mercredi 27 février 2019

OK CORALL A AGORRETA LA PETITE HISTOIRE I



Mercredi 27 février 2019 9h34

Nos personnages sont en place.
Pour la petite histoire, les ennemis d'aujourd'hui ont été bien complices, dans le temps.
Comme avait dit ma mère à Lucie, venue à son oreille décharger sa rancune contre son ex :

- "Il était bien bon, avant !"


A entendre avec son accent espagnol qu'elle ne perdit jamais, même après près de 80 années de carrière française :

- "Il était bienn bonnn avannt"

Quel manque de compassion chez cette femme, tout de même…







Les deux larrons en foire s'entendaient à merveille.
Ils combattirent côte à côte les hordes sauvages d'indiens bien décidés à avoir leurs scalps.











Classiquement, à l'occasion d'un festin où le partage parût inégal à Bud, dont le grand appétit laissa Terence ébahi, ils devinrent ennemis :

- Ce poulet, dit Bud, est trop gros pour toi, il doit être bien bon, j'en veux bien plus d'une grosse moitié !
Et il attaqua fermement la volaille.

- Toi aussi, tu es bien gros, tu n'en es pas pour autant meilleur…

Terence a toujours eu le goût d'une ironie acide ! L'incorrigible. Il est gourmand de bons mots, et n'y résiste pas,  quitte à rentrer un peu dans le lard de son ancien complice. Chacun son péché mignon.

Les alliances sont ainsi : elles se font et se défont au gré des circonstances.
Comme les plaques tectoniques souterraines, elles glissent l'une contre l'autre, s'arrimant ici ou là, en une sous-couche dont on ne peut pas trop prédire ce qu'elle deviendra.

A Agorreta, nous avons aussi connu ces stratégies politiques, où les uns s'allient aux autres, puis, se dédient et s'en vont s'acoquiner avec leurs anciens ennemis.

C'est l'humaine nature, et nous y sommes tous soumis.




Ce malheureux épisode signa la fin de l'amitié des deux hommes. Terence, blessé en balafres marquées pour longtemps sur sa peau, ne pardonna pas à Bud. Ce poulet, ils l'avaient attrapé ensemble. Il en voulait sa juste part. Qu'importe la faim du gros Bud ! 



Ils avaient formé une équipe soudée et gagnante. Ils devinrent les principaux protagonistes d'un duel où ils s'affrontèrent. Décidés à n'arrêter qu'au dernier sang !



Trois cow-boys, effarés eux-aussi par la gourmandise de Bud, se rangèrent derrière Terence.




Bud, seul, mais décidé à défendre son poulet rêvé, menaça.
Bud sait se montrer menaçant. A l'entendre, il en est impressionnant. Il réduirait en cendres et écraserait en bouillie tout ce qui l'empêche d'avoir la part qu'il croit en toute bonne foi être la sienne. 
Son excessive gourmandise ruine toutes les tentatives de raisonnement. Il est aveuglé par sa passion. Il renierait père et mère, ne parlons même pas des frères et sœurs !

Heureusement, jusqu'ici, il n'a fait que donner de la voix, beaucoup il est vrai, et fort.
Bud n'est pas mauvais garçon, au fond. 
Il est juste par moments dominé par ses passions…

Ne le sommes-nous pas, peu ou prou, tous ?

lundi 25 février 2019

OK CORALL A AGORRETA : LA SCENE




Lundi 22 février 2019 10h





On croirait un voile de brume flottante sur les hauts d'Agorreta, ce matin. Le temps est pourtant toujours clair et parfaitement printanier. Non, ce sont les volutes de poussière soulevées au passage des camions. Les terrains ont séché comme au plein été.

Après la fin de semaine, et puisque l'incitation insistante  s'aiguise, je persiste, depuis ma rive de la Grande Faille d'Agorreta, béante et profonde.

J'ai choisi un moyen terme, entre déballage complet et presque indécent, et une transposition trop floutée. J'ai choisi une distance et une manière de conte suffisamment clair pour les concernés, et encore amusant pour les autres. Enfin, je l'espère !
La décence ne m'étouffe certes pas. Tout de même j'aime à manier allégorie et métaphore. Je n'ai jamais trop su faire la différence entre les deux termes. Une histoire d'abstraction donnée à mieux saisir par un concret plus facile à assimiler. Une façon pédante de dire "imager", quoi.
Je trouve le petit décalage, la transposition, plus confortable. Je m'y laisse moins happer et polluer par une rancune tenace. Elle me donne l'opportunité de me défouler, de manière plus teintée d'humour. Goûté, ou pas…

Le principe de la tragédie grecque, où, en plus de l'unité de lieu unité de temps, nous avons les bienfaits  de l'exultation des passions suscitées dans nos vies humaines, sans les ravages de cette même exultation laissée en libre cours en direct-live. 
Un genre de play-back, où on peut se faire du bien, sans se faire de mal. En sécurité, bien harnaché. Voilà encore l'illustration d'une métaphore allégorie, image. Que du bonheur !

