Re-Bonjour !
Je n'ai pas rempli mon quota d'une heure par jour d'écriture. Tout en me modérant, je ne vais tout de même pas me priver de plaisir !
Comme disait l'autre, il est urgent, justement, de se faire plaisir...
Je veux continuer de vivre avec intensité, sans incendie, mais avec feu.
Chanter à pleine voix si l'envie m'en vient, et pas timidement chantonner bouche fermée. Enfin, quand je suis à la ferme, évidemment, au plein air ou dans ma salle de bain où mes fausses notes de sourde sonnent juste à mes oreilles.
A la jardinerie, je sifflote, je chantonne, justement. Par convenance. Ce corset parfois trop serré !
Notre civilisation nous a un peu bridés, non ?
Se mettre à chanter en chœur, comme ça, paraît inopportun, et vous enverrait vite en camisole, quand, à mon avis, c'est tellement bon de chanter en compagnie. Voyez nos enterrements dans les églises basques. Voyez nos fêtes. Voyez la communion de ces chants lents et profonds. La joie de ces danses en groupes. Voyez le bien qu'ils font, le réconfort qu'ils apportent.
Le partage, c'est ça : porter à plusieurs les joies et les peines. Chanter ou pleurer ensemble.
Ensemble, c'est mieux réparti, plus facile à porter et meilleur à vivre.
Mon projet pour Agorreta est celui-là.
Faire de la vieille ferme un endroit où la vie redevient saine et simple.
Partager le fruit des connaissances, des observations, d'une histoire et d'un passé riche et long.
Comme on partage des graines et des plants, des recettes et des bonnes adresses.
Ce projet, je l'imagine partagé.
Avec la commune d'Hendaye, déjà, nous avons uni nos forces pour réaliser ce chantier d'aplanissement, de nivellement, de ces terres accidentées.
Nous pourrions continuer dans cette belle voie.
Agorreta dans le temps, c'était pentu, saccadé.
Cette "abrupteté", cette rudesse originelle, mon frérot l'aîné travaille à l'aplanir, à la rendre plus douce.
Ce sera plus facile de travailler sur des terres larges et ouvertes.
Agorreta, à l'origine, c'était aussi des bois, de grands arbres serrés les uns contre les autres pour se protéger, ensemble et chacun.
Mes grands-parents et parents ont tout défriché, à la main, pour cultiver. A ce moment là, ils en avaient besoin.
Aujourd'hui, il est temps de rendre au paysage ses essences.
J'ai dans l'idée de retrouver ces grands arbres, de reboiser.
Je suis là dans le cœur de mon métier : planter des arbres.
Je vois bien ici des châtaigniers, des noyers, des cerisiers et des pruniers. Quelques néfliers, ces "mispira" presque perdus, mais pas tout à fait. Je vois bien des frênes, des chênes, que je ne pourrais qu'imaginer séculaires. D'autres viendront marcher sous leur ombrage, et cette seule idée m'encourage.
Je vois aussi dans le creux d'Arkatzetako zokua, le trou des acacias, un étang, entouré d'acacias, justement. Un large banc en demi-rond où venir reposer ses fatigues, en regardant la nage lente des carpes dolentes.
Je vois des petits potagers partagés, où les uns et les autres se retrouvent dans le calme, reviennent à la terre comme on reprend racine.
Là aussi, je suis dans mon cœur de métier. Qui mieux que ceux d'Agorreta connaissent la terre d'Agorreta ? Qui mieux que ceux-là sauront où planter quoi ? Laisser à la terre remuée le temps de se fonder. Revenir à ces endroits où telle plante pousse au mieux et éviter de forcer la nature.
Je vois des gens perdus dans le béton revenir à eux, retrouver les odeurs chaudes d'une petite étable traditionnelle, caresser comme je le fais le flanc d'une vache placide et apaisante.
Voyez, je vois ces choses, et cette vision m'emplit de bien-être.
Ce bien-être à partager. Comme on partage généreusement une connaissance, la mettant en lumière.
Pas une connaissance donnée en pâtée en libre-service. Ca, Internet s'en charge bien mieux que moi !
Non, une connaissance distillée avec parcimonie et justesse, livrée comme on sort une paire de draps brodés d'une vieille armoire, pour en faire caresser le fil.
Le profane autorisé à entrer à l'ombre du temple, avec respect.
Les connaissances jalousement gardées ne servent à personne : ni à ceux qu'elles ne visiteront jamais, et surtout pas à ceux qui les couvent inutilement comme ma poule glousse couve les œufs clairets.
J'ai observé, longtemps. J'ai appris, un peu.
Je veux maintenant essaimer ce que j'ai retenu de bon, comme je donne des graines anciennes pour qu'elles aillent largement pousser ailleurs.
Ces graines capables de redonner du plant qui lui-même donnera de la graine.
Bien loin des sophistications hybridées des semences productives, certes, mais stériles.
L'homme s'est un peu perdu, emballé.
Il est grand temps de revenir à l'équilibre et à l'harmonie.
Mon modeste projet n'est qu'un tout petit caillou dans l'édifice à bâtir.
Il est à ma portée, je crois.
Je l'espère.
Je vous le livre lui aussi en partage, pour mieux le porter, ensemble.
Là, ça y est, l'heure est passée.
Je finis ici, et vous retrouve semaine prochaine !