mercredi 31 mai 2017

AGORRETA : REFUGE ET PARTAGE




Re-Bonjour !


Je n'ai pas rempli mon quota d'une heure par jour d'écriture. Tout en me modérant, je ne vais tout de même pas me priver de plaisir !
Comme disait l'autre, il est urgent, justement, de se faire plaisir...
Je veux continuer de vivre avec intensité, sans incendie, mais avec feu.
Chanter à pleine voix si l'envie m'en vient, et pas timidement chantonner bouche fermée. Enfin, quand je suis à la ferme, évidemment, au plein air ou dans ma salle de bain où mes fausses notes de sourde sonnent juste à mes oreilles.
A la jardinerie, je sifflote, je chantonne, justement. Par convenance. Ce corset parfois trop serré !
Notre civilisation nous a un peu bridés, non ?
Se mettre à chanter en chœur, comme ça, paraît inopportun, et vous enverrait vite en camisole, quand, à mon avis, c'est tellement bon de chanter en compagnie. Voyez nos enterrements dans les églises basques. Voyez nos fêtes. Voyez la communion de ces chants lents et profonds. La joie de ces danses en groupes. Voyez le bien qu'ils font, le réconfort qu'ils apportent.

Le partage, c'est ça : porter à plusieurs les joies et les peines. Chanter ou pleurer ensemble.
Ensemble, c'est mieux réparti, plus facile à porter et meilleur à vivre.

Mon projet pour Agorreta est celui-là.
Faire de la vieille ferme un endroit où la vie redevient saine et simple.
Partager le fruit des connaissances, des observations, d'une histoire et d'un passé riche et long.

Comme on partage des graines et des plants, des recettes et des bonnes adresses.

Ce projet, je l'imagine partagé.
Avec la commune d'Hendaye, déjà, nous avons uni nos forces pour réaliser ce chantier d'aplanissement, de nivellement, de ces terres accidentées.
Nous pourrions continuer dans cette belle voie.

Agorreta dans le temps, c'était pentu, saccadé.
Cette "abrupteté",  cette rudesse originelle, mon frérot l'aîné travaille à l'aplanir, à la rendre plus douce.
Ce sera plus facile de travailler sur des terres larges et ouvertes.

Agorreta, à l'origine, c'était aussi des bois, de grands arbres serrés les uns contre les autres pour se protéger, ensemble et chacun.
Mes grands-parents et parents ont tout défriché, à la main, pour cultiver. A ce moment là, ils en avaient besoin.
Aujourd'hui, il est temps de rendre au paysage ses essences.

J'ai dans l'idée de retrouver ces grands arbres, de reboiser.
Je suis là dans le cœur de mon métier : planter des arbres.
Je vois bien ici des châtaigniers, des noyers, des cerisiers et des pruniers. Quelques néfliers, ces "mispira" presque perdus, mais pas tout à fait. Je vois bien des frênes, des chênes, que je ne pourrais qu'imaginer séculaires. D'autres viendront marcher sous leur ombrage, et cette seule idée m'encourage.
Je vois aussi dans le creux d'Arkatzetako zokua, le trou des acacias, un étang, entouré d'acacias, justement. Un large banc en demi-rond où venir reposer ses fatigues, en regardant la nage lente des carpes dolentes.

Je vois des petits potagers partagés, où les uns et les autres se retrouvent dans le calme, reviennent à la terre comme on reprend racine.
Là aussi, je suis dans mon cœur de métier. Qui mieux que ceux d'Agorreta connaissent la terre d'Agorreta ? Qui mieux que ceux-là sauront où planter quoi ? Laisser à la terre remuée le temps de se fonder. Revenir à ces endroits où telle plante pousse au mieux et éviter de forcer la nature.

Je vois des gens perdus dans le béton revenir à eux, retrouver les odeurs chaudes d'une petite étable traditionnelle, caresser comme je le fais le flanc d'une vache placide et apaisante.

