lundi 6 septembre 2021

1er au 6 septembre

 

Mercredi 1er septembre 2021  7h40




Le lever se colore des roses annonciateurs de pluie.

Elle sera bienvenue, la nature a soif.

Bel Astre rentre auprès de Mère-Rhune, après sa virée vers la mer. Chaque année le même élan, et chaque année, retour au bercail !






Jeudi  2 septembre 2021  20 h



Un énorme nuage très sombre pose un couvercle soudain sur la soirée, au dessus de la mer et du Jaïzkibel. Je remonte de l'étable, les velles sont ressorties. 

C'est le moment où je vais faire un tour dans le soir, avec les chiens, tout contents de me retrouver après ma journée à la jardinerie. Là, je recule devant la menace.

Un quart d'heure après, une grosse averse s'abat contre les vitres (qui n'en sont pas).

Je ferme tout. Les velles ne remontent pas. Elles ne craignent pas l'eau du ciel, et les éclairs fulgurants en zébrures claquantes. Les chiens, eux, se tapissent au plus près de leur maîtresse. Je m'imprègne de cette ambiance hivernale. Ici, dans le grenier, pas d'entrée d'eau. Fort bien !

Les gouttes fouettées ruissellent le long des parois de... verre, (allez, on va dire comme ça, puisque le nom barbare de ce fameux matériau, je ne le retiens pas). Un filet d'eau court juste en dessous du cadre métallique. L'eau de là va passer sous la bâche, forcément. Aïe...

Je descends à la porcherie. Pour le moment, rien encore. Mais je ne me fais pas d'illusion : le long des fissures apparentes ici dessous, suinteront bientôt quelques filets humides, et les gouttelettes narquoises suivront. La période sèche sur plusieurs semaines a craquelé les enduits fragiles. La première eau drue va s'engouffrer là dedans. Mon dispositif étanchéité, appliqué sur la seule surface plane découverte, palliera le plus gros, je l'espère. Je n'ai jamais été aussi près de le savoir...


Vendredi 3 septembre 2021  17h.


Le résultat des courses est honorable. La première grosse averse après période sèche n'a pas été calamiteuse pour ma remise. Quelques entrées perfides, évidemment, dans le coin gauche, se rappellent à mon bon souvenir. La gouttelette est bien tombée, laissant deux trois petites auréoles au sol. Rien de comparable avec les cataractes d'avant, où, là dessous, on avait l'impression d'un déluge, à la première ondée. La rampe plane au dessus collectait l'eau largement, et la redistribuait dessous en abondance, par les longues saignées. 

Les rangements ont été stratégiquement disposés. A l'endroit où tombe l'eau, il n'y a rien.

Il faudra voir ce que ça donne en période hivernale, quand les jours de pluie se succèdent.

J'espère, déraisonnablement peut-être, améliorer ce résultat, par l'effet conjugué des ruissellements, agglomérant la poussière, les débris de feuilles mortes, et autres bouchons naturels, dans les interstices ténus pour le moment passants. J'ai toujours eu la foi dans les éléments et leurs bonnes œuvres...

Cet hiver me rendra raison... ou pas !

Je laisse pour plus tard.

Dans l'immédiat, l'affaire du moment est dans le pré.

June et sa tribu sont reparties vers leur propre prairie.

Mes velles vont réinvestir l'ensemble de la mienne. Avant de les lâcher là dedans, je fais le tour de la clôture, un peu ancienne sur le bas, un peu branlante. Pour de vieilles bêtes ordinaires, elle ferait bien l'affaire.

Pour mes deux petites rouées dévergondées, j'en suis moins sûre. Je les vois faire avec les cousines, pourtant bien plus âgées qu'elles, et constitutionnellement placides. Elles cherchent bien le contact. Les piquets là sont en bon état, et le fil ronce trame une barrière serrée. Ttony s'y est quand-même éraflée l'oreille, en passant sa petite tête de biche au travers.

Sur le flanc nord, là où la clôture est bien plus ancienne, et moins défensive, le voisinage est différent. Là, il y a de la bête bien plus jeune. Toujours de ces blondes, grosses masses et volumes, peu d'esprit ni de malice. Tout de même, la jeunesse rend à ces monuments en devenir un semblant d 'animation et d'engouement aventurier. 




