mercredi 11 mai 2016

ENTRE DEUX



Bonjour à tous !




Les cieux sont ambivalents, ces jours-ci. Sombres nuées, trouées piquantes d'un soleil nerveux, le temps n'est pas bien certain.

A Agorreta, il n'est pas tombé de pluie, ou très peu. Les orages nous sont passés à côté. La terre paraît sèche. J'attends une ou autre bonne averse pour faire mes traditionnels semis de printemps. Il ne faudrait pas trop tarder non plus... 




Mon petit troupeau vit sa vie.
Pollita et Xokorro son petit (xokorro signifie petit taurillon en basque), n'ont besoin de rien ni de personne. Ils se suffisent à eux-mêmes.
Après son épisode agité à la survenue du fugitif petit Breton, Pollita a retrouvé sa sérénité, progressivement.

La naissance  il y a dix jours de la petite Agatte, la fille de Bigoudi, "marrainée" par une jeune collègue de la jardinerie, a suscité la curiosité, mais pas de perturbation.
Ces deux là demandent un petit suivi quotidien. Bigoudi produit plus de lait que n'en boit Agatte. Progressivement, la petite fera son affaire de cette belle manne. En attendant, il faut vider ce pis renflé. L'affaire de quelques jours encore.

Les deux aînées, tentées dans un premier temps de recommencer à téter leurs mères, se sont maintenant découragées. Quelques bons coups de bâton et deux ou trois jetés de sabots les ont détournées définitivement de ces réminiscences de jeunesse.

Les choses rentrent dans l'ordre, dans la vieille étable. Progressivement, là encore, mais bien inscrites dans une courbe favorable, maintenant.

Mon mieux-être se met lui aussi en place gentiment. 
Je voudrais ce sursaut plus tonique, évidemment. Mon dernier article se voulait résolument optimiste. 
Pourtant, là encore, l’inflexion demande du temps. La progression est enclenchée dans le bon sens, mais le mouvement est encore lent.

Jusqu'ici, pour autant que je m'en souvienne, mes changements de cap et d'allure ont été rapides, voire brutaux. Je passais aisément d'un état à un autre, je changeais de visée sans ralentir le pas.
Et bien, maintenant, après cet Avril de triste mémoire, il semblerait que mes virages demandent ralentissement de cadence. Soit...

Puisque je commençais à m'inquiéter de ce qui me tombait dessus, j'ai poussé l'investigation jusqu'à la science médicale.
Je cherchais une cause, une justification, à ce malaise si désagréable.
La science m'a répondu : une sale virose s'est installée chez moi comme à la maison, prenant ses aises, et mon énergie au passage. La bougresse !
Ces petits diables vous tournent autour comme mes grandes autour du pis tentant de leurs mères. Un moment de distraction, une inattention, et zou ! ils vous foncent dessus comme les petits démons qu'ils sont !
En période ordinaire vous êtes tout à fait capable de les tenir à distance, ou de les diluer sans même leur laisser le loisir de se faire remarquer. De les envoyer bouler, comme mes vaches tiennent leurs aînées à distance.
A d'autres moments, vous devenez perméable et vulnérable. Tout devient problématique et tout vous atteint.
Ce petit cor au pied ignoré jusque là rosit et devient douloureux, sans que vous ayez pourtant changé de chaussant...
Cette petite irritation locale à l'intérieur de votre joue se fait gênante comme une (un ?) sale aphte, quand vous êtes bien certain d'avoir évité tout aliment de nature à le fâcher.
Ces vilaines courbatures vous grippent le mouvement et l'allant.

Non, vraiment, il est des moments dans une vie où tout se conjugue pour vous jouer une méchante farce. Vous vous en seriez bien passé, évidemment. Pourtant, il faut bien la prendre en compte, cette sorcière là, et l'entendre. 
Vous n'êtes pas en position de la faire taire.

J'ai bien compris. Un haussement d'épaules et deux soupirs ne suffiront pas à éloigner le malaise. Il va falloir consentir à verser un impôt à la chose.
Puisqu'il faut la contenter d'une manière ou d'une autre, faisons amende honorable, et acceptons de payer ce tribut là...

Je reconnais, par force !, ma faiblesse. Je l'espère passagère, et sans doute l'est-elle. La science dit ainsi.
Ma virose fera son chemin en moi. Elle s'apaisera de ma résistance domptée, et finira par s'éloigner,  quand sa démonstration de suprématie l'aura assagie.