Voyez, je vois ces choses, et cette vision m'emplit de bien-être.
Ce bien-être à partager. Comme on partage généreusement une connaissance, la mettant en lumière.
Pas une connaissance donnée en pâtée en libre-service. Ca, Internet s'en charge bien mieux que moi !
Non, une connaissance distillée avec parcimonie et justesse, livrée comme on sort une paire de draps brodés d'une vieille armoire, pour en faire caresser le fil.
Le profane autorisé à entrer à l'ombre du temple, avec respect.

Les connaissances jalousement gardées ne servent à personne : ni à ceux qu'elles ne visiteront jamais, et surtout pas à ceux qui les couvent inutilement comme ma poule glousse couve les œufs clairets.

J'ai observé, longtemps. J'ai appris, un peu.
Je veux maintenant essaimer ce que j'ai retenu de bon, comme je donne des graines anciennes pour qu'elles aillent largement pousser ailleurs.
Ces graines capables de redonner du plant qui lui-même donnera de la graine.
Bien loin des sophistications hybridées des semences productives, certes, mais stériles.

L'homme s'est un peu perdu, emballé.

Il est grand temps de revenir à l'équilibre et à l'harmonie.
Mon modeste projet n'est qu'un tout petit caillou dans l'édifice à bâtir.
Il est à ma portée, je crois.
Je l'espère.
Je vous le livre lui aussi en partage, pour mieux le porter, ensemble.

Là, ça y est, l'heure est passée.
Je finis ici, et vous retrouve semaine prochaine !




mardi 30 mai 2017

ACTUALITES EN IMAGES




Bonjour !

Ce matin, quelques images du jour :





Enfin, celle-ci, c'était hier soir !
Le soleil ne se lève pas sur le Jaïzkibel, non, non, non...
Les choses sont restées à leur juste place, ne vous en faites pas !!




Ce matin, il se faisait oublier, ce grand soleil impérieux.
C'est moins spectaculaire, comme vue, Mère-Rhune chapeautée de nuages, peut-être, mais tellement reposant après ces journées trop ardentes, n'est-ce pas ?






Au potager, mes petites plantations respirent d'aise et de fraîcheur.
Les dispositifs anti-oiseaux sont mis en place : on le sait, l'adversité est partout, en ce bas-monde. Il faut veiller !
Quelques vers gris souterrains se sont attaqué aux collets de mes plantules de laitues.
L'expérience en aura sacrifié quelques unes, mais les autres, aguerries d'avoir senti passer si près la lame de l'épée, ne s'en montreront que plus vaillantes.
Les traumatismes de nos jeunes années peuvent être une chance, quand on apprend à les surmonter...





Les poiriers croulent sous les promesses de fruits.
Emportés par leur orgueil, ils risquent  la brisure des branches trop ployées.
Là encore, il va falloir modérer : éclaircir, ou étayer. Veiller, toujours...
Pallier la démesure et préserver des excès !
J'ai appris à faire, juste à temps, je l'espère.









Dans le poulailler d'Agorreta, le spectacle de nos vies humaines s'illustre en plumes.
Vous vous souvenez de ma poule placide isolée pour la préserver des attaques sanguinaires de ses jeunes colocataires.
Je l'ai remise en société, depuis peu, et tout semble se passer bien.
Par contre,  la grise, emportée par un imaginaire passionné, est devenue glousse. Je n'ai pas de coq. Il ne peut pas y avoir de poussins. Agorreta reste Agorreta, pas Lourdes : il n'y aura pas de miracle, ici...

Les œufs à couver, elle les a inventés dans son cervelet outragé.
Elle reste là, à longueur de journées, oubliant presque de se nourrir, obsédée à la tâche.
Je la fait descendre, doucement, quand je viens le matin les nourrir, et le soir ramasser les œufs, bien réels, ceux-là, pondus par les quatre autres, plus raisonnables, elles.
Elle glougloute sa colère, mais va picorer quand-même. La volaille est une bête, elle n'oublie jamais tout à fait l'instinct de survie...

Un autre instinct en image, c'est ma mini-meute aux aguets. Ils voudraient bien croquer une poule, un moineau ou une tourterelle sauvage.  Assouvir cet atavisme de fauve chassant pour se nourrir, quand eux, ils ont tout à portée.
Je vous l'ai dit, ma Bullou est capable de braver tous les dangers, quand elle pourchasse un oiseau. Elle, pourtant si poltronne !