Tout particulièrement, je vois bien poindre les ennuis, du côté de ce petit jeune homme :



Le bientôt taurillon n'est pas vilain garçon. Pour qui aime le genre. 
Pas trop d'élégance, et de finesse, aucune. Mais de la bonne viande, drue et dense, en gros volumes musculeux. Pas trop d'âme, juste de la matière. Brute. 
Pour les connaisseurs, dont je ne suis pas, une très belle pièce, sans doute.
Le taurillon est sanguin, de nature. Et le taurillon blond, est, en plus, plutôt bas du plafond. 
Une conformation psychologique difficilement prévisible.



Les miennes, elles, sont bien différentes. De vache à vache, il y a un monde.
Ces rouées prépubères tendent déjà une croupe aguicheuse. Elles se comportent de manière éhontée, scandaleuse, provocatrice. Seigneur Dieu ! Je ne les ai pourtant pas élevées comme ça ! Ce sont de véritables Lolitas cornées. (Oui, parce-que, finalement, d'écornage, il ne doit pas y en avoir eu : deux petits appendices pointent gentiment de chaque côté de leur front. Ceux de Petra sont peut-être un peu plus mollets. A voir maintenant la courbe que tout ça prendra).
J'imagine le jeune taurillon, chaviré, de l'autre côté du barbelé, par les roueries de ces jouvencelles effrontées.
Ttony ondoiera de sa soie miel, clignant son œil de biche en une invite langoureuse.
Petra, brunette chatoyante, fine, racée, exotique de sa robe métissée, finira de l'affoler complètement. Elles vont lui roucouler à l'oreille, tant et si bien, qu'il en perdra son peu d'entendement.
Il ne va pas calculer longtemps. Il va foncer, tête baissée. Il ne connaîtra plus ni fil ni barbelé, dominé dans son entier par ses hormones effervescentes, fouettées par les manigances femelles.
Et ce sera le cirque !
Je vais tâcher d'éviter tout ça. Anticiper, et prévenir. Qui vaut mieux que guérir !

Igor dans son jeune temps connut la calamité de se retrouver trop près de la jolie June en ses jours enamourés. 
Ces jeunes gens deviennent facilement tumultueux, quand les passions  fouettent leur sang...






Je vais contenir mes damoiselles dans un périmètre sécurisé. Elles verront bien le beau blond, mais de loin, comme elles le voient déjà. Ces quelques mètres de séparation suffiront à maintenir les ardeurs des unes et de l'autre.
Elles gambilleront dans le pré.
Les quatre chèvres leur feront bonne compagnie.





Mes jeunes châtaigniers s'en voient. Ils manquent d'eau.
La pluie d'hier les rafraîchira. Et l'automne prochain les soulagera de leurs feuilles encore gourmandes.




Il sera temps alors de repiquer mes plus jeunes plants.
J'ai déjà repéré trois merisiers et quelques aulnes.
Tous ceux-là aussi vivront en bonne compagnie.

L'hiver devrait être tranquille.


Dimanche 5 septembre 2021 17h


La journée a été chaude. Une petite pointe de température raisonnable, par cet été sans canicule.
Nous avons enlevé le dispositif de parcage des chevaux, et mis en place une clôture électrifiée, plus légère que la traditionnelle, le long du carré dégagé.
Ainsi, la prairie sera ouverte à mes velles, mais limitée sur le front de l'est, en une aire bien suffisante.



TtonytaPetra pâtureront là dedans plus largement, abritées du grand soleil par l'ombre longue des arbres élevés.




Les quatre biquettes voisines s'intéressent aux aménagements. Depuis l'arrivée des chevaux, elles ont investi ce pré carré, quand, jusque là, on ne les y voyait jamais. Et pourquoi pas ?
Les deux plus vieilles chèvres étaient d'ailleurs au départ prévues pour ici.
J'explique :

Quand Olivier se profila dans les parages de la ferme, il y a une quinzaine d'années, il ramena dans un premier temps deux chèvres, quelques poules, et son vieux chien, Denver, un caniche noir.
Le chien mourut assez vite. Il eut quand-même le temps de goûter aux joies de la vie à la ferme, gratouillant volontiers autour du tas de fumier. Il aimait aussi se coucher dans l'herbe, près du potager, quand j'y travaillais. Il connut ainsi chez nous quelques semaines d'une villégiature agréable, avant de rendre l'âme. Nous l'inhumâmes dans le remblai.

