes. Une bonne taille donne de l'air dans tout ça. 

Une jolie colonie de cochenilles tapie dans le nandina s'est retrouvée à découvert. Je les ai pourchassées sur l'oranger. Je ne me doutais pas qu'elles se réfugieraient là. Soit ! Je continue ma traque ! On verra bien qui d'elles ou de moi aura le dernier mot ! Elles luttent, les bougresses, et leurs manœuvres sournoises mettent à mal mes tentatives de délogement : l'ennemi se terre partout...


Je vais cette année faire un tour au comice agricole. Les grosses bêtes alignées tendent leurs croupes rebondies. Quelques laitières plus décharnées me plaisent davantage. La dernière fois, j'y suis allée avec mon père. D'autres vénérables le saluaient. Ils se mettaient de grandes tapes dans le dos, pas trop vigoureuses, pour ne pas perdre l'équilibre, les uns et les autres.

C'est là qu'un de nos vieux voisins répondit à mon père qui lui demandait s'il prenait des médicaments :

    -katilloka !

    - par bols entiers !

Et tous les deux de rire aux éclats, penchés en avant, chancelant sur leurs canes, pas trop stables l'un et l'autre.


Mes bêtes à moi pâturent sous les arbres. Ttony vient de passer sa chaleur. Petra s'est décalée de quelques jours, à la semaine prochaine. Histoire de piétiner ma théorie des ruts en série dans les troupeaux de femelles...

Avec ces deux-là, la vie est facile : elles vont et viennent, nonchalantes, assurées de trouver gîte et pitance. Elles ne réclament jamais. Puisqu'elles ont toujours. 

Je les vois croître et embellir. Leur gabarit me paraît honorable. Aucune "coupe", mais beaucoup de grâce. Le seul suspense se niche dans l'encornement de Petra. Après un départ gravitationnel désastreux, il semblerait qu'il y ait un semblant de redressement vers une horizontale plus conquérante. On n'en est pas à la victoire d'une courbe érigée à la Ttony. Mais qui sait, on a déjà vu des débuts de parcours difficiles s'amender en trajectoire lumineuse...



Mardi 6 septembre 2022  15h30


Une tonalité automnale s'est brusquement imposée en début d'après-midi. De façon saisissante, la lumière a changé : les verts se sont matifiés, et l'or pâle a distillé sa lumière, en nappes encore discrètes, mais bien là. L'ombre portée du grand carolin de l'ancien poulailler s'est allongée loin dans le pré, comme si le soleil était descendu d'un coup. Il faut dire que mon temps de sieste lui en laissait le délai...

Tout de même, j'ai trouvé ce changement étonnant. Le sens du vent, quelques nuages joufflus dans le ciel pâli, et ma saison préférée s'installe, souveraine. Ce n'est peut-être qu'une percée éphémère, et les jours prochains resplendiront sans doute encore d'une chaleur écrasante sous des cieux hauts implacables.

Tout de même, la nature durement éprouvée par cet été aride doit aspirer à se ressourcer au plus tôt. Elle replie doucement ses dernières ardeurs, pour se préserver, éreintée d'une lutte si difficile.

L'automne sera sûrement précoce, cette année.

J'ai ce matin fait le tour de mes châtaigniers. Deux ont séché. J'ai repris les liens, relâché les anciens, coupé les repousses sur les troncs encore verts. Mon bosquet est bien juvénile. Les silhouettes des derniers plants montent, encore fluettes dans leurs tubes, et paraissent vulnérables. Le cépée décimé restera un isolé. Les deux noyers rescapés dardent une pousse vigoureuse. Comprimés dans leurs tubes, ils exhalent un curieux parfum de cacahuète. 

Je ne vais pas remplacer les manquants. Si tous ceux-là survivent, le bosquet sera suffisant. Je vais le mois prochain tuteurer plus haut les derniers plantés. Un tubage sur trois plans devrait maintenir les frondaisons hors de portée de TtonytaPetra. 

Elles sont venues voir ce que je faisais, évidemment, soufflant sur le seau où j'avais regroupé mes accessoires et outils. Les châtaigniers ne paraissent pas les intriguer. Elles les ont intégrés dans leur paysage, puisqu'ils étaient là avant elles. Je prie pour que cela leur dure !