Je vous le répète, nos passions nous portent haut,  au delà de nous-mêmes, mais trop loin, parfois.





Ma Bigoudi et ses filles, elles, ruminent placidement dans leur aire au fond de l'étable.
Elles se couchent au sec, grappillent le foin dans les râteliers, avant d'aller brouter dans le pré.
Au soir, je les rentre et leur distribue une ration gourmande à leur place, dans la vieille étable, pour leur garder en tête leur place d'hiver.

Cette routine parfaitement rôdée maintenant les satisfait pleinement.
Loin des turbulences de l'année dernière, elles vivent leur vie paisible de vaches tranquilles.

Les regarder me fait du bien.
Leurs mouvements lents, leurs flancs longs et leurs regards sereins tempèrent en moi les ondes d'un tempérament parfois trop vif.
Je vous l'avais prédit : Bigoudi, c'est un baromètre fiable, et un médicament sain.

Je développerai ces observations attentives, une autre fois.

A plus tard !

lundi 29 mai 2017

FAIRE CONFIANCE AUX ANGES



Bonjour !

Après ces journées poisseuses où l'humidité dans l'air torride pesait sur nos organismes comme une chape oppressante, la petite pluie, légère et silencieuse, discrète et apaisante, nous ramène à des latitudes bien plus agréables.
Il était temps, là encore !
Moi, avec le sang alourdi par la pression atmosphérique pulsant dans mes oreilles vite alarmées, je supportais très mal !

La cyclothymie n'est pas que dans ma tête, elle est aussi dans la nature, depuis toujours.

Nous sommes l'infime de ce grand tout, et subissons les mêmes lois. Il nous faut l'admettre une bonne fois, et nous en arranger au mieux.
Nos tempéraments sont doubles, multiples, même, et nous sommes plusieurs à la fois, dans la même personne. Non, non, ce n'est pas de la schizophrénie, c'est le résultat d'un demi-siècle d'observation.
Les enseignements retirés de cette observation, je voudrais en profiter, d'abord, et les partager.
Ce projet d'Agorreta-refuge dont je parlais dans ma dernière chronique, je n'en verrai peut-être pas l'aboutissement. Il s'enlisera peut-être dans le marais de toutes ces entraves dont nous, humains tourmentés, sommes les meilleurs vecteurs.
Pourtant, si l'on essaie pas, si on n'y croit pas soi-même, alors, qui le fera ?

Je persiste et persévère.
Je ne ferai pas de cette idée un combat forcené. Plus maintenant. J'ai appris les dangers de mes excès, à mes dépends. La peur de subir encore la colère organique de mes nerfs trop sollicités me sert de garde-fou.
Je ne vais pas devenir autre pour autant.
J'ai parlé d'apaiser les petits chevaux emballés, de les tenir loin des morsures nerveuses des rats sortis de leurs terriers, excités par ces mouvements désordonnés.
Jamais de les brider, de les contenir enfermés et de faire taire leur fantaisie.
Cette fantaisie, je la veux, je n'y ai pas renoncé.

Agorreta me survivra sans doute, survivra à mes projets et continuera sa route.
Pourtant, si de mon passage entre ses vieux murs il devait rester quelque chose, je voudrais que ce soit ça : l'idée d'un endroit où retrouver le plaisir de vivre plus léger, de se sevrer de ses démons et de laisser voleter les anges...

Je suis dans cette passe. J'espère être bonne élève de mes propres théories. Mauvais professeur, celui qui n'a pas expérimenté le fruit de ses leçons !

J'ai envie maintenant de faire confiance aux anges, de croire en notre nature humaine, de la même façon que je crois en la nature autour de nous.
Je connais les démons, je les subis, comme tous.
Je les subis comme nous avons subi cette trop forte chaleur.
Les excès, il ne suffit pas de les repérer pour pouvoir s'en exonérer.
Il faut apprendre à faire le dos rond, à se préserver au mieux.

Nos tempéraments compliqués, nos humeurs troubles et excessives parfois, je ne les changerai pas.
Je les intégrerai, mieux, si j'apprends bien.