Les poules ne firent pas long feu non plus. Celles d'ici ne les accueillirent pas trop bien. Elles se sentirent toujours étrangères, ne vécurent pas heureuses, et moururent.
Les deux biquettes, la mère, blanche, et la fille, marron et noire, furent reçues comme des reines. Olivier y tenait, je tenais à Olivier. Nous avions construit en prévision de leur arrivée une chevrière, adossée à un mur haut, tournée vers le levant, avec vue sur la mer. Une guérite confortable, spacieuse, donnant sur cette même prairie. Elle y est toujours.

A leur arrivée depuis Rivière, nous installâmes les deux chèvres dans leur abri, fermé pour la nuit.
Au matin, nous comptions faire les présentations : j'avais à l'époque une dizaine de vaches. Tactiquement, nous pensâmes préférable de libérer les chèvres d'abord, pour qu'elles découvrent leur nouvel espace. A Rivière, elles avaient un enclos de 2000 M2. Ici, elles auraient plus d'un hectare, à partager avec les vaches, il est vrai. 
Je voyais le compagnonnage facile, tant on voit tout facile, quand on est amoureux...

Ce matin là, les biquettes sortirent au soleil levé, humant l'air avec circonspection. La fille suivait la mère. Un grand tertre herbeux faisait une petite montagne près de la chevrière. Les arrivantes s'intéressèrent immédiatement à ce relief enherbé d'adventices trop grossières pour mes vaches.
Ce tableau me parût suffisamment paisible pour que je décide d'envoyer la troupe, à savoir, mes vaches. L'entrée de l'étable est plus loin, plus haut. Les vaches ne débouleraient pas sur les chèvres. Elles s'en approcheraient, les découvriraient, et fraterniseraient. Dans mes rêves...

La réalité, comme souvent, fût toute autre.
Je me souviens particulièrement de Monumento. C'était une croisée normande et limousine, véritablement monumentale, par le fait. Elle était à l'époque assez vieille déjà, et marchait mal, à cause de ses sabots mal plantés. Et bien, ce fut l'une des premières à se hisser sur le monticule de terre, au pas de course, presque ! Elles furent plusieurs à la suivre, encerclant stratégiquement le tertre. Les deux chevrettes, complètement paniquées, s'enfuirent en catastrophe. Je renvoyai les vaches à grands coups de bâton, complètement dépassée par la situation.
Nous ramenâmes tant bien que mal les biquettes à la ferme. Elles ne voulurent plus entendre parler de la prairie, ni de la chevrière implantée dessus, évidemment.
Il fallut organiser les élevages en les scindant : les chèvres, au fond, à l'emplacement de ma nouvelle étable, et les vaches, chez elles. Au matin, je libérai d'abord les chèvres dans la cour. Elles faisaient leur vie, là, le menton haut, dédaigneuses d'apparence, quand elles n'étaient qu'apeurées.  Loin des vaches.
Elles finirent par s'habituer, grignotant le foin dans le hangar, mignotant la vigne vierge le long du mur gris. Elles consentaient à rentrer dans l'étable, quand les vaches y étaient attachées, pour se loger au fond. Elles passaient vite, pressant le pas, oreilles dressées et pupilles fixes. La blanche, la plus vieille, repéra très vite le coffre du concasseur à maïs. Elle repéra surtout une anfractuosité dans l'un des angles. En tapant des cornes contre la tôle percée, elle faisait tomber à terre de la farine... et s'en régalait ! Je ne compris son stratagème qu'au bout de plusieurs jours, après m'être étonnée tout ce temps là de ce bruit venu du fond de l'étable.
Sa gourmandise perdit la biquette, et sa fille, initiée par la mère au même vice.
Elles moururent toutes les deux à quelques jours d'intervalle.
Elles aussi reposent dans le remblai.

