Mercredi 16 septembre 2020 8h15
Je rattrape bel astre d'un autre point de vue. Puisque tout est mouvance, je ne me fige plus, je bouge !
Que faire et penser d'autre, dans un monde où l'on rajeunit ou vieillit d'un jour, selon que l'on tourne à l'est ou à l'ouest ? Dans ce monde où l'espace et le temps se chevauchent et se tournent autour comme les nuages de ce matin ?
Il faudrait le demander à Phileas Fogg...
Un ballet échevelé se joue dans le ciel. La journée est annoncée chaude, encore.
Vendredi 18 septembre 2020 18h
J'ai rentré les vaches pour leur collation du soir.
Je vais m'enquérir de la météo, avant de décider de les ressortir, ou de les laisser dans l'étable pour la nuit. Je ne voudrais pas qu'un orage de grêle cinglant me les gifle trop fort, mes délicates !
Les médaillons secs des carolins jonchent la prairie, crissent dans la cour.
Le vent est chaud, mou.
La pression atmosphérique pèse lourd dans mes oreilles.
20h50
Je rentre de ma tournée du soir.
Une lourdeur plane dans l'air. Une lueur de souffre jaunit les paysages et le ciel.
Je me souviens avoir contemplé un ciel gris et ocre, pareil à celui de ce soir, il y a 25 ou 30 ans !
J'étais à la fenêtre du vieil appartement, en haut. Je m'y étais installée après mon divorce. Je m'y sentais bien.
Un soir où l'orage se demandait où frapper, je suis restée ainsi un long moment à la fenêtre grande ouverte.
Le même sentiment d'étrangeté m'avait investie, ce grand silence descendu sur une terre prête à recevoir l'eau, violente, peut-être. Prête à s'y soumettre et à s'en gorger, avide et apeurée.
Ce moment a traversé les décennies, intact, dans une mémoire où tant d'autres moments se sont dilués.
Mon silence d'aujourd'hui se cadence d'une harpe syncopée, les bons jours.
Les hirondelles sont parties. L'étable est vidée de leur vol saccadé, quand elles cherchent où se percher pour la nuit. Les gazouillis et pépiements ont déserté les pannes encore blanchies de chaux. L'espace y résonne comme une église vide.
La saison d'automne est particulièrement sèche, cette année. Seules, les ronces continuent de pousser au point de barrer les sentes étroites, du jour au lendemain, de lianes méchantes. Le reste de la végétation, grisé de poussière, se recroqueville. Les feuilles d'acacias sont toutes jaunes, chues en tapis légers sur les chemins de sous-bois.
Je suis rentrée à la nuit presque tombée. Les chiens se sont cantonnés au remblai. L'ambiance étrange les inquiète, sans doute. Ils attendaient mon retour, ployés sur leurs postérieurs, prêts à s'élancer vers moi. Quand ils m'ont vue arriver, ils m'ont fait une fête à tout casser, martelant le sol dur d'une course anarchique, se tortillant, me bondissant dessus. Je me suis accroupie pour les caresser énergiquement, histoire de rester dans le ton de leur enthousiasme. Nous sommes revenus ensemble dans la cour tranquille.
J'ai finalement ressorti les génisses, tout à l'heure. Elles peuvent revenir dans le fond, si besoin.
Ma surdité me préserve du tonnerre qui gronde, et des éclairs qui claquent. Je ne m'inquiéterai pas de les savoir sous l'orage : je ne l'entendrai pas ! A quelque chose malheur est bon, dit-on...
La nuit sera peut-être tout à fait calme, d'ailleurs...
Dimanche 20 septembre 10h10.
Je suis installée face aux grands arbres de Rivière. Il a plu, depuis hier, en averses drues. Les feuilles s'ouvrent à nouveau, reverdissent, rincées et abreuvées.
La logistique du matin ici est vite assurée.
Je m'installe dans ma nouvelle cadence de vie, syncopée entre la ferme et Rivière.
Je me sens moins déstabilisée. Décidée à laisser venir les options, sans rien précipiter. L'attente ne m'est plus, comme avant, souffrance. Mes impatiences assagies atténuent les fibrillations fatigantes.