La vie est tellement plus agréable quand on choisit d'en cultiver le meilleur.
Il faudrait savoir faire taire les méfiances, les peurs, les colères.
Les apprivoiser et les apaiser, les rendre vivables.
Faire une force de notre faiblesse admise.

Je suis dans cette visée là.
Comme pour Agorreta-refuge, le chantier est vaste, et il sera long.

Et alors ?
D'autres viendront après moi, comme beaucoup ont commencé avant.
Chaque pas dans le bon sens rapproche du but.
Le tout est de décider de prendre la bonne direction, de casser les spirales mauvaises et destructrices.

La pluie tombe, doucement, comme un bienfait.
Les maïs asséchés devenaient bien trop vulnérables aux vers qui commençaient à ronger leurs pieds en souffrance.
Cette pluie va les faire bondir, durcir leur tige et les rendre trop dures pour être mangées.

Moi, je vais après la pluie, semer mes citrouilles.
Ces citrouilles partagées comme une belle amitié.

Je vous retrouve plus tard.





vendredi 26 mai 2017

AGORRETA LE REFUGE



Bonjour !

Par ces journées si chaudes, le foin coupé sèche vite.
A mon retour de la jardinerie hier soir, j'ai senti le parfum du bon foin remisé dans le vieux hangar.
Antton finissait d'empiler les balles, ça embaumait dans toute la cour.
Comme le chante Cabrel : les mots qu'on reçoit sont comme des parfums qu'on respire.
Et je répondrais : les parfums qu'on respire font autant de bien que les mots bienveillants...

Je continue mon parcours.
Le bien-être retrouvé m'accompagne comme une vieille amie revenue enfin d'un pays lointain.
Je le savoure, je le veille, attentive maintenant à chaque signal, culte ou occulte.
J'en suis à me surveiller, presque trop, redoutant la rechute.
Je dois là encore mesurer mes meilleures intentions, vivre librement mon tempérament fougueux sans trop le brider, comme on apprivoise un pur-sang en lui laissant assez d'espace.
On peut rire sans hystérie, et pleurer sans se laisser reprendre par la bête mauvaise.
Encore et toujours, l'équilibre, la juste mesure, pas la raideur, la tolérance et la confiance.
Toutes ces choses paraissent couler de source, et pourtant, elles achoppent bien  trop souvent sur des aspérités agressives qui en brisent le flot paisible en cascades brutales.

Cette brutalité, cette rudesse, si répandues dans le milieu paysan, ce mien milieu où je me suis fondée.
Je veux en retenir la ténacité et la persévérance, le mérite du labeur juste, la sobriété et le sens des essentiels.
Je veux en écarter les excès, chercher derrière les masques impassibles l'émotion qui se tait, l'humain apeuré par l'humain.
Je ne veux pas devenir une machine sans cœur, un robot sans sentiments.
Ces richesses là sont trop précieuses. Les enfouir les ternit et elles peuvent même en devenir dangereuses, comme la bête paisible blessée peut attaquer la main qui la soigne.
J'en ai fait l'expérience : j'étais la main et la bête rageuse en même temps !

Il faut du temps, justement, pour faire cet apprentissage. Un déclic et un cheminement lent, comme pour entrer dans un cercle d'initiés.
Il y faut les circonstances.
Nous naissons de ceux qui nous font. Nous grandissons là et comme on nous éduque.
Puis, nous apprenons, patiemment et parfois douloureusement, à réagir à ces incontournables à notre manière.

Notre liberté est celle-là : faire de ce qui nous est donné, quelque chose d'autre, si possible, de mieux !

Je ne ferai jamais un mètre quatre-vingt. Je peux joliment déployer mes un mètre soixante, avec grâce, sans orgueil mais fièrement.
Ce tempérament fougueux de cheval un peu trop sauvage parfois, je peux en faire une alliée précieuse, quand il glisserait vite en mon meilleur ennemi...

Je ne suis pas au bout, loin de là.

J'ai cette chance immense d'habiter Agorreta. De vivre encore auprès d'une nature amie et de bêtes instinctives. D'y puiser des leçons et du bienfait.