Tiens, le vent forcit d'un coup. Je vais vite sécuriser quelques courants d'air mugissants. Dans la vieille ferme, je parcourais les étages et les pièces. Ici, tout se concentre en une seule.

Avec tout ça, je suis parfaitement à jour de mes entretiens paysagers. Je referai un tour dans un mois. D'ici là, quelques pluies nous auront peut-être fait l'aumône de leur bienfait.


Jeudi 8 septembre 2022 16h45


J'ai mis à cuire des pommes pour le goûter. Elles embaument déjà.

TtonytaPetra craquent le foin, en bas. Leur cadence de consommation s'est considérablement accélérée. D'une vingtaine de jours, on passe à quatorze, quand ce n'est pas treize, par balle ! L'herbe repousse pourtant dans le pré. Je vais rationner les petites trop gourmandes, sinon, je n'arriverai pas à boucler la saison jusqu'au prochain fanage de mai, ou juin. Horreur, malheur !

Nous sommes allés avec Olivier au comice agricole. Sans surprise, la majorité des bêtes étaient des blondes, hautes, larges, et longues. Nous avons assisté à deux trois présentations suivant les classes d'âges. 

J'ai tâché d'écouter les commentaires des juges, et leurs explications. Il y avait pas mal de bruits parasites, et je n'ai pas tout compris. Quand-même, j'ai bien établi le fossé entre leur considération de la vache, et la mienne. Là, on parlait de masse de viande, de charpente et d'attaches, propres à en supporter davantage encore. Du port, pas trop question, de l'allure, moins encore, et alors, pour l'expression, rien du tout !

Une série s'avançait, les éleveurs faisant avec leurs bêtes quelques tours de pistes. Certaines se laissaient conduire sans faire d'histoires, d'autres renâclaient, dépassant leur meneur et désorganisant la parade. A quelques coups de bâtons près, le circuit se tenait.

Ensuite, les éleveurs rangeaient les vaches côte à côte. Les évaluations avaient été faites plus tôt. Les juges donnaient les emplacements, en fonction du rang dans le classement. 

Un de nos amis menait là une demi-douzaine de bêtes, dans différentes catégories. En arrivant, nous le vîmes avec une vache de première lactation, autour des trois ans, à vue de nez. Elle était en concurrence avec trois autres, alignées maintenant auprès d'elle. 

Je regardai tout ce petit monde, de mon œil pas du tout professionnel. Ces grosses bêtes me plaisent bien moins que les laitières, ou les croisées. Je vois tout de même la qualité de leurs volumes trapus, la densité de leur musculature, la largeur des bassins et la robustesse de leur charpente.

Dans ce groupe, je m'attardai à regarder celle de notre connaissance, et celle garée, à grand peine, à l'autre bout de la ligne de quatre. Les deux du milieu me parurent assez semblables. La première de file et la dernière étaient, elles, bien dissemblables. La "nôtre", plus rousse, plus ramassée, levait haut la tête, fière et gracieuse, qu'elle avait plus courte que ses concurrentes. On la sentait un peu inquiète de cet environnement étranger pour elle, mais sans plus. Elle se laissait conduire, manifestant peu une contrariété bien compréhensible. Son port était fier, bien plus fier que celui de celle à l'autre bout, et son expression autrement plus fine.

La dernière de la ligne, monumentale il est vrai, plus claire, plus massive, plus haute et plus longue, par le fait sûrement bien plus lourde, ne tenait pas bien en place, au dam de son présentateur.

Sa mine était bovine, vraiment, bovine. Un mufle long, type âne, de petits yeux vaguement porcins, aucune étincelle dans le regard, un port désordonné, une silhouette lourde, passablement proche du bison. Pour l'encornement, auquel je m'attache particulièrement pour une vache harmonieuse, alors là, une vraie catastrophe, avec deux appendices tournés vers le bas, tronqués à quelques centimètres de la tête, en deux moignons ridicules. La couleur blanc sale, sans reflet sur un poil ras et raide ne relevait évidemment pas l'ensemble. A mes yeux résolument profanes.