Ok Corall à Agorreta, c'est un western à la sauce basque. Fortement pimenté, mais plein de saveurs encore.

Pour aujourd'hui, je présenterai juste la scène :



Un endroit bucolique et paisible, où la vie paraît douce. On y parle de terre, de fumier, de compost à grand ciel ouvert.





Ensuite, les personnages :









Des cow-boys and girls qui se tournent le dos, qui se défient d'un regard assassin, qui se menacent et se mesurent avec fierté et sauvagerie.


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Des paysans cul-terreux au plumage gonflé sur une arrogance posée en piètre masque sur les vieilles défiances et peurs ataviques

Nous avons le lieu, nous avons la scène, et nous avons les gens.
Le petit cocktail d'une épopée rurale moderne, une saga paysanne dépaysante, un bol d'air. 
Les conflits de voisinage ne portent pas ici sur une place de stationnement ou sur un vélo oublié dans l'entrée de l'immeuble.
Non, ici on parle de terre, toujours, de citrouilles, de clôtures et de vaches.
Demandez à un ou autre notaire, aux yeux papillonnant derrière les verres de ses lunettes épaisses. Dans le silence feutré de son étude calme, on débat pâture et fermage, labour et élevage. Il écoute, éberlué.


Ici, l'élevage se porte bien.
Neska Nauxi finit de digérer ses excès. Elle retrouve sa malice et sa joie de vivre. Nous aussi, alléluia !

Bigoudi et son regard tranquille et bienveillant montrent la voie.
Tâchons de l'écouter et de la suivre, cette voix de la sagesse. Nous, par ici, si vite fols et emportés !

Suite au prochain épisode.

vendredi 22 février 2019

NESKA NAUXI LA TROP GOURMANDE




Vendredi 22 février 2019 9h39





Le grand beau temps est définitivement installé, semblerait.

Ce tout petit matin, à l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, j'ai eu une inquiétude.
Ma petite Neska Nauxi la blanche, mon coup de foudre, était mal en point.

Avant hier déjà, pendant la séance d'entraînement au retour chacune sa place, je l'avais trouvée engourdie. Je lâche mes Neskak dans le fond de l'étable, puis je les ramène à leurs auges garnies entretemps. Le but de la manœuvre est de les habituer à se remettre en place, pour la sortie, et la rentrée (!), au et du pré, prévue prochainement. Elles sont nouvelles venues à Agorreta, mes beautés, et ne connaissent pas encore l'endroit. Je dois leur montrer les lieux, progressivement. 
Je les ai déjà présentées à Bigoudi, et tout s'est bien passé : ma bonne Bigoudi était une mère attentive, et les petites velles lui ont rappelé sa carrière passée.
Quand je les lâche ainsi, en fin d'après-midi, avant la ration du soir, les Neskak, toutes contentes de se dégourdir  les pattes, bondissent et jouent entre elles, le temps de se rappeler qu'il est l'heure du repas, et de revenir à la barrière. 
La première fois, j'ai commis une erreur de débutante : j'ai voulu les rentrer toutes les quatre à la fois. Un joli désordre s'en est suivi, l'une allant à l'auge de l'autre, la seconde poussant la première avant que je ne l'attache, la troisième venant mettre son grain de sel par là dessus. Le grand bazar dans l'étable !
Ensuite, finaude et aguerrie, j'ai misé sur l'effet sas. J'ai entrouvert la barrière, laissant mes demoiselles passer une par une, la refermant derrière chacune. Après avoir accompagné l'entrante à son auge, l'avoir dûment attachée et félicitée pour sa bonne conduite, j'allais chercher l'autre.
Tout allait déjà beaucoup mieux, et j'ai certifié la méthode comme étant la meilleure.

Mercredi soir, ma Neska Nauxi, Nauxi comme petite patronne, était mollette. Elle paraît être la meneuse de la troupe, d'où son nom. Là, elle traînait du pied, et ne se présenta qu'en fin de liste, quand d'ordinaire elle est la première.
Ma Neska Nauxi est une grande gourmande. A son arrivée, elle était la plus fine. Elle s'est bien élargie  depuis ces trois semaines. Trop vite. 
Vorace,  les premier jours, elle  se jetait d'abord sur la ration de sa voisine, La Buru Haundi, comme Grosse tête.  Elle revenait ensuite à son côté, raflant sa part en plus de ce qu'elle avait pu, en bout de chaîne et tirant la langue au maximum, grapiller de l'autre. 
Je prends, depuis, soin de renverser le bol de la noire bien à l'angle, de façon à ce que la blanche n'y arrive plus
Un de ces premiers matins à la ferme, aussi, ma Neska Nauxi a trouvé le moyen de dénouer la corde retenant la petite chaîne d'attache un peu courte. Elle la mignotait et la léchouillait tant et si bien, qu'elle a réussi à en relâcher le nœud, cette petite rouée maline !
Elle s'est jetée sur les bols préparés sur le coffre à grain, et a englouti les cinq rations. J'étais inquiète, sachant cet excès bien mauvais pour cette petite panse délicate. Les jours suivants, elle paraissait bien, et je me suis tranquillisée.
Erreur…
L'élevage est beaucoup affaire d'observation. Je garde mon petit cheptel bien à l'œil. l'effet n'est pas toujours immédiatement consécutif à la cause. Il ne faut pas baisser la garde trop vite ! 
Neska Nauxi présentait ce matin tous les signes de la fourbure classique. L'excès de nourriture provoque chez les vaches, et les chevaux aussi, cette fourbure caractéristique : l'animal est douloureux des articulations aux membres, reste longtemps couché, soufflant fort et tête basse.