Je ressens le bienfait de cette tournure, même si je ne suis pas tout à fait libérée du joug de mes postures d'avant. Le chemin est long, qui mène à la sérénité...
Hier matin, ma Graziosita a fait des siennes.
Ma jolie grise sablée, ma petite préférée, même si je m'en défends, dans un souci d'équité vis à vis de ses sœurs.
Hier matin, je l'aurais facilement enfournée dans une bétaillère, direction l'abattoir ! Enfin, pas tant, tout de même, le temps de mes excès est, comme celui de mes impatiences, passé.
La nuit de vendredi à samedi a été parfaitement tranquille, sur Agorreta.
Pas d'orage, quelques volées venteuses, peut-être ? Je ne sais pas. J'ai dormi toutes fenêtres ouvertes, et n'ai pas trouvé au matin traces d'un quelconque désordre.
Je me lève maintenant bien plus tard que du temps de mon père. Avant d'aller travailler, je me contente de rentrer les vaches à l'étable, en cette saison. Je les laisse à leurs râteliers. Antton les remet ensuite au champ.
Ce samedi matin, sur le coup des sept heures, je passe la tête par la fenêtre ouverte.
Je suis en direct-live sur le pré, où j'aperçois, dans la nuit, maintenant, mes génisses encore couchées, au pied du grand carolin. Ces demoiselles attendent le lever du jour pour se mettre en route vers l'étable.
La saison avançant, je vais devoir me mettre en route, moi, vers la jardinerie, bien avant.
Bientôt, mes génisses resteront dedans, le soir. Au matin, ce sera la lumière électrique qui les tirera de leur nuit.
En attendant, je m'avance sur la rampe bétonnée, pour les héler. Je les devine, masses sombres, tout près. Seule, Graziosita se distingue dans la pénombre, auréolée de sa robe claire.
Je les appelle, chacune par leur nom.
Graziosita est déjà debout, les autres se lèvent, postérieur d'abord, une pause, puis d'un petit effort, poitrail, avec élan de la tête. Étirements, roulades de queues sur les flancs, humage de l'air du matin, et elles se mettent en marche.
A ce moment de la journée, Graziosita serait la première à se présenter, suivie de Buru Haundi, de Neska Motz, et, toujours en dernière position, faisant la tenaille, Katto Pelato.
A mes jours de repos, je me lève encore plus tard. Décidément, je file un mauvais coton !
Quand je viens les chercher, elles sont déjà dans la stabulation du fond, derrière la barrière fermée. Là, même si Graziosita est en première position, elle s'écarte, quand Buru Haundi la bouscule pour prendre sa place. Le ballet est maintenant à peu près bien orchestré.
Hier matin, comme les autres matins de mes jours travaillés, Graziosita s'avance sur la rampe. Je m'en retourne dans la vieille étable, où j'ai ouvert grand la barrière, pour les attacher au fur et à mesure de leur arrivée.
Je dépasse Karrarro garé là, et m'étonne : je n'entends rien derrière moi. Serais-je dans la nuit devenue complètement sourde, moi qui l'étais déjà bien assez ?
Je me retourne : personne ! Ah, je n'ai donc pas perdu le peu d'ouïe qu'il me restait ! Pour autant, aurais-je alors perdu mes vaches ?
Je ressors dans la nuit, éclairée sur quelques mètres par la trouée devant la porte métallique ouverte.
J'aperçois Graziosita, redescendue dans le pré, tournant autour du carolin, suivie de Katto Pelato. Je devine à peine les deux noires, circonspectes, considérant le manège, à peine intéressées.
D'accord... Ma grise sablée est en chaleur. Et le rut la rend plus écervelée encore qu'elle ne l'est déjà !
Toutes les génisses s'agitent et changent de comportement quand les hormones en rut les chavirent.
Ma Graziosita, elle, perd complètement le peu de bon sens qu'il lui arrive d'avoir d'ordinaire. Elle ne sait plus ce qu'elle fait, où elle va, ce qu'elle a.
