vendredi 24 juin 2016

LA DÉTENTE



Bonjour à tous !







Ce flou artistique rend bien le brouillard bienvenu de ce matin, après la chaleur forte des trois derniers jours.
Un petit crachin ouaté, une fraîcheur comme un baume, une douce détente après la crispation.



La végétation a marqué le coup du trop grand soleil. Les fleurs et les plus jeunes pousses vulnérables se sont recroquevillées, toute traumatisées. Pour un peu, on les aurait entendues crépiter leur souffrance. "Kiskortu", disons-nous en basque. Ça rend bien phonétiquement cette impression de grillade chuintante, non ?

Ce matin, il ne faut pas espérer la résurrection de ce qui a a été trop affecté.
Les boutons et les feuilles irrémédiablement racornis finiront de sécher. Il en viendra de nouveaux...

Ma betterave, elle, tire bien son épingle du jeu. A la forte chaleur, elle a resserré les pores de son feuillage, pour garder sa vitalité sauve.
La "bruinette" si rafraîchissante de ce matin,  elle s'y ouvre largement, pour faire rouler les perles rondes jusqu'en son cœur protégé.
Une coriace, cette betterave... Encore un ou autre passage d'éclaircissage, et je me contenterai de surveiller une éventuelle attaque de pucerons ou de chenilles. Toujours possible, ça, et vite dévastateur !

Dans le grenier, mon couple d'hirondelle fait toilette sur les perchoirs de fortune.







 Samedi dernier, en rentrant de la jardinerie, j'ai trouvé un oisillon mal en point, tout près de la grande porte métallique. Il faisait bien mauvais, samedi dernier, souvenez-vous. Au petit matin, des hordes de pluie survoltées cinglaient de partout. C'était un déluge !
J'avais laissé ma porte fermée. Le couple d'hirondelle était à l'intérieur, surveillant le nid au dessus du projecteur :


Je ne percevais pas grand mouvement de ce côté là.
L'an dernier déjà, mes hirondelles avaient jeté hors du nid trois oisillons morts. Et deux en étaient sortis vivants, il me semble.
Mes deux hirondelles ne sont pas adeptes des familles nombreuses, sans doute.
Cette année, quelques œufs cassés,  puis, ce seul petit.
Je l'ai ramassé, et posé sur la balle de foin, pour le préserver de ma Bullou, acharnée à traquer la gente ailée, souvenez-vous.
En le regardant de près, j'ai bien noté quelques traces de mâchouillages sur les plumes malmenées. Aïe ! Ma Bullou avait du réceptionner le malheureux petit tombé du nid...
J'ai tâché d'inculquer à cette petite chienne assoiffée de chasse aux moineaux le respect de l'hirondelle sacrée. Je lui intime catégoriquement d'arrêter ses simagrées, quand elle court dans l'étable après les petits elfes agiles.
Elle m'écoute, l'oreille basse, déçue mais obéissante.
Evidemment, quand je ne suis pas là, je me doute bien des limites de mes enseignements assimilés avec si peu d'enthousiasme.
J'imagine que la petite hirondelle du grenier de cette année en a fait les frais...

La chienne a du saisir l'opportunité en suivant son penchant spontané. Puis, se rendant compte du sacrilège, abandonner l'oisillon au lieu de le manger, comme elle croque les moineaux attrapés.





Bullou est une petite chienne enjouée et fidèle à mon père.

Son penchant pour la traque au gibier ailé nous coûte bien quelques hirondelles, sans doute.
Mais comment lui faire comprendre la différence entre le moineau autorisé, et l'hirondelle protégée ?

Nous avons bien du mal nous-mêmes parfois à trier le convenable du condamné, alors...



Alors, comme le fait mon père, nous savourons la fraîcheur de ce petit matin, en regardant les vaches au pré, et n'allons pas chercher au delà une morale trop compliquée.

Bonne fin de semaine à vous, et profitez de ce bien-être retrouvé après ces jours trop ardents.

mercredi 22 juin 2016

VOUS LE VOULIEZ ? VOUS L'AVEZ !



Bonjour !