Agorreta ancien refuge de lépreux rejetés.
Agorreta asile des cathares pourchassés, peut-être.

Agorreta, son histoire et son destin dépassent le mien.
Je veux pourtant, modestement, avec humilité, mais aussi constance et élévation, (rien que ça !), continuer de faire vivre entre ces vieux murs épais ce fluide intemporel d'une humanité bienveillante.

J'ai eu besoin d'un asile où me reposer. Je l'ai trouvé à Rivière.
Agorreta a aussi été refuge, pour les Olaciregui en fuite, au plus près de moi, et plus loin dans le temps, bien plus loin, pour d'autres.

J'ai entendu cet appel. Je ne suis ni illuminée ni mystique. Instinctive et intuitive, oui.
Le premier à poser une pierre de cathédrale sait qu'il ne la verra jamais. Et pourtant, la joie le porte dans son travail, quand il se représente l'œuvre à laquelle il participe.
Notre imagination nous porte au delà de nous-mêmes. Toutes les sciences scientifiques n'expliqueront jamais tous les mystères.  Ce mystère et cette continuité, ces intuitions et ces aspirations, nous lient, nous, humains conscients et sensitifs, en une unité intemporelle et grandiose.
Hou là là, je m'emporte, là ! Hooo, hooo, tout doux, làààà...

Mon projet sera peut-être lui aussi long à "mâturer".
Le chantier est vaste, c'est pourquoi il faut commencer sans tarder... mais sans presse !

A bientôt !





jeudi 25 mai 2017

ASCENSION



Bonjour !


En ce matin de jour férié, j'attends l'arrivée de mes collègues à la jardinerie, pour partager avec eux un petit déjeuner de fête.

Travailler les dimanches et jours fériés, dans une ambiance un peu festive et décontractée, travailler dans une équipe si agréable, entourée de gens de qualité, de jeunes colorés et de moins jeunes bienveillants, est une grande chance, je l'ai déjà dit ici. Je le confirme, et le répéterai encore.

J'ai cette chance là. La chance de gagner ma vie dans un milieu agréable et naturel, de rester près de nos racines, comme le dit notre annonce maison.

Les plantes, les arbres, les fleurs, les jardiniers amateurs venus ici pour se faire plaisir, tout ce petit environnement contribue à faire d'un travail un plaisir.
Je suis revenue ici aussi vite que je l'ai pu, après ma pause nécessaire. Je me doutais que j'y retrouverai le bien-être et la joie de vivre. Je ne me trompais pas.
Tous ces petits jeunes, ces moins jeunes, tout ce végétal, continue d'apaiser mes écorchures hérissées. Cet univers m'est un baume bienfaisant, et je remercie encore le sort ami de me l'avoir mis à portée.

Je vous disais comment je m'étais reposée à Rivière, à un moment où j'en avais le besoin.
Je remercie ici  ma famille de me l'avoir permis.
Mes proches ont pris ce relais d'un fardeau devenu trop lourd pour moi à ce moment.
Un fardeau traîné depuis de trop longues années, et dont le poids pourtant bien allégé cette dernière année devenait encore trop lourd à mes épaules fatiguées.

J'ai laissé le temps d'une semaine ma ferme et mon père derrière moi. Je les ai laissés dans des mains expertes et bienveillantes, allégeant une culpabilité impossible à museler d'un sens du devoir devenu tyrannique.
Nous sommes notre meilleur ennemi, parfois : ce qui nous tient fier et droit nous raidit et nous empoisonne, aussi.
Il faut de l'humilité pour se reconnaître fatigué. L'humilité, cette sagesse de voir ses limites, et de ne pas chercher à les dépasser. 
J'étais au bord, tout au bord d'un gouffre bien sombre. 
J'avais perdu la lumière et sa joie.
Les alarmes de ma vieille mécanique corporelle tintaient à tout va. Les signaux devenaient sirènes insupportables, et mes vertiges crispés en convulsions douloureuses me laissaient haletante et pantelante d'une souffrance remontée d'un seul coup au grand jour.
Il était temps.