Distraite, de son naturel de génisse enjouée, souvent perdue dans des rêveries légères, curieuse autant que poltronne, elle est terriblement attachante d'une douceur affectueuse et tellement gracieuse ! (Eh !, n'est pas Graziosita qui le veut !).
Sur ses périodes fertiles, la Graziosita est tourneboulée, perdue à tout raisonnement et à toute injonction. Je l'appelle, elle lève bien la tête vers moi, en une étincelle de conditionnement, mais la détourne aussitôt, happée vers des horizons tumultueux bousculés dans sa petite tête fine.
Quand Buru Haundi, en ses chaleurs, devient brutale et agressive envers ses compagnes de troupeau, celle-ci se colle à Katto Pelato, son amour de toujours. D'ailleurs, celle-ci lui rend la pareille, mais en moins chavirée, plus tranquille qu'elle est, en ces occasions comme en toute autre.
Toute cette science me rend la situation présente toute à fait compréhensible.
Malheureusement, en ce petit matin où l'heure tourne, où mon créneau n'est pas extensible, elle cristallise encore davantage ma contrariété.
Je repars, encore une fois, vers la vieille étable. Je décroche du mur le bâton dont je ne me sers quasiment jamais. Je redescends dans le champ, passablement énervée.
Les deux noires me regardent arriver. Je les exhorte à avancer. Elles obéissent, lourdes et placides. Les deux autres, l'une enflammée et l'autre bonne copine, ne me voient même pas, tout à leur affaire. Je me rapproche, les hèle sèchement. Elles ne lèvent pas le cil. Un petit coup de bâton sur la cuisse. Rien. Un coup plus appuyé. Elles me voient, surprises. Ne bougent pas pour autant, Katto Pelato mufle posé sur la croupe de Graziosita en effervescence. Katto Pelato simule la saillie, retombant lourdement. Les deux génisses sont de petits gabarits, mais restent de grosses bêtes. Leur équipage, l'une debout derrière l'autre, désarticulé et maladroit, cahote autour de moi.
Je décide de remonter pour attacher les deux noires, avant qu'elles ne me reviennent, celles-ci aussi. Un instant, je me demande si je ne vais pas laisser tout ce petit monde dans le champ. Et puis, non, je me gourmande d'être aussi faible, et de laisser la volonté de mes bêtes prévaloir sur la mienne. Que diable ! Ces vaches doivent comprendre qui est le maître, en ce moulin !
Buru Haundi et Neska Motz ne se posent pas de questions, têtes dans les auges garnies.
Je les attache, les pousse un peu pour les remettre droites, quand elles se prélassent en oblique au travers de leurs stalles. Les deux autres auront déjà bien assez de mal à se garer, sans avoir à se faufiler !
Je repars dans le pré, dans le noir. Au fil de mes allées et venues, la lueur fuse depuis l'est. Pas d'aube spectaculaire, aujourd'hui, du gris, sans plus.
Mes deux amoureuses continuent leur cirque, se humant l'une l'autre, en pas désordonnés.
Je leur fais tâter du bâton, pour les ramener à l'étable. Elles s'amusent à me faire un tour de circuit, remontant dans la rampe, pour redescendre par l'ancien portail. Un tour de piste encore, et elles montent le long de la clôture, pour draguer du côté des blondes du Cousinou.
Je perds définitivement patience. Le bâton claque sec sur les cuisses musculeuses. Mes appels câlins dans le silence de la nuit deviennent exhortations furieuses : puta, etorri onea ! puta, n'ayant pas grand besoin de traduction, etorri onea : viens par ici !
Les génisses cillent, se bousculent, finissent par rentrer dans l'étable éclairée.
Graziosita s'avance vers sa place, quêtant sa suivante en tournant la tête par dessus son épaule. Je lui tâte le mufle du bout de mon bâton. Elle ne se le fait pas dire deux fois, s'engage dans la stalle. Buru Haundi, importunée par toute cette agitation, a terminé sa ration son-luzerne. Avant de s'attaquer au foin, elle prend le loisir d'encorner gentiment la Graziosita trop évaporée pour se glisser à sa place sans dévier. La perturbée se recule. Par dessus son dos, je rabroue l'autre du bâton.