Nous nous plaignions de ces journées grises et froides.
Bien... 
Deux jours de grand beau temps n'ont pas encore passé, et déjà, nous nous plaindrions des ardeurs de l'astre solaire revenu en force dans notre ciel :







Là, pour le coup, pour un qui se faisait prier, il est revenu, le grand bougre !

Le petit jour l'annonce clairement ! La journée sera ensoleillée.
Et à ce moment de l'année, ça signifie de longues heures ardentes et flamboyantes.

La température monte vite... et haut!

Nous grelottions tristement il y a peu, nous suffoquons presque maintenant !

Pas trop de juste mesure, quoi, là non plus...

















Nous sommes à ces jours les plus longs de l'année.
Le soleil à peine levé cueille avec gourmandise la brume étirée sur Fontarrabie.
Mon petit bouquet naïf, oeuvre d'une mienne nièce, accroché sur un pan de mur jamais touché par le rayon solaire le restant de l'année,  s'illumine à cette lueur inédite et fugace.

Le mitan de notre année, le jour le plus long, ou à peu près.

Par ces chaleurs un peu rudes à nos vieilles carcasses vite inquiétées, nous prenons nos dispositions estivales. Les tâches extérieures sont  regroupées aux heures les plus fraîches, autant que faire se peut.
Bêtes et gens se remisent vite ensuite dedans, où la pénombre des vieux murs épais préserve une certaine fraîcheur.

Mes vaches ne s'y trompent pas. Je les libère dans le pré pour la nuit. Au matin, elles viennent manger leur portion. Un petit tour dans l'herbe encore mouillée de rosée, et les voilà revenues dans l'étable.







Mon aire de stabulation libre me donne toute satisfaction.
Je la prévoyais davantage pour mettre les bêtes à l'abri, les jours de mauvais temps.
Par les averses drues de la fin de semaine dernière, par exemple, j'avais dans l'idée que mes belles seraient bien contentes de rentrer se préserver des trombes d'eau crépitant sur leur dos.
Que nenni ! Elles sont restées à  la pluie, broutant avec concentration. Au plus fort des averses, elles ont à peine daigné s'approcher du couvert des arbres en bordure du champ.
Ça alors, me suis-je dit, ne seraient-elles pas mieux gentiment couchées sur la paille sèche, à regarder au dehors la pluie tomber ?
Et bien non ! Elles ont dédaigné totalement ma belle installation... 
J'en étais toute marrie.

Là, par contre, aux heures chaudes du jour, elles viennent à l'ombre fraîche, et s'installent pour une pause durable. Les hauts d'Agorreta bénéficient pourtant d'une brise agréable. Le pré est même ombragé sur tout le côté. En dehors des quelques jours comme celui-ci où, en effet, la chaleur pèse un peu, la température paraît tout à fait supportable, dans le champ.
Et bien non, mes vaches aiment à rentrer faire une sieste à l'étable, avant de s'en retourner brouter. Et pourquoi pas ?
Encore une fois, mes prévisions se sont avérées erronées.

Ma foi, le tout, c'est que mes vaches y trouvent au mieux leur compte.
Et là, à les voir bien tranquilles, je goûte par procuration une saine satisfaction.

On prévoit, on présume, on se trompe.
On ne se décourage pas. Et on est finalement mieux reçu, là où l'on ne s'y attendait pas !

Qu'importe mes calculs savants et leurs conclusions justes ou pas. La satisfaction se cueille comme la lumière sur mon bouquet : quand elle veut bien se présenter !

Restez à l'ombre vous aussi si vous le pouvez, et goûtez les joies comme elles viennent, et d'où qu'elles arrivent !

dimanche 19 juin 2016

RETOUR AUX BASIQUES



Bonjour !

Après ces torrents de pluie rageuse des jours derniers, le calme semble pouvoir revenir sur nous.
Et en nous. Alléluia !
Quelle chose déstabilisante que le mauvais temps du mois de juin !
Quelques jours meilleurs nous sont promis. Ne boudons pas cette chance.
Et pardonnons aux éléments les caprices d'humeurs que nous nous autorisons avec tant de "fate" complaisance...

Ce dimanche matin à Agorreta, les augures semblaient paisibles :




Mère-Rhune encapuchonnée attend placidement ce soleil rare.