Pour moi, il n'y avait vraiment pas photo. J'étais persuadée que la "nôtre" remporterait. Placée en bout, elle était soit la gagnante, soit la perdante ! Et bien, les juges en avaient décidé autrement : la victoire fut attribuée à la montagne brute et sans sensibilité. Comme quoi...

Nous nous sommes avancés vers le fond du fronton. Il y avait là mes favorites, les laitières. Malheureusement, et sans surprise, uniquement des Prim'Holstein. Ces gazelles haut perchées, avec leur pis compressé dans une entrejambe comme sur échasses, sont saisissantes de maigreur. Les hanches saillent, les bassins se creusent autour de la queue. Sur les flancs, les arcs costaux tendent la peau. 

Par contre, ces vaches-ci, lavées, brossées, rasées le long de la queue pour mieux faire ressortir le toupet final, régalent le regard spectateur de leurs robes bicolores, aux tâches agréablement réparties en un équilibre changeant de l'une à l'autre. Plutôt blanches, ou plutôt noires, elles rutilent, soyeuses, élégantes.

Au côté des grandes, de petites génisses en devenir alignaient elles aussi une maigreur disgracieuse. Que les grandes, en pleine lactation, migrent toute la ressource vers le pis, admettons. Mais celles-ci, ne devraient-elles pas être un poil plus charnues, plus dodues ?

Les cuisses des laitières ne seront jamais larges comme celles des blondes. Tout de même, nous avons eu à la ferme de ces vaches en lait, très honorables en rendement. Ma Ttip-Ttip Lepo Me, dernière en date en race pure, produisait à son pic quarante litres de lait quotidiennement.  Jamais, je ne lui ai vue cette allure biafraise. Je la nourrissais très abondamment, il est vrai, trop peut-être. La richesse de sa ration épuisa possiblement son métabolisme : Ttip-Ttip n'atteint pas les dix ans, succombant lors d'un vêlage trop difficile. 

Le maquignon argua de viscères engorgées dans la graisse, faisant peser sur mes épaules une lourde culpabilité. Les accidents au vêlage ne sont pourtant pas toujours le fait de vaches trop grasses : j'en ai vu de bien maigres rester sur le carreau, à ce moment toujours potentiellement critique.

Depuis, par souci méritoire d'amendement, je nourris moins mes bêtes. Depuis aussi, je n'ai eu que des croisées, plus robustes, et bien moins productrices de lait. 

Dans ces comices, les croisées n'ont pas droit de cité. On ne voit d'ailleurs même plus de vaches normandes, ou montbéliardes. Les dernières suisses ont fait long feu. Deux génisses limousines, mal préparées pour la fête, côtoyaient seules une Higland maigrichotte.

La petite Fine vosgienne de notre connaissance, avec son échine parsemée comme de flocons de neige paraissait exotique, seule dans sa catégorie, évidemment, et par le fait automatiquement championne !

La diversité de races animales se perd. Il y faudrait un conservatoire.

Les deux parcours de présentations, celui des blondes et celui des laitières, n'étaient pas très distants. Je distinguais mal les paroles des deux animateurs. Leurs commentaires m'auraient intéressée, mais je n'y avais pas accès. Quelques larsens stridents jaillis de la sono achevèrent de me décourager. Nous prîmes la tangente. Au passage, nous vîmes quand-même la victoire d'une vache en deuxième lactation, autour des quatre ans cette fois. Une des "nôtres".

Dans ces fêtes, les éleveurs se constituent en équipes, avec leurs supporters. L'enjeu n'est pas que celui du bétail...

Sortis de là, j'ai cherché les chevaux. Je savais June et sa mère dans les concurrents. Je m'étonnai de ne pas les trouver là où je les voyais, avant. A une époque d'après moi très récente, les chevaux et poneys étaient présentés à l'entrée du fronton, côté église. A cette place, je vis bien quelques tas de crottin. Mais, au lieu des équidés, des voitures garées. Tiens...