A l'autre bout, mon grand mari m'a ouvert ses grands bras.
Je livre ici beaucoup de mon intimité, mais garde pudeur et réserve autour de notre mariage particulier. C'est notre univers à nous, notre jardin privé.
Mon grand mari vit à Rivière, dans les Landes.
Affolée comme une bête pourchassée par la meute hurlante nichée au fond de moi, j'ai accouru vers lui, me mettre à l'abri et trouver refuge.
J'ai demandé asile à mon homme, le temps de me retrouver.

Je vous raconte cette scène, elle en vaut la peine !

Partie comme on fuit, j'ai mis la matinée pour parcourir les 80 kms entre Hendaye et Rivière.
Quand je me sentais mal, je m'arrêtais sur le côté. Et je me suis sentie mal souvent...
Il était près de midi, quand je garai la voiture le long du portail de la maison.
Olivier travaillait ce jour là, la maison était vide.
Je mis beaucoup de temps encore à trouver la clef, et à ouvrir la porte, tremblante et maladroite.
Je m'assis sur le bord du canapé du salon tranquille, attendant dans le silence apaisant l'arrivée de mon mari.
Je l'avais prévenu en partant, il savait que je serai là.
Le seul vrombissement de la moto me fit sursauter comme si c'était un coup de canon dans la pièce même.
Je tremblais, comme en état de choc, incapable de maîtriser mon corps secoué.

Olivier entra dans la pièce, me vit là, misérable et prostrée.
Il m'ouvrit grand les bras, me serra contre lui.
Enfin, je pus relâcher en sanglots saccadés cette pression étouffante en moi.
Nous pleurions tous les deux, accrochés l'un à l'autre comme deux naufragés sur un radeau ballotté par une mer déchaînée.
Cela me fit du bien. Grand bien. Depuis bien longtemps, je ne savais plus pleurer, j'avais oublié le bien que ça fait.

Nous nous assîmes enfin, moi, toujours tremblante mais un peu calmée, lui, me tenant les mains, ses grands yeux noyés d'une impuissance à mieux me soulager, quand déjà il me faisait tant de bien, d'être juste là.
Désemparé de me voir si vulnérable, il me proposa, pour me calmer... une tisane !

- Une tisane, tu dis ? demandai-je, incrédule.

La situation me paraissait complètement anormale, et son offre sincèrement bienveillante, dérisoire en regard de l'agitation qui me secouait.
Un sourire me vint, un rire, presque, libérateur aussi, comme les larmes.

- Une tisane ? je crois qu'il me faudrait plutôt deux pleines seringues de Valium concentration maximale, oui !

J'avais retrouvé un peu de répartie, nous étions sauvés !

Toute la semaine, Olivier m'a veillée. Je me suis sentie mieux, de jour en jour. 
Je prenais des nouvelles de la ferme, mes frères prenaient des miennes, mon père me parlait tous les jours. Mes proches me soutenaient. 
Les rôles s'inversaient. Mon vieux père de presque 90 ans, si malade il y a quelques années, me demandait si j'avais mieux dormi, comment était le temps dans les Landes.  Il me rassurait sur les vaches dont Antton s'occupait. Antton n'a pas la fibre éleveuse. Pourtant, il a veillé lui aussi sur mes quatre belles, retrouvant qui sait ? un peu de goût à ses jeunes années...

Ça me faisait du bien de les entendre tous, de les savoir là-bas.
Ma jeune nièce assurait mon intérim de main de maître. "Oublie-nous, prends soin de toi" me disait-elle.
Les oublier, je ne le pouvais pas, et je ne le voulais pas, non plus. 
Prendre soin de moi, je le devais.

J'ai cette immense chance aussi, d'avoir un grand mari aimant.
D'avoir cette épaule solide où poser ma tête lassée.