Rien d'alarmant du côté potager.  Mes petits rangs de fourragères résistent vaillamment aux aléas contraires.
Le terrain caillouteux offre cet avantage de drainer l'eau autour des collets.
Il en faudrait beaucoup pour provoquer une asphyxie très dommageable. A la faveur du prochain soleil, puisque nous voulons y croire !, les plantules s'épanouiront victorieusement.
J'ai, vendredi, juste avant la grosse pluie passé un coup de "rotavator" entre les rangs.


Vous vous souvenez ? Ce terrible "RRotavatorr" attelé à Ttiki-haundi la valeureuse.
L'engin est imposant, vénérable et lourd.
Une mécanique solide, même si les années ont sérieusement malmené la vieille carcasse.
Les dents incurvés sont usées. Les patins de traînage un peu déportés. Le couvercle cabossé.
Qu'à cela ne tienne !
Ce n'est pas la première ni la dernière machine en fin de course à Agorreta. Et, tant qu'elle demeure opérante, nous l'utilisons ! Quelques réparations de fortune de temps à autre, pour pallier  une détérioration rédhibitoire, et c'est reparti !
Je manie cet équipage moi-même depuis peu. 
Moi, c'est plutôt l'outil à main que je pratique :

Ma fidèle "antxur", principalement.




C'est une activité très paisible et reposante, le sarclage manuel, à l'antxur, comprenez binette, en basque.
J'aime bien. Les petits coups scandent régulièrement le silence. L'outil est léger. Il prête appui quand on veut se reposer un peu, au bout du rang terminé.
Mais l'outil est petit, quand le champ paraît grand...
Et moi, je cultive maintenant une ronde fainéantise. 
Résignée à ne pas la combattre, je prévois des alternatives à mes travaux de longue haleine.
Je garde "antxur" pour les ouvrages en finesse, éclaircissage, buttage, et autres désherbages rapprochés.
Pour le reste, j'ai finement calculé cette année l'écartement de mes rangs. Ttiki-Haundi et son Rotavator peuvent œuvrer à l'aise entre deux alignements de courges, de façon à éliminer aisément et rondement toutes les adventices indésirables.
Quel confort, quelle rapidité efficace !
Evidemment, il faut oublier le silence et son apaisement. Prévoir de porter un casque insonorisant. La machine oeuvre, mais le fait savoir, à qui veut l'entendre, et, surtout, ne peut pas faire autrement...

Tout de même, en faisant le compte bénéfice-désagrément, je n'ai pas hésité une seconde, cette année.
J'utilise la grosse mécanique pour m'éviter de la peine à l'ouvrage. Et consacre le temps et l'énergie ainsi épargnés à peaufiner le travail.
Je ne suis pas particulièrement adroite aux maniements mécaniques. 
Il y en aurait même pour dire que j'y suis aussi manche qu'une charrette à fumier ! 
C'est une expression d'ici, ça, "ongarri arkera  baino aldrebeso", plus maladroit qu'une charrette à fumier, donc. Ne me demandez pas pourquoi une charrette à fumier serait spécialement maladroite, je n'en sais rien. 
Je perpétue seulement ici une coquetterie de langage. Amusante à l'oreille, à défaut de paraître pertinente à l'entendement...

Je me suis fait expliquer le maniement de l'engin.
Il y faut un peu de concentration, sans qu'il n'y paraisse !
Actionner la prise de force pour enclencher la rotation des lames nécessite de s'assurer que le lourd engin est bien en place, descendu près du sol pour ne pas détériorer le cardan.
La dite prise de force se débraye au moyen d'un levier un peu dur à tirer. Une manette secondaire assure le blocage en sécurité.
Il faut adapter la vitesse d'avancement, le régime moteur. Ne pas virer sans soulever, mais pas trop, toujours le cardan, pour ne pas faire forcer les patins de portage.
Ah... on ne s'imagine pas, comme ça, tout ce que ça demande, comme synchronisation. 
Je me concentre, je mentalise, je bloque la respiration en bout de rang. Je ne voudrais être responsable de la dégradation irrémédiable de cette mécanique usée. 
Dans la ligne droite, bien positionnée entre les rangs, je souffle un peu, sans trop me distraire tout de même. Un léger écart et hop ! adieu ma rangée... "rotavatorée-broyée" ! Quel dommage ce serait...
Jusqu'ici, pas de dégâts majeurs, Dieu merci !