Ils les ont déjà ramenés, me dis-je, déçue. Leur présentation et leur évaluation doit-être avant celles des vaches. J'étais toute désolée. 

J'ai appris ce matin que, depuis bien longtemps, les chevaux sont présentés à peine plus bas. Bon.

Pour des gens foutus d'aller jusqu'à San Sebastian, en voulant visiter l'aquarium, et capables de revenir sans l'avoir trouvé, il ne faut pas s'étonner pour si peu !

Nous nous en retournâmes : nous avions un programme balade dans les Trois-Couronnes, cette fameuse promenade découverte avec Meriem il y a peu.

Au demeurant, une journée bien divertie.


Lundi  12 septembre 2022  14h30


Il fait trop chaud là-haut pour prendre un repos réparateur. Ici, c'est à peine mieux.

Pas un souffle de vent, quand ce matin les volées agitaient les parages, bien trop chaudes pour soulager la touffeur oppressante.

Une petite pointe encore à 35° rabat nos aspirations à un automne plus agréable. On fond en eau, au moindre mouvement. Les chiens fatigués cherchent le frais, affalés sur le carrelage. Lola a posé le museau sur le palier de l'escalier menant à l'étable, là où le souffle ténu résisterait encore à l'immobilisme. 

Je me suis installée dans l'axe exact entre la fenêtre grande ouverte et la porte bée. Je dois me contenter de quelques frémissements dans les ramures du poirier, mises en mouvement par le seul vol d'un moineau, pour matérialiser un mirage de courant d'air.

Ttonytapetra paraissent mieux supporter la chaleur en extérieur. Elles broutent, imperturbables, dans le pré. L'herbe ne va pas tarder à roussir de nouveau, s'il ne pleut pas très vite.

Les masses sont pourtant bousculées, particulièrement dans les couchants, entre étoupes rosées, et bourgeons sombres. 





La pluie viendra bien, un jour. 

Sans conteste, l'été, cette année, aura été chaud !


Mercredi 14 septembre 2022  16h20


J'ai récolté les quelques citrouilles rescapées des canicules et du sec.

La dernière hirondelle est partie, il y a déjà quelques jours sans doute. Je me suis étonnée ce matin du silence dans l'étable, et de l'absence de ces petits vols coulés, quand j'allumais la lumière.

Leur départ a été avancé d'une bonne dizaine de jours, quand l'arrivée se retarde d'autant. Ca doit bien vouloir dire quelque chose...

Je suis à fond dans mon Ménière, ces jours-ci. Je veille à ne pas m'y laisser trop prendre. Mes séances d'écriture ne doivent pas excéder les deux heures. Au-delà, l'éclat de l'écran lumineux vrille mes terminaisons neuronales. Après une période d'abandon, j'ai repris ça à bras le corps.

Comme pressenti, je pense m'en tenir à un article à peine mieux structuré que mes chroniques désordonnées au jour le jour. Le travail de relecture et de réorganisation des paragraphes me barbe. Je pourrai toujours, plus tard, (jamais ?) reprendre mon texte, pour en faire quelque chose de mieux abouti. Tel quel, je m'y amuse bien. 

J'apprivoise le syndrome, en en parlant. C'est déjà beaucoup. Les pressions lourdes de ces derniers jours ne m'aident vraiment pas à aérer mes pauvres vésicules auriculaires. Pour le moment, tout ça tient à peu près. Je veux y voir un grand progrès.


Vendredi 16 septembre 2022  15h30



Une ou autre averses est tombée. La température a bien baissé.

Mon actualité reste météorologique.

Pour le reste, de contemplations naïves des ciels chavirés en lectures dépaysantes, mes jours suivent leur train, sans presse, au rythme des nuages paresseux étirés en écharpes, ou gonflés en boursouflures sombres. 


 











Je veille à débusquer un début d'ennui bonne copine de la mélancolie. Quelques activités légères y suffisent. Je me suis même attelée à une reprise charpentière, à toute petite échelle, suffisante pour maintenir à flot mon petit amour propre vite en alerte. 