Je me suis promenée dans les bois de Rivière, tous les jours, et longtemps. J'y ai fatigué ma hargne et mes pulsions mauvaises.
J'ai laissé ces grands arbres impassibles alléger mes crispations et apaiser mes écorchures vives.
Je me suis assise à leur pied. 
Ils m'ont accueillie dans le berceau de leurs racines rugueuses, comme on prend un tout petit enfant ou un chiot contre soi.
Je me suis sentie rassurée, là.
L'apaisement et le réconfort se sont tout doucement frayés un chemin en moi.
J'ai regardé l'eau tranquille des mares stagnantes, l'eau à peine plus vive des bords de l'Adour et les aigrettes volant à fleur.
La mer, c'est trop fort, quand on est si bousculé. L'écume déboule et les vagues emportent. Je n'ai jamais su nager, d'ailleurs, moi qui vit au plus près d'une si belle plage !

Une rivière calme, ça vous ramène au liquide tranquille du ventre maternel. 
L'ombrage des grands arbres, ça vous abrite de la lumière trop vive qui éblouit et blesse, quand on sort de la caverne sombre au moment de pousser un premier cri d'angoisse.

Mes peurs, je les ai trop longtemps muselées.
Elles me rattrapent maintenant. Je les écoute et je les rassure, une à une.

Ces quelques jours,  ce temps où l'affection et la fraternité m'ont réchauffée, ce temps où l'amour m'a été offert en partage et sans compter, resteront une parenthèse précieuse, une passerelle salutaire dans mon parcours de vie.

Je vais mieux, et je pense avoir pris la bonne direction, en route vers cette sérénité que j'ai bien failli perdre.
Vivre, c'est ça : risquer chaque minute, mais savoir savourer chaque seconde jusqu'à la dernière.
Libérer les petits chevaux sauvages qui nous trottent dans la tête, les apaiser quand ils s'emballent, mais les laisser courir, libres et vivants.

Je vais mieux.
Je dois maintenant apprivoiser mes passions dévorantes pour ne pas les laisser me consumer.
Apprivoiser une bête blessée et agressive, je crois savoir faire.
Apprendre, à mon âge, à modérer ce tempérament exalté. Vivre intensément, mais en bon équilibre...

Dans ce souci de juste mesure, je vous laisse ici pour aujourd'hui, profiter d'une journée magnifique.

A plus tard !








dimanche 21 mai 2017

DIMANCHE A RIVIERE


 
Bonjour !
 
Avec le mieux revient l'envie de partager quelques images de mon dimanche dans les Landes.
 
Begaar et sa belle église arrondie :




 
 
 
 


 
 
 




Une petite matinée bricolage,


 



 




 Le tour du cheptel maison de mon grand mari :
 

 








Pour les suiveurs fidèles, vous retrouvez ici Raymond, le pigeon bayonnais rescapé,
et les tortues d'Olivier !
Et oui ! J'ai mes vaches de compagnie, et lui, il a ses tortues.
A chacun son bétail...



 Pour finir la journée en beauté, une longue promenade dans les bois feuillus de Rivière.
Des paysages et des ombrages, de grands arbres sages. Des plans d'eau tranquilles et un silence accueillant.

Je m'y suis reposée quand il l'a fallu.
Je vous commenterai mes étapes au pied des chênes centenaires, plus tard...















 


 

 

vendredi 12 mai 2017

L'INSTINCT



Bonjour !















Et oui !
Depuis que mon monde est monde, et sans doute pour un bon moment encore, le soleil se lève à gauche de la pinède en mai, et le long flanc du Jaïzkibel étire son dos rond le long de la baie immobile.

Toutes les étapes de nos courtes vies se diluent dans un intemporel imperturbable.
L'instinct de sauvegarde, la force de vie, une fois encore a su écarter les ombres et laisser passer cette si belle lumière.

J'en savoure la chaleur et les reflets.
Ca fait du bien.

Dans mon souci nouveau de juste mesure et d'équilibre, je vous laisse là dessus pour aujourd'hui.
Régalez-vous, de votre côté, et accrochez-vous à ça, pour ceux qui sont dans la peine.







Mère-Rhune est là, elle aussi. Et, elle aussi, tout comme la lune s'arrondit chaque mois sans s'inquiéter de nos agitations, elle veille, me veille...

Bonne journée à tous !
Je vous donnerai plus tard des nouvelles des bêtes et d'ici.
Tout va bien, tellement bien, quand on sait retrouver ce goût de la joie simple à vivre...