Je suis derrière Graziosita, j'attrape sa queue et la ramène haut sur sa cuisse, en lui posant le bâton sur l'épaule. Cette manœuvre toute simple fait avancer la vache. Pour autant, je ne peux pas en même temps tenir sa queue le long de son flanc, et attraper les brins de la chaîne pour les nouer autour de son cou. Graziosita n'est peut-être pas bien grande, elle est quand même encore trop longue pour l'écartement de mes deux bras.
Je lui parle, rabaissant mon ton de voix de deux octaves. Je susurre : là, Graziosita, là... La "puta !" est remisée pour le moment...
Elle se décide enfin à s'intéresser à sa mangeoire. Je peux me couler vers son épaule, longeant son échine de la main. J'entoure son cou, passe l'attache dans la boucle. Ca y est !
Reste la dernière, Katto Pelato. Elle est en arrière, près de Karrarro, hésitant entre mugir et faire demi-tour. Nom d'un chien ! Je ne vais quand-même pas passer la matinée à courir après mes quatre vaches !
Je renvoie en fond de gorge les imprécations véhémentes qui y montent.
"Zato onea, Katto Pelato, zato". Viens par ici, viens. J'y mets toute la douceur et la persuasion dont je me sens encore capable. Ma grande taupe bai au velours brossé écarquille des yeux vagues. Je soupçonne Katto Pelato d'être assez hermétique à autre chose que ses besoins de base. Elle hume vers Graziosa, qui continue de lui faire les yeux doux par dessus la murette.
Ni une ni deux, elle se décide, et s'engage à sa place, sans faire plus d'histoire. Alléluia !
Je me dépêche de l'attacher. Je la flatte au passage, si belle, emperlée de rosée, avec ses volumes bosselés d'une musculature puissante.
Je prends encore le temps de contempler mes beautés alignées, quand j'en ai déjà perdu beaucoup à les courser.
Toute ma colère reflue, et une onde de bien-être s'étale en grève plane à sa place.
Je serai en retard, tant pis.
Graziosita et Kato Pelato continueront leur manège tout le jour, sans doute.
19h
La pluie nous a surpris quand nous arrivions à la maison du bois.
Nous nous y sommes abrités, collés au mur, à un endroit où la charpente dévastée ne laissait pas passer l'eau.
Le soleil est revenu, coursé par des rideaux de pluie suspendus sur la barthe.
La journée a été ainsi, ponctuée entre averses crépitantes sur la véranda, et percées d'or sur les massifs rafraîchis d'eau.
Nous avons fait ripaille, à midi, en belle-famille. Anguilles et œufs au lait. Très bon, trop riche !
Mon foie engorgé distille un fiel mélancolique.
Je repense à mes génisses, à mes chiens, à là bas.
Je vais faire diète, ce soir, et remiser mes nostalgies dans les grands bras de mon mari.
Lundi 21 septembre 2020 9h50
La pluie goutte depuis les branches des arbres.
L'horizon est noyé dans le gris. Le clapotis dans la descente de la gouttière répond au gargouillis dans le bassin, juste de l'autre côté, sous la fenêtre ouverte.
L'eau espérée arrive enfin, un peu tard pour les maïs et toutes les cultures à récoltes automnales.
Un merle s'excite entre les dalles du cheminement de pierres plates. il débusque les vers sous les touffes de mousse séchée. Les balles de brins enchevêtrés m'évoquent ces westerns, dans les déserts du Nouveau Mexique, je crois, (il doit y en avoir un ancien, alors ?), où de grosses pelotes de végétation libre traversent les paysages empoussiérés. C'est un peu tiré par les cheveux, comme analogie, surtout un jour comme aujourd'hui, où on est aussi près de l'ambiance des déserts du Nouveau Mexique, que des cratères refroidis de la lune...
Je n'en suis vraiment pas à une référence oiseuse près !
Une longue et bonne nuit de sommeil m'a allégé les humeurs.