J'ai toujours aimé le "faire", même sans le "savoir". Une réussite efficace, même discutable dans son accomplissement et son fini, me laisse parfaitement satisfaite. Cette seule satisfaction fait ration suffisante à ce fameux amour propre. 

Je prends garde à ne pas viser trop haut. Parce-qu'alors là, ce diable d'amour propre, toujours, ce n'est vraiment pas mon meilleur copain... Il me représente ma défaite comme cinglante, et ne se prive pas d'y affûter mon tourment, le bougre !

Je reviens à Ménière. Celui-là, il est à ma portée. Plutôt, je suis à la sienne, d'ailleurs...


Vendredi  23 septembre 2022  18h


La pluie arrive. Quelques bruines l'annoncent.

Notre petit Txief a bien failli ne jamais la voir arriver, cette pluie, ni toutes celles d'après.

Ce matin, nous rentrions fissa-fissa du bois, avant qu'il ne se mouille. C'était chez Nikolas. Nous œuvrions de bon cœur, poussés au train par la barre nuageuse amoncelée sur la crête du Jaïzkibel.

Chez mon frère Nikolas, il y a trois chiens de chasse, en plus d'une petite Neska, et son fils, Ttiki, fils  de mon défunt Ballurdo, le tant regretté. 

En son temps, Ballurdo fut sauvagement assassiné par un autre chien du voisinage. Ici, une bonne part de la mortalité canine se tient dans ces querelles intestines, quand elles finissent en combat au corps à corps. Le plus fort gagne, et le plus faible reste à terre, au mieux, gisant, mort, ou alors, s'il a moins de chance, méchamment blessé. 

Méloniou finît ainsi de pourrir, plusieurs jours après une morsure sournoise, qui lui avait perforé la rate. Pour Ballurdo, je n'ai jamais trop su comment ça s'était passé, sur le moment. Je l'avais laissé le matin, tout fringant, pour ne pas le retrouver le soir. Sa dépouille avait déjà été enterrée, comme une affaire suspecte. Paix à leurs âmes.

Mes trois petits et ces trois chiens de chasse ne se fréquentent que de part et d'autre de la clôture grillagée, quand je vaque dans ces parages. Les miens, libres, narguent les trois autres, enfermés. Ceux-là ragent, mordant le fil galvanisé, la bave aux babines, n'en peuvent, mais.

Il y a de la mémoire, dans la bonne tête d'un chien.

Ce matin, donc, Txief et Bullou m'attendaient, assis sur le derrière, de l'autre côté du portail. Lola, peu intéressée par l'ouvrage, était restée à la maison. En principe, la clôture est grillagée, et mes chiens ne peuvent pas passer. C'est ce que je croyais.

A un moment, alors que notre chantier avançait rondement, ne vois-je pas mon Txief, un peu plus loin, dans l'aire intérieure, assailli par les trois chiens de chasse, en meute carnassière. Il roulait au sol, hurlait de panique. Les trois attaquants  fous de rage, tenant enfin à leur merci ce petit merdeux insupportable, s'apprêtaient à le déchiqueter, sous mes yeux effarés. Ils le piétinaient, le mordaient, le soulevaient qui par la gorge, qui par l'échine. Je voyais la dernière heure venue pour mon pauvre petit chien.

Je n'eus même pas la présence d'esprit d'attraper une bûche, pour la leur jeter. Je m'avançais vers le carnage en cours, hurlais à m'en éclater les poumons : "non !, non !".

Quelques mètres me séparaient seulement des chiens agglutinés. Je voyais toujours le mien, dessous, le ventre offert, le poil déjà chiffonné par les morsures baveuses.

Les chiens, bienheureusement, par je ne sais quelle grâce, s'interrompirent net à mes cris, dans leur sauvagerie. Ils relevèrent la tête vers moi, et s'écartèrent, tous les trois. J'empoignai Txief, tremblant et mouillé. Il ne paraissait pas trop blessé. Du moins, je ne lui voyais pas de plaie grande ouverte. 