Le tableau se présentait exactement de cette manière ce matin, du côté de ma blanche Neska Nauxi. Elle faisait peine à voir, elle toujours enjouée et gourmande. Elle leva à peine la tête, quand je distribuai le bol de sa voisine. Alertée depuis l'avant-veille, je l'avais mise à la diète. Hier au soir, comme son état empirait, elle n'avait eu que quelques granulés, histoire d'y mélanger de l'aspirine en cristaux. L'aspirine soulage la douleur et draine les toxines mal stockées. En plus d'une diète drastique et du repos, c'est un traitement efficace des fourbures.
Ma petite rouée maline, même malade, l'est resté : elle a trié les granulés, et laissé les cristaux d'aspirine dans son auge. 
Pour le coup, ce matin, j'ai changé de tactique. Comme elle était couchée et atone, bien plus mal encore qu'hier, je lui ai relevé la tête, et introduit au fond de la gorge une bonne pincée d'aspirine. Elle n'a pas voulu boire l'eau que je lui ai présentée. J'ai fait tomber un peu de foin devant elle, pour la stimuler à reprendre la rumination, et remettre son système digestif en marche.
Il était trop tôt pour appeler le vétérinaire. Prise de température, 39 °. Normal chez une vache. Pas d'infection, pas d'alarme. L'aspirine dûment ingurgitée calmerait l'inflammation des jarrets, Neska Nauxi devait se sentir mieux dans une paire d'heures. Si elle ne se remettait pas d'ici là, j'appellerais ma douce et jolie Bégonia.












A peine une heure après ce traitement de première intention, ma beauté se remettait sur pieds. Elle avait grapillé un peu de foin par terre, sa respiration s'était ralentie. Elle relevait mieux la tête. Encourageant.

Sa mine n'était pas encore conquérante, loin de là. Elle restait bien piteuse.
Je la flattai et la réconfortai, lui massant doucement les articulation, sait-on jamais.

Un moment encore après, elle s'allongeait davantage, étirant les muscles et le col.
C'était mieux.

Elle est maintenant au repos, couchée mais tranquille. 

J'avais en tête de sortir mes bêtes ce dimanche. Je vais attendre. Il est encore tôt en saison, d'abord, et, surtout, les petites doivent être en pleine forme pour passer haut la main ce cap d'un nouveau changement d'alimentation. Nous verrons ça la quinzaine prochaine, quand je serai de nouveau dimanche et lundi à la ferme.
Nous commencerons doucement, par des sorties courtes en milieu d'après-midi. Antton est disponible maintenant pour assurer la logistique à l'étable les jours où je suis à la jardinerie. Finies les sorties dans le petit matin humide et frais, et les rentrées à la nuit tombée. Nous pouvons maintenant traiter ces princesses selon leur rang, et leur ménager les meilleurs créneaux horaires pour leurs activités.

Dans le même temps, mon vieux père se remet lui aussi de ses entrailles un peu chahutées ces derniers jours. Tout le monde est en convalescence !
Il y a bientôt six ans, le même cas de figure se présentait : mon père bien mal en point, et ma Louloutte d'alors, une belle Montbéliarde en pleine lactation, à terre, suite à une fourbure sévère. La vache en plein lait est fragile. Louloutte était encore jeune, pourtant.
Mon père fût pronostiqué perdant, par les spécialistes médicaux. La vache pourrait s'en sortir, sans doute. Le bonhomme, pas.
Finalement, la vache ne se releva pas, et le bonhomme gambille encore !
Aujourd'hui, j'espère raisonnablement conserver et l'homme, et la bête.

Je ne sais pas encore ce que je ferai de mon Agorreta OK Corral.
Ca me rappelle les "petits papiers" de Charles Pasqua, quand, menacé d'une quelconque mise en examen ou autre affaire judiciaire, il évoqua ces fameux "petits papiers" compromettant les uns ou les autres. Tout s'aplanit aussitôt…  On appelle ça la dissuasion, je crois.

D'un autre côté, cette mini saga rurale, peut-être aussi diablement amusante. Un petit Chemin des Crêtes au goût du jour, documents à l'appui. Ou pas.
La fin de semaine m'inspirera.