Attelé en permanence à Ttiki-Haundi, Rotavator reste opérant 24 heures sur 24, si besoin. Et besoin n'est pas, mais bon !
Je vous l'ai dit, je suis devenue fainéante.
En principe, dans une ferme, on prévoit un tracteur, pour pouvoir utiliser divers matériels. On attelle, on dételle. C'est prévu pour.
Seulement, atteler, dételer, je vois bien faire. Sur les tracteurs modernes, ça se ferait presque depuis la cabine, en actionnant à distance vérins, crochets, et autres mécanismes d'amarrage.
A Agorreta, les tracteurs sont antiques. Les systèmes, grippés, souvent, et exigeants toujours.
Il faut tirer, tourner, forcer. Pour ce que j'en vois. 
A chaque fois que j'ai du dételer ma bennette par exemple, j'ai du m'armer d'une masse, et d'une barre à mine. Des outils qui parlent vite de brutalité, n'est-ce pas ?
Pour le coup, mon penchant étant plutôt à la facilité, et plus encore maintenant, nous avons opté pour un attelage plus pérenne.
Chaque tracteur est pratiquement dédié à son outil.


TTiki-Haundi à Rotavator, depuis ses humeurs mauvaises au démarrage dans l'étable en hiver 2015. Reportez-vous à l'époque, vous comprendrez.

Karraro de Mizel, le redoutable, à la bennette à fumier. 

Pour la fourche à foin, Xérès, le confident protecteur de Ttiki-Haundi dans le hangar :




Ainsi, mes basiques sont assurés. Je change de monture pour utiliser les différents équipages, et tout se passe au mieux dans le meilleur des mondes.
Mes frères se chargent des travaux épisodiques. Ils ont la prérogative de ces tâches dont je délègue avec joie l'exécution.

Pour en revenir à ce matin,  démarré dans un silence paisible, voyez par exemple ici Zétor et Girobroyor son petit monstre :










C'est le tracteur dédié aux travaux de force. 
Mes quelques vaches de compagnie pâturent le champ selon leurs envies. Elles abandonnent les touffes moins appétentes. Le pré devient hirsute de ces vilaines gerbes pailleuses.
Pour redonner une pousse homogène à l'ensemble, il faut égaliser tout ça, comme chez le coiffeur.
Mon frère intervient avec son engin, une ou deux fois par an. Les vaches ne s'inquiètent pas de cette compagnie. Elles vont même brouter l'herbe broyée derrière le rouleau, comme une gourmandise. Sans s'émouvoir du fracas assourdissant de l'ensemble.

Ainsi, le champ redeviendra avenant à ces dames difficiles et trop gâtées.





 Mon frère s'en donne à cœur-joie,  avec son Zétor !

Il nettoie nos abords, donnant à Agorreta un petit air de parc, n'est-ce pas ?
Chacun sa partie. Chacun son outil.

Et mes quelques vaches seront bien gardées...

Bon dimanche à vous ! A une autre fois, pour les chroniques d'Agorreta !









mercredi 15 juin 2016

PSYCHANALISTIC



Bonjour !






La lumière de ces jours-ci est comme ma recherche du moment : nébuleuse...

Les lueurs se laissent entrapercevoir, et disparaissent derrière les amas opaques.
Les trouées sont bien là, mouvantes et fugaces.
Elles promettent mais ont du mal à tenir.

Comme mes investigations patientes et par moment découragées.