Les attaquants ne reculèrent pas longtemps. Voyant d'un très mauvais œil leur proie leur échapper, les gros chiens s'approchèrent de nouveau. Txief, complètement affolé, ne sachant plus ce qu'il faisait, me mordit l'avant-bras. De colère, je faillis le reposer au milieu des trois autres, qui n'attendaient pas mieux. Dans la même seconde, je pris conscience de mon incapacité à supporter la scène passablement violente de mon petit chien déchiqueté devant mes yeux, et par ma volonté. J'eus un peu honte, et resserrai mon rescapé sur mon flanc. Le pauvrinet, il m'avait à peine pincée !

Je criai encore, pour faire reculer la meute. Je serrai contre moi mon pauvre Txief terrorisé. Les chiens reculèrent, encore une fois. J'examinai le mien de plus près. Il couinait un peu, quand je touchais une patte. Son pelage était trempé sur le cou, mais la peau n'était pas entamée. Plus de peur que de mal. Beaucoup, de peur, pour ce tout petit animal.




Là, il récupère de ses frayeurs, en alerte encore, le pauvret.

J'espère pour lui qu'il se le tiendra pour dit !


Dimanche 25 septembre 2022  11h30



La pluie est arrivée, en belles averses drues, hier.

A la jardinerie, je voyais tomber toute cette bonne eau, ressentant son bienfait pour la terre et les plantes, comme si j'étais moi-même faite de sève.

Je m'imaginais mon potager rafraîchi, mes châtaigniers abreuvés. Il me tardait d'en faire le tour, le soir, à la rentrée.

Une jolie éclaircie me le permît. En effet, les choux emperlés ouvraient largement leurs feuilles gaufrées. Les carottes paraissaient avoir doublé. Les poireaux dardaient hardiment leurs lances bleues. Tout ça revivait, après tant de jours de sécheresse.

En descendant à l'étable, je soignai TtonytaPetra. Elles étaient sèches. Des bouses éparpillées sur le sol près de la porte me les représentaient tranquilles, à regarder tomber la pluie, bien à l'abri. Je les étrillai, rafraîchis leur paillage, nettoyai la stabulation. Elles ressortirent dans le soir, où une lame ensoleillée fauchait le pré.

Je montai moi-même pour dîner.

En fin de soirée, rassasiée, délassée, je m'apprêtai à me mettre au lit, avec un bon livre pour me raconter son histoire.

Parfaitement installée sous la couette, les chiens à mes pieds, j'étais tout à fait bien.

Une averse plutôt forte tambourinait sur les tuiles. Avec mes oreilles mauvaises, pour que je l'entende ainsi, elle devait être violente. Je pensai aux génisses. Elles ont l'étable en accès libre, et je les savais là. Pour autant, la porte reste ouverte. L'étable est en longueur, profonde, avec l'ouverture en bout. La pluie, même poussée par le vent, ne fait qu'en effleurer le seuil. Quand-même, l'image mentale de cette nuit tempêtueuse, s'accommodait mal d'une porte grande bée. Par mauvais temps, j'aime à savoir mon petit monde à l'intérieur, et mon logis clos.

Plus tôt, quand je les avais soignées, j'avais un instant pensé garder TtonytaPetra dedans pour la nuit. J'avais eu l'idée de fermer la grande porte. Je les aurais laissées libres, puisqu'elles ne sont plus à l'attache depuis longtemps : je ne voulais pas qu'elles perturbent la nuit des proches résidents, en faisant tinter leurs chaînes pour s'en libérer. C'était une option mitoyenne, entre le tout libre dedans-dehors, et l'hivernage restreint à la seule stalle. Voyant la fameuse épée de soleil, je m'étais ravisée.

Là, trois heures plus tard, je redescendis pour fermer la porte, dans un premier temps. TtonytaPetra, cueillies par la lumière soudaine, clignèrent des yeux ensommeillés. Elles étaient allongées côte-à-côte, devant l'auge, tout comme si elles étaient attachées. A  la seule différence que Ttony était contre le mur, et Petra à gauche. A l'inverse de leurs positions habituelles, à l'attache. Puisque je les voyais là, je nouai les brins des liens autour de leurs cous. Elles ne s'en émurent pas du tout, Petra me gratifiant même d'un coup de langue râpeux sur le mollet, au passage.