Je vois ma vie bien légère, ce matin. Les jalons sont posés. Les relais donnés. Je n'ai qu'à me laisser porter, essayer de reconquérir une insouciance malmenée depuis trop longtemps.
Je me tiens honteusement loin de toute actualité.
Le monde tourne, le coronavirus s'accroche, de grandes choses s'accomplissent et se défont, sans doute, sans moi, sans même ma curiosité, encore moins mon intérêt. Honte à moi !
Je ne suis donc capable que d'écouter en boucle Clara Luciani souffler qu'"on ne meurt pas d'amour" et autres fadaises rythmées ? Jusqu'à ce que ce CD monopolise ma capacité de concentration, je faisais mes trajets vers, et, depuis, la jardinerie en écoutant France Inter. Je captais une ou autre bribe informative. J'aimais aussi les chroniques économiques, sociologiques, humoristiques. Il ne me vient pas pour le moment d'autres hics.
L'ensemble il est vrai ne musclait pas la capacité à voir la vie en rose. A chaque détour de phrases, c'était plutôt l'affliction, la morosité. Au moins, l'écoute des actualités radiophoniques épargne de ces faisceaux d'informations diffusés en instantané : un journaliste parle, une bande annonce défile, un, quand ce n'est pas deux, encarts s'invitent sur l'écran. Et tous ces intervenants concomitants parlent de choses différentes, évidemment, en un amalgame déconcertant.
J'ai peut-être le cervelet trop distendu, comme on peut avoir un muscle relâché, mais tout de même, est-il réellement possible d'enregistrer correctement autant de données simultanées ?
Sachant que, pendant qu'on regarde l'écran, une ou autre pensée collatérale, parasite ou indigène vrombit à la marge d'une conscience déjà surexploitée. Qu'est ce que j'ai prévu pour le repas ? Mince, il y a une couche terrible de poussière sur la table basse ! Ah, ce pantalon me serre maintenant, j'ai du grossir comme un chichon, il faut que je me reprenne...
J'imagine tous les circuits surmenés comme une grosse circulation urbaine aux heures de pointe.
Et les bouchons inhérents...
Alors, moi, je m'en tiens à l'écoute distraite des rubriques radiophoniques, avec un sujet, un thème par débat. Et juste le temps de mon trajet, à savoir une bonne demi-heure. Un jour sur deux, calqué sur ma cadence ouvrière. C'est dire que je ne risque pas d'être submergée.
Et, quand, comme ces jours-ci, je préfère à ce tout petit brin d'information sur le monde, la facilité de refrains haut perchés entre deux couplets aux syllabes curieusement frappées, autant dire que la terre pourrait s'arrêter de tourner sans que je m'en rende compte. Puisque dans ma tête, elle tangue, même quand elle ne bouge pas...
Je me sens un peu coupable d'être si peu citoyenne. Si peu engagée, si peu concernée.
Refermée sur mon petit monde, où je me pose des questions existentielles sur mon petit avenir insignifiant. Et alors ! Quoi ?
Il ne manque pas de gens ambitieux et visionnaires pour se sentir investis de la charge de mener le monde. Il ne manque pas non plus d'autres gens tout aussi ambitieux mais peut-être moins audacieux, pour les juger, les modérer, les entraver, au moins.
Je peux je le crois, rester à la marge. Me contenter de moi, me résigner à eux.
Regarder les arbres et la pluie qui s'y pose. Laisser les chants mélodiques des tourterelles se répondre dans le jardin.
Etre la candide d'un monde cynique.
J'ai dans l'idée que, tant que je pourrai mettre de jolis mots dessus, mon monde me suffira, ici, là bas, dans la pénombre d'un sous-bois comme au fond d'une cave.
J'ai dans l'idée que l'imaginaire pallie à tout, ou presque.
Dans l'idée quand-même, que, s'il y a moyen, le poser au milieu de jolies choses, comme on dépose un oisillon perdu dans son nid de plumes tièdes, lui réussira mieux.
Dans l'idée que cette humble quête suffit maintenant à remplir ma vie.