Je remets pourtant mon métier sur l'ouvrage, patiemment, bien décidée à poursuivre.
Quel intérêt, me direz-vous ? 
A part celui de flatter ton ego démesuré ?
Crois-tu donc que tes petits tourments intérieurs méritent que l'on s'y attarde ?
Soit ! Vous, sans doute avez-vous mieux à faire, et je ne vous en veux pas de détourner votre attention ailleurs.
Moi, par ces jours mouillés où le terrain détrempé prohibe mes travaux extérieurs, je suis disponible pour ces amusements.
Je comprends qu'ils puissent paraître insipides. Je suis d'ailleurs moi-même parfois lectrice ennuyée de moi-même, c'est pour dire !
Pourtant, cet étalage de mots vidés comme des billes d'un sac retourné, je reste persuadée de la valeur de sa spontanéité désordonnée.
J'écris ces mots comme ils me viennent, sans y chercher une logique particulière ou un sens précis.. 
Je ne trouve pas toujours le bon, mot, et mes idées transcrites sur le papier ne ressemblent pas à ce qu'elles promettaient.
Elles restent ombrées comme la lueur solaire du matin. 
Pourtant, dans le tas, quelques éclats se détachent, semblent plus justes et pertinents.
En plus du plaisir tout simple d'aligner des mots en cadence agréable, je retrouve à la relecture l'impression gratifiante d'avoir saisi comme il faut l'impalpable et fugace lueur.
Une petite satisfaction, dont je ne veux pas me priver. Même si ma tentative peut faire hausser les épaules, y compris les miennes.
Mon seul plaisir d'écrire est suffisant à mes yeux. Si en plus, j'en retire un ou autre éclaircissement profitable, et bien, tant mieux ! n'est-ce pas ?

A la limite, puisque vous et moi nous sommes faits du même bois, puisque vos joies et vos tourments sont sûrement cousins des miens, peut-être trouverez-vous dans ce fatras de quoi éclairer une ou autre ombre ?
Notre ego, nos affects, voyez comme je m'approprie sans vergogne ces termes à la mode, sont ces petits diables effrontés si difficiles à dompter.
Ils nous racontent des salades et nous mènent en bateau. Ils nous représentent des tableaux tronqués et maquillés. 
C'est ceux-là que je voudrais écarter, pour mieux voir ce qu'il y a derrière. Cette vérité personnelle qui ouvre le seul chemin vers ma sérénité tant recherchée, et ces temps-ci malmenée.

L'ordonnancement de tous ces matériaux livrés en désordre prendra du temps, sans doute : j'en ai !
Surtout, cet inconfort pressenti depuis deux ans, en phase ascendante et aiguë sur ce printemps, je voudrais tenter de le lever. 
Ca paraît naturel de vouloir écarter ce qui gêne, n'est-ce pas ? Légitime d'essayer de comprendre le mécanisme qui vous a mené là. De déverrouiller les blocages, dégripper les engrenages.
Je veux retrouver une fluidité. Et pour ça, je dois localiser et défaire les nœuds qui me crispent.
Cette tentative toute personnelle, intime, je la livre ici, sans réserve. Un temps, j'aurais dit sans décence. Quand le petit démon orgueilleux et sournois vous commandant de vous méfier du regard des autres sur vous me muselait mieux qu'il ne le fait maintenant.
Quand cet autre diable vous assurait qu'il faut corseter son personnage, ne pas en laisser voir les failles, pour que personne n'y vienne y faire son nid, et vous enlever cet espace.
J'ai quand même appris depuis que les autres ne sont pas ennemis. Que ce qui vous tourmente les atteint aussi, différemment ou pas.
Qu'il ne sert à rien de faire taire ses émotions. Que les doutes tus dévastent bien davantage que l'aveu d'une faiblesse sincère.
Je n'ai pas le sentiment de me mettre en danger quand je me livre. J'ai au contraire la sensation de m'alléger, de faire de la place pour mieux avancer.
Je dois mettre de l'ordre dans mon petit grenier intérieur.
Le moment est arrivé, je le sens. Ce temps du bilan, où les pièces posées à plat en désordre, dessineront un puzzle cohérent, si l'on prend la peine de les assembler avec bienveillance.