La nuit fut tranquille. Une nuit à l'ambiance hivernale, où il fait tellement bon être à l'abri, bêtes et gens mêlés.

Ce matin, je descends à l'étable, comme tous les jours. TtonytaPetra soulèvent leurs arrière-trains, puis hissent le poitrail. Elles s'étirent voluptueusement, roulant la queue de part et d'autre sur l'échine. Elles soupirent, tournent leurs bonnes têtes vers moi. Elles ne se sont pas souillées. Ttony la miel froufroute encore du brossage d'hier. Une vision de rêve.

Depuis qu'elles sont plus grandes, quand elles sont libres dans l'étable, je ne passe pas entre elles avec les gamelles de luzerne en granulés. Elles me bousculeraient, et videraient leurs rations par terre. Je passe le premier bol pour Ttony par-dessus la murette, et le pose dans l'auge, juste au coin, devant elle. Pour Petra, je lui tends son bol au travers des barreaux du portail, quelques mètres plus bas, derrière Ttony. Elle est maintenant parfaitement aguerrie à la chorégraphie, et se présente d'elle-même au bon endroit. Je peux tout le temps qu'elle mange la caresser, la flatter, passant mes doigts dans les poils fauves de son front et de ses oreilles.

Nous sommes parfaitement au point sur ce coup-là. Les deux bêtes mangent chacune leurs rations. Petra se rapproche ensuite du râtelier, où Ttony se sert déjà, dès que je le regarnis.

Ce matin puisque TtonytaPetra sont attachées, je ne risque pas d'être bousculée. Comme je le fais en hiver, je passe entre elles deux, avec mes gamelles à la main, pour les leur poser devant le mufle, dans l'auge. Par habitude, j'ai posé la première à gauche, normalement chez Ttony, donc, mais aujourd'hui pour Petra. Ttony, contrariée de ne pas être servie la première, tire sur sa chaîne, me donne un coup de corne dans l'épaule. Je manque renverser le bol, me rattrape de justesse, et le lui mets sous le nez. Elle plonge aussitôt dedans.

Petra, que je croyais en train de manger aussi, ne comprend pas. Elle lève la tête, ignore sa ration, se tourne vers moi. "Hor !", lui dis-je, "là !". Je prends une poignée de luzerne, la fait retomber dans le bol, pour lui montrer que c'est bien ces petits granulés dont elle raffole. Elle baisse bien la tête, souffle, allonge timidement sa grosse langue en ellipse, et puis non, elle relève la tête et me regarde, perdue, ne sachant que faire. Le bol est bien devant elle, tout comme quand elle est à droite, mais là, elle est à gauche, ça ne va pas !

De son côté, Ttony a vidé sa gamelle. Sentant la luzerne devant Petra, elle allonge le col, tire la langue au maximum. Elle, elle ne perd pas le nord, même quand on la place au sud !

Décidemment, ma Petra tient bien de la Graziosita. Chavirée par le moindre changement, dès que le scénario ne colle plus à son quotidien, elle se fige dans un immobilisme circonspect, attendant qu'on lui rende son monde. Par contre, contrairement à la petite pommelée, elle ne s'affole nullement. Elle reste placide, bêtasse, un peu, mais toujours bonne fille. Un gène à la Katto pelato court dans ses veines.

Un moment après, je les ai lâchées. J'ai redistribué un petit surplus à Ttony, à sa place, à gauche. Elle en a profité pour grapiller le fond de bol de Petra. Celle-ci, je lui ai rerempli une gamelle, que je lui ai tendue à travers les barreaux du portail. Retrouvant son rituel, elle a tout raflé en deux temps et trois coups de langue. Le protocole était respecté à la lettre, tout rentrait dans l'ordre.

On ne se doute pas des possibilités en delta qui se palment dans la conduite d'un élevage :  cantonner les bêtes dehors, les laisser libres de sortir et de rentrer,  les laisser libres mais dedans, les garder dedans et attachées, leur assigner une place et la leur faire garder.... Tant de possibilités et leurs adaptations dérivées demandent à l'éleveur une grande capacité d'analyse.