Je me tiens humble et patiente. Soumise et résignée.
Je perçois le mieux-être, je le touche du doigt, parfois. Quelques assauts récurrents de nuées grises ne me dévieront pas le regard de cette lumière promise.

Ma virose se mesure et se teste. L'enseignement qu'elle amène avec elle est plus diffus et moins facile à doser.
Je veux prendre le parti d'en retenir l'essence évanescente. 

Comme tout cela encore une fois parait confus et flou ! 
Pourtant, je suis persuadée de ces réalités voilées cachées derrière les mesures et les chiffres.
Et beaucoup plus intéressée par leur mystère, quand leurs manifestations me semblent trompeuses.

Tout cela s'éclaircira sûrement, en son temps.
Ce temps de mûrissement qu'il faut apprivoiser avec humilité.

Je suis sur cette piste.
Et vous laisse ici pour aujourd'hui. Perdue dans ces alambics compliqués pour le moment. Mais décidée à les décrypter, patiemment.

A une prochaine fois !


mercredi 4 mai 2016

AGORRETA : LE RETOUR !




Amis du jour, bonjour !









Me voici de retour, après ces trois semaines de retraite silencieuse.
Je devais avoir besoin de ce temps, sans doute.
Je ne saurais pas trop vous expliquer pourquoi, et comment reprendre nos conversations ce matin me paraît mieux venu qu'hier, par exemple.
Une idée à moi...







L'aube idéale semble annoncer une belle journée, pour la reprise.
Le poirier en fleur ombre la pointe exacte du triangle de mère-Rhune.
Les perspectives paraissent printanières, vraiment, enfin !


Je vous ai laissés abruptement.
Une chape pâteux-vaseuse m'est tombée dessus, ces dernières semaines. Et ce poids lourd et inconfortable ne s'est allégé que tout dernièrement.
Une dépression printanière, comme il en est plus classiquement d'automnale, paraît-il... Et pourquoi pas, après tout : c'est bien aussi, un printemps gris et froid, pour se laisser couler gentiment vers le fond, non ?
Enfin, je n'ai pas choisi, ça s'est trouvé comme ça.

J'ai eu pendant cette triste période le ressort d'une serpillière usée abandonnée au fond d'un seau sale. Sans exagérer ! J'étais lamentable, un spectre, l'ombre de moi-même, m'accrochant mécaniquement au quotidien morne, comme à une bouée.
Je vous assure, un sale moment ! 

Je ne suis pas trop coutumière de ces vagues à l'âme où l'on se giflerait d'être aussi mou, sans plus de raison de l'être. Dieu merci ! 
Je n'ai jamais montré trop de compassion pour ceux-là qui se plaignent vite et facilement. Je ne pouvais pas m'en manifester davantage à moi-même, évidemment ! Pourtant, on devrait moins vite hausser les épaules quand des gens sans histoire particulière vous dévoilent leur détresse. La détresse sans justification apparente existe, je l'ai expérimenté. Elle en est d'autant plus insidieuse.

Toujours est-il que je pense en être sortie. Je l'espère, du moins.
Et tout ça, grâce à qui ? Grâce à Bigoudi, et oui !
Toujours, la vache a été pour moi essentielle.

Vous ai-je dit que j'ai été nourrie au lait de vache ? Ma mère s'étant tarie à ma venue, il fallût me trouver nourrisse. On n'alla pas chercher trop loin, puisqu'il y avait tout ce qu'il fallait sous la main, à Agorreta.
Une brave vache me prît à son pis. Ou tout comme...
On comprend mieux mon attachement à ladite bête, n'est-ce pas ?

Mon malaise lourd et épais s'est manifesté après le vêlage malheureux de Fauvette, souvenez-vous.
Ah oui, je ne vous ai pas tout raconté :

Fauvette vêle d'un mort-né. Je prends en pension Petit Breton pour le remplacer :


Ca peut marcher. Mais là, ça ne l'a pas fait, du tout !
Fauvette n'a pas voulu allaiter Petit Breton. Elle l'a rejeté loin d'elle à grands coups de sabots. Pour finir par retenir son lait, au point de se tarir pour moitié, à même pas un mois de son vêlage...
Je vous ai raconté les désagréments induits pour tout le monde, durant cet essai infructueux d'adoption. Je ne m'en sortais pas !