Les désordres physiques parlent d'autre chose.
Outre les éléments matériels purs et durs, ils signifient dans la perception que l'on en a, davantage qu'ils ne montrent au premier coup d’œil.
Ma petite affection d'oreille s'est manifestée clairement il y a deux ans maintenant.
Je l'ai sentie pointer le bout de son nez bien avant, au moment de la maladie de mon père.
Nous sommes génétiquement affligés dans la famille de cette tare. Notre mécanisme acoustique laisse à désirer. Entre cristaux anarchiques et vésicules asynchrones, notre oreille sinistrée défaille complètement, et nous envoie des signaux contraires au maintien du bon équilibre et de la perception adéquate.
Cette maudite oreille tinte, sonne et vrombit, troublant notre perception du monde sonore.
Elle compromet tant et si bien la chose que nous en avons des vertiges, vacillons, et tombons, même, parfois, lamentablement. Quelques heures et vomissements plus tard, le monde nous redevient accessible, jusqu'à la prochaine crise.
C'est bien pénible, au demeurant, mais pas insurmontable.
Le phénomène est bien mécanique, et ce dysfonctionnement relève de l'organique.

Pourtant, moi, je me suis sentie aussi vaciller dans mes certitudes. J'y ai perdu ma belle assurance passée. Le dysfonctionnement m'a touchée en mon être profond.
Tout est chimie nous dit-on. Ce que l'on croit être notre création propre, notre libre pensée et propre ressenti, ne serait qu'affaires de molécules. Notre esprit ne serait que petite fiole où il suffit de rectifier un ou autre dosage pour que le mélange ne monte pas en température, ni ne refroidisse trop en gelée molle.
Je veux bien entendre que beaucoup de choses relèvent de la science pure. Que nous sommes gouvernés par de la matière dure, ou fluide. Pourquoi pas ?
J'admets, fort bien, j'admets, s'il le faut. Mais garde un doute, un espoir ? d'être autre chose que cette seule matière. De la présomption et de l'orgueil peut-être. Une croyance, quoi...

Je ne manque pas je l'espère de bon sens. Et me plie raisonnablement aux diktats de mon corps physique.
J'ai dépassé la cinquantaine, je n'ai plus vingt ans.
Tout comme, je suis petite, solidement charpentée et génétiquement programmée.
A ce propos, un peu hors de champ mais pas trop, il me revient la remarque cinglante d'un énergumène énervé invectivant mon frère aîné. Lui aussi, ramassé sur une silhouette râblée :

   - Por qué nos haces tu un metro oxenta, hé ?
   - Pourquoi ne mesures-tu pas un mètre quatre-vingt, toi ?

Il savait où appuyer, le bougre ! Ces petites remarques blessantes qui pincent l'amour-propre viennent souvent fleurir les disputes stériles. Ca ne fait sûrement pas avancer le débat, mais bon, ça permet une respiration...
Il était là question de la fatalité de l'existence, des aléas contre lesquels il serait inutile de se rebeller.

Ceci comme illustration d'une réalité à admettre, sans chercher midi à quatorze heures.
Certains basiques ne se dématérialisent pas. Il faut les prendre comme ils vous viennent, et disserter autour du mieux que l'on peut.

Pourtant, sur cette base là, tout notre ressenti peut s'ébattre largement.
Le même dysfonctionnement de l'oreille interne, est perçu de façon bien différente, suivant l'individu, le moment, le cas.
Mes vésicules défaillantes l'étaient déjà avant. Elles se sont fait remarquer au moment où j'y devenais vulnérable. Et elles continuent de scander les épisodes moins positifs, depuis.
Cette virose mauvaise n'a pas attaqué au débotté. Elle a attendu son heure, ce créneau où mes défenses battaient de l'aile, la sournoise !

Au delà de l'organique, de la logique et du mathématique, tout un faisceau sensitif et émotionnel intervient.
Dans mon ressenti, les petits diables se font la part belle.

Je suis comme vous. Je n'aime pas me sentir inconfortable. Je me souviens bien de ma forme d'avant, de cette énergie et de cet allant. C'est la comparaison avec mon atonie de maintenant qui me rend cette apathie plus pénible encore.
Le temps estompe sûrement ce souvenir d'une époque glorieuse. On se souvient moins bien au fur et à mesure que l'on s'éloigne.
On vieillit et on avance vers sa fin en déclinant gentiment. La courbe est sans heurt, marque l'ascension, l'apogée et la descente. Histoire d'amener la chute finale en douceur, ou presque...
On quitte plus facilement sans doute une vie moins éclatante, moins séduisante, un peu ternie. Cela paraît juste, presque bien.