Je me souviens de mes hésitations, l'an dernier, à la même époque. Je ne savais pas trop comment conduire mes bêtes en hiver : les garder attachées tout le long, comme je le faisais avec mes précédentes, les laisser sortir le jour, en les laissant libres, dans l'étable fermée, la nuit, ou les attacher alors. Je savais juste que je ne laisserais pas la grande porte ouverte sur le froid, et le mauvais temps, le cas échéant. 

J'avais finalement opté pour le dedans attachées la nuit, et le dehors, par beau temps. Leur seule quinzaine totalement hivernée fût celle qui suivit leur évasion vers la prairie voisine, en attendant la fourniture des piquets pour la nouvelle clôture. Clôture parfaitement efficace à les contenir, depuis. Je touche du bois ! L'option d'alors convient parfaitement. Je la reconduis cette année.

Nous avons fait le tour des saisons avec TtonytaPetra. Nous avons habité l'étable par tous les temps. Les ajustements sont maintenant calés. Elles se prêtent à mes tergiversations constitutionnelles, dans la limite de leurs capacités individuelles.

La vache est routinière. Les fantaisies la désarçonnent. Des Ttony imperturbables quelles que soient les circonstances ne sont pas légions. On peut tout de même s'attendre à moins ahurie que ma Petra... A leur   arrivée, je pensais Petra plus fine, et Ttony passablement abrutie. Je me trompais, ou elles ont beaucoup changé !

Chez les cornées comme chez les autres, la palette est large qui va de l'un à l'autre !




Au pré, TtonytaPetra s'intervertissent sans difficulté. Elles restent ensemble, le plus souvent. La brune et la blonde s'entendent toujours. Elles se complètent, mutent et transmutent, tant leur entité est indissoluble, même si, là-dedans, elles marquent bien leurs différences.


Lundi 26 septembre 2022  20h30






Cette semaine à venir devrait nous apporter l'eau tant attendue. Alléluia ! Qu'elle nous tombe sans brutalité.


Vendredi 30 septembre 2022 18h


En effet, l'eau a coulé, en belles averses, soutenues, mais sans dommages. L'eau a été lapée par la terre avide. La végétation l'a aspirée, comme une affamée. En quelques jours seulement, le paysage s'est rafraîchi. Quand le soleil perce, comme aujourd'hui, les flancs rutilent et les bosquets se vernissent, rincés, propres. J'ai savouré tout à l'heure cette sensation de marcher sous les bois humides, effleurées par des frondaisons retendues, après les flétrissures des jours d'avant.

Nous avons hier terminé notre inventaire annuel. En recensant du mobilier de jardin, j'ai été séduite par les palettes de coloris. Des verts romarins, cactus, tilleul, m'ont particulièrement plu. Je me suis prise à imaginer ces teintes douces et apaisantes sur mes murs, ici. Je sens bien une envie de reprendre les pinceaux me titiller. Ces nuances de gris-blanc, c'est joli, sûrement élégant, mais pas trop chaleureux, finalement. Et moi, j'ai plus besoin de chaleur que d'élégance. J'ai besoin aussi de me réapproprier mon logis. J'ai suffisamment de pans de murs tout à fait faciles à peindre, pour m'y amuser sans peine.

D'abord, je voudrais terminer mon Ménière. Je n'y ai pas d'enjeu, encore moins d'obligation. C'est seulement histoire de respecter un semblant d'organisation, dans mes projets.

Tiens, plus immédiatement, TtonytaPetra viennent de rentrer à l'étable. Mon poste ici, en vigie, est des plus commodes pour suivre leurs mouvements entrants et sortants. Je vais descendre, les nourrir, les brosser, les frictionner. Je fermerai la grande porte. Les soirées sont maintenant intérieures. C'est une autre ambiance. Mes journées s'articulent ainsi différemment. Les séances d'écriture se calent plus tard, quand le jour baissant vous fait fermer les volets.

L'été nous a tenus dehors, presque autant la nuit que le jour. Là, je me plais à retrouver mon intérieur. Me le colorer m'amusera. Entre histoires et teintes pastels, je ferai de mon automne un moment à savourer sans modération.




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