Ce rejet tacite, ce tarissement incongru, m'ont-ils replongée dans ce traumatisme de ma toute première enfance ?
Ai-je ressenti par procuration de nouveau cette souffrance d'alors ?

Ma pauvre mère, paix à son âme, a-t-elle malgré elle semé en moi ce germe réveillé un demi-siècle plus tard, telle la graine indestructible de la grande oseille sauvage ?
Je ne sais, et pourtant, ma réaction outrée résonnait bien d'une douleur profonde et antérieure à l'événement par lui même. Des veaux morts, j'en ai déjà sortis. Des petits adoptés mal reçus, c'est déjà arrivé aussi, à nourrir au biberon, à défaut d'être admis au pis.
Mais un refus de donner son lait quand on est une vache, qui plus est, une vache à lait, là, ça a été trop fort de café, pour moi !

Je n'en veux pas à ma belle Fauvette, paix à son âme à elle aussi. Sa réaction lui venait sûrement de loin, comme la mienne. On ne pouvait décemment pas lui en comptabiliser le débit.

La psychanalyse pour vaches n'en étant qu'à des prémisses floues, j'ai renoncé à faire comprendre à Fauvette son tourment intérieur. Elle devenait aigrie, bagarreuse, elle la si placide jusque là. J'ai du m'en séparer, et la faire abattre. Cela fait partie des tristesses de l'élevage. A l'heure qu'il est, sa chair nourrit d'autres chairs...

Il est trop tard aussi pour aller demander des comptes à ma mère. Elle même sûrement bien incapable de maîtriser ces mécanismes alambiqués. Les choses se sont ainsi déroulées, à moi de m'en arranger !

Petit Breton est retourné à son destin de veau en batterie. Il aura fugitivement entraperçu la lueur séduisante d'une autre vie, promise, puis refusée.

La vie est injuste, tout le monde le sait. Et peu y peuvent quelque chose. Alors...

J'ai vécu cet échec amèrement. J'ai entretenu une angoisse exagérée, à l'approche du vêlage de ma Bigoudi. Je vous l'ai dit, ce moment est toujours mêlé d'une inquiétude raisonnable. Là, ma peur prenait des proportions anormales, et paralysait toute envie et ressort en moi.
Un échec parmi d'autres, mais un coup accusé comme jamais. Tout me paraissait teinté de noirceur, voué par avance à une issue mauvaise. La fatalité finale ramenée à tout et partout ! Rien ne paraissait mériter de se remettre à sourire. Quelle horreur ! Quelle désolation ! 
Je ne me reconnaissais plus. Je me décevais. Je ne m'aimais plus, moi pourtant si bonne amie de moi-même...


Dieu merci, Bigoudi, ma vache, m'a tirée de ce mauvais pas. Comme elle a tiré de ses entrailles cette petite vêle mignonne.





Avec aisance et fluidité, elle a ouvert une voie optimiste de sortie de crise.

La petite sœur de Galzerdi a les mêmes chaussettes blanches que son aînée.







Sa robe est fauve, comme celle de ma grande malheureuse.














Pollita accepte ce petit dans le troupeau sans histoires, naturellement.

Tout devient simple, sans qu'on sache ce qui facilite ici le si compliqué de là...












Mon père ne se demande pas. Mon père observe et se contente.

Moi, je sors de ce marasme visqueux où je m'engluais sans trop savoir pourquoi.
Je ne suis pas sûre encore de ma résurrection. J'en prends le pari, histoire d'impulser un mouvement positif, et d'aider à cette sorte de "renaissance" de moi.
Je me saurai pour la suite vulnérable. J'en ai fait l'expérience, à mon regret et aux dépens des miens, repoussés à la périphérie de cette sphère sombre où je ne voulais plus personne.

Si mon analyse de bazar ne vous convainc pas, sachez que je n'en suis pas plus vexée que ça.
L'essentiel pour moi est de retrouver le goût et l'envie de vivre chaque jour, simple et sain.

De sortir de ces semaines mornes et grises. 

Nos rendez-vous seront peut-être moins fréquents, à partir de maintenant.
Le beau temps nous tire tous dehors. Et mes investigations ne me persuadent pas au delà de ce bien-être retrouvé. Je le sens fragile encore, et veux le préserver comme le bien précieux qu'il est.

A bientôt, et portez-vous bien vous aussi de ce beau soleil revenu !