Sans vouloir m'épuiser à une lutte perdue d'avance, sans prétendre remonter le cours du temps à l'envers vers ma jeunesse et sa fougue perdues, je veux tout de même essayer de limiter les dégâts !
Tenter de rendre les choses plus fluides et plus faciles.
Mes malaises, physiques et psychiques, m'incommodent.
Je veux en identifier au mieux la cause, y remédier dans la mesure du possible.
Pour la partie "organique", mon mode de vie raisonnable ne me permet pas d'espérer améliorer beaucoup les choses.
C'est le volet en arrière-plan que je dois travailler mieux.

Comprendre où ça grippe, et pourquoi.
Décrypter dans mes réactions les voies de progrès. 
J'ai remarqué souvent combien les "sur-réactions" sont révélatrices. On répond bien plus haut que la question posée. Le stimulus concerné paraît difficilement expliquer la réaction soulevée. Il y a là souvent matière à éclairer une zone d'ombre. J'y suis attentive, comme à un indice important.
Une espèce d'enquête à mener.

Je m'y penche. J'entrevois. Je flaire.

Quand un veau mort-né,  une vache menée à l'abattoir, remuent une sensibilité pourtant à peine ébranlée en entendant que dans le monde on abat des hommes comme on fait tomber des quilles, il y a là quelque chose d'étrange, je crois. D'irraisonnable. 
C'est une réaction bien répandue de s'émouvoir d'une infime souffrance dans son cercle intime, et de rester quasiment de marbre quand l'horreur frappe loin.
Là, je perçois en dehors de cet égoïsme incontestable, une résonance intéressante :
je perçois une passerelle entre cette façon de décider de la vie et de la mort d'une bête, cette appréhension exagérée au moment des naissances, et mon parcours de femme.
Quel raccourci grossier et stupide, peut-être !
Et peut-être pas tant que ça...

Comme toutes les femmes sans enfant, j'ai plus d'une fois perçu le blanc après ma réponse négative à la question : vous avez des enfants ?
Non, je n'ai pas eu d'enfant. Rares sont ceux qui demandent : pourquoi ? Et pourtant, dans  ce silence, on entend cette interrogation là. Du moins, moi, elle me parait naturelle. Et le fait de la museler rend ma situation suspecte.
Une femme, naturellement, doit donner la vie, la porter et la transmettre. La stérilité, voulue, choisie ou subie, assumée ou pas, n'est pas la norme.
Comme elle la reçoit, une femme est en charge de donner la vie. Un rôle à tenir, un relais à assurer, pour la survivance de l'espèce. 
Dans une famille, le maillon de la chaîne brisée pend en souffrance. Laisse un vide, une place béante.
Au terme de sa phase "reproductive" la femme épanouie en mère se sent acquittée. Elle a participé, elle a transmis. Je l'imagine ainsi, sans savoir, évidemment...
Moi, je n'ai pas donné vie, et je distribue plutôt la mort, ces temps-ci

Sans être spécialement tourmentée, j'imagine que cette stérilité, même choisie, consciemment du moins, ne se tient pas sagement à sa place en se laissant museler.
La culpabilité, justifiée ou pas, montre le vilain bout de son nez, à un moment ou à un autre. Et je me demande si ce moment là, pour moi, n'est pas arrivé.
Soit, s'il le faut, je veux bien me pencher sur la question, et admettre que le rôle de mère ne m'a jamais trop tentée. Et alors ? Il y a de par le monde suffisamment d'élan reproducteur pour qu'on puisse se passer de ma contribution, non ?
Même, en grossissant le trait, on peut même regretter certaines  naissances, puisque ailleurs, on sanctionne encore de mort certains criminels. Eux aussi sont nés, un jour, d'une mère, sans doute !  
Non, je ne me sens pas coupable de ne pas avoir rendu la vie reçue. Redevable ?  Peut-être ?  
Ai-je eu le sentiment de m'exonérer de cette dette en me mettant au service de mes vieux parents malades ? 
Mon père maintenant n'a plus besoin de soins particuliers. Me prive-t-il de ce sentiment ?
Est-ce le vide pressenti derrière moi qui me donne ce vertige et cette nausée ?
Derrière cette absence d'élan maternel, y-a-t-il quelque chose à creuser ? Ouh là, là, ça va loin, tout ça...

Je ne sais pas trop. Toute cette bouillie me paraît opaque. 
J'explore, simplement, j'explore. J'examine sans comprendre encore.

Tu n'as donc rien de mieux à faire, pauvre fille ?
Non, rien de bien pressant, je vous l'ai dit, pas ces jours mouillés...

Si la grâce m'est donnée de vivre de vieux jours apaisés, je relirais ces pages avec gratitude, je crois. Me disant : Boudiou ! comme j'étais bête en ce temps là, à me triturer le neurone pour rien !
Au moins, s'il n'en sort rien de plus, y aura-t-il ce bénéfice là...

Je ne pense pas poursuivre longtemps avec assiduité dans la voie de cette recherche. Sans meilleur résultat ! Elle m'ennuie un peu déjà. 
Par désœuvrement,  j'ai  soulevé des vieux tas de poussière. Pensant qu'elle pouvait recouvrir quelque chose.
Comme dans ces livres où une patiente investigation lève en deux déclics les pans du voile.
Ne serait-ce que littérature, là encore ?

Bah ! Ma mise en oeuvre n'est pas une grande affaire. Et, pour ce que j'y mets, le peu que j'en retiens n'est déjà pas si mal...
Quand ça me reprendra, je m'y remettrai encore. A ma psychanalyse de bazar...

A une autre fois, pour ces chroniques plus terre à terre où je retrouve pied ferme !










lundi 13 juin 2016

IL NE FALLAIT PAS LE RATER !




Bonjour, suiveurs des nouvelles d'Agorreta !




Inutile de tenter de vous montrer Mère-Rhune ce matin. On ne voit rien de mieux que ces nuées fermées.
Il tombe une pluie légère et silencieuse. Idéale pour faire fondre l'engrais dispensé sur mes petites cultures démarrées.
De furieuses bouffées venteuses secouent rageusement l'ambiance. Pas vraiment un temps de belle saison !
Heureux celui qui par ces journées mouillées a son foin rentré !
Il ne fallait pas rater ce petit créneau de quelques jours de la semaine passée !

Pour les retardataires, l'herbe haute ne va pas tarder à ployer sur les tiges creusées. Les épis vont se vider. Le fourrage sera de bien moins bonne qualité. 
Ma foi, si je voulais plomber le moral du paysan au fourrage encore sur pied, je ne m'y prendrais pas autrement...
Ainsi va la vie du paysan : le moment venu, il ne faut pas le laisser passer !

Sans grand risque de se tromper, on peut élargir le champ d'action de cette sage maxime, n'est-ce-pas ?

Je vais tâcher aujourd'hui de verbaliser les menues turbulences des derniers jours, à Agorreta.
Je me suis sentie un peu bousculée. J'ai du décider en précipitation, des choses pour moi pénibles, toujours. Mais bon.

Vous l'aurez compris, nous parlons encore de mes vaches...
Du moins, à travers mes vaches, plus généralement, de ma préemption d'une réalité floutée par un élan émotif exacerbé pour moi en cette période.

Toute la gente féminine autour de la cinquantaine comprendra immédiatement de quoi il est question. Pour les plus jeunes, il sera toujours temps d'aviser le moment venu, qu'elles ne s'en inquiètent pas prématurément...
Pour nos homologues masculins, s'ils ignorent le phénomène, par procuration au moins, et bien, qu'ils connaissent longtemps la grâce de ne pas y être confrontés !

On parle souvent pour les hommes du démon de midi. Et on les tient pour coupables de se laisser ainsi gouverner par leurs hormones exigeantes.
Sans vouloir les dédouaner tout à fait de ce penchant regrettable, parfois, j'admets pour eux des circonstances atténuantes. En la personnalité déstabilisante de leurs partenaires, épouses ou compagnes, affligées de cet âge au même moment.
Rien de plus difficile à supporter qu'une femme de cinquante ans ! Pour les autres, et pour elle-même...