Pour compenser à mon Olivier ces pertes brutales et consécutives, je fis l'acquisition auprès d'une amie d'Hélène, de trois petites chèvres naines. Je les ramenai un lundi soir dans la Clio, où elles bondirent à qui mieux mieux dans l'habitacle. J'avais heureusement cloisonné le poste de conduite, et nous rentrâmes à la ferme, sans plus de mal.
Enseignée par ma première expérience, je renonçai à mêler mes vaches et les chevrettes. 
Nous étions à la période de l'année où les vaches étaient hivernées. Les chèvres pourraient faire leur vie dans le fond de l'étable, sortir dans le pré, sans être inquiétées. Nous avions au préalable doublé les clôtures d'un grillage fin, pour éviter toute fuite de ces petites aventurières.
Là encore, toujours optimiste, je voyais la chose assez facile.
Et là encore, très vite désappointée, je dus déchanter.

Les trois chèvres naines refusèrent de revenir à l'étable, pour la nuit. Elles se plurent follement dans un amas de grosses pierres amoncelées dans le bas de la prairie. Le soir, au retour du travail, j'allai les chercher là, essayant de les rassembler pour les remonter. A cette époque, la nuit tombait de bonne heure, et je crapahutais dans le noir, m'arrimant comme je le pouvais, manquant glisser et tomber. Les chèvres se cachaient, se jouaient de mes tentatives.... et ne rentraient pas !
Je n'aimais pas les savoir là, la nuit, par mauvais temps. J'aurais tant aimé refermer les portes sur mon petit monde, le soir, contempler mes vaches paisibles, et les chevrettes enjouées, avant de monter me coucher... Ce plaisir là ne me fut jamais accordé.
Avec Olivier, nous étions désolés.

Finalement, les chèvres se firent adopter par mon frère, plus près de leur base empierrée. Elles consentirent à l'accepter pour maître. 
Les années passèrent. L'une d'elle mourût. Les deux autres sont toujours là.

Par un de ces retours des choses comme la vie en réserve souvent à qui y est attentif, les chevrettes reviennent maintenant là où je les aurais voulues, il y a quinze ans.
Ma nouvelle étable, celle-là même qu'elles ont fuie alors, les tente, maintenant.





Mon frère et sa femme, finalement séduits par cette gente caprine, ont adopté une autre chèvre, ensuite. Elle leur a fait deux jumelles. La mère est morte, et l'une des sœurs aussi. Reste celle-ci, la tête de proue de la troupe. Dernièrement, Jésus nous a confié Oréo, la petite blanche et noire qui arrive juste après.
Les deux miennes sont derrière.

Nous avons modifié la clôture. Les chèvres curieuses y sont venues voir.

    - Allez, venez par là ! a encouragé la blanche, soyez pas trouillardes !

Et elles ont suivi.

En remontant de notre côté, nous avons prélevé une bogue sur nos châtaigniers.
Il y a beaucoup de fruits. Trop. C'est signe de souffrance. Les jeunes arbres se dépêchent de fructifier, pour le cas où il ne survivraient pas à la saison. Leurs débuts sont difficiles. Sur nos terres lourdes, les plants ont du mal à raciner, ils s'installent difficilement. Ce printemps, avec Avril sec et Mai froid, ne les a pas aidés. Il leur faudra plusieurs années pour puiser assez loin leur substance, et devenir autonomes. Après, par contre, profondément arrimés, ils en deviendront plus résistants.
Cet automne, nous planterons les nouveaux.
Ensuite, il ne sera plus que d'attendre...




TtonytaPetra, elles, ont toutes les commodités pour s'installer, et elles ne boudent pas leur plaisir.





 
Leur prairie agrandie leur plaît.
La compagnie des chèvres ne les perturbe pas.
Et elles ne les perturbent pas en retour.

Mon monde rêvé d'il y a quinze ans a été un peu plus long que prévu à arriver...








Lundi 6 septembre 2021 16h20

Une jolie pointe de chaleur nous tient à l'intérieur.
Je recherche le courant d'air, même chaud.








Les biquettes, elles, sont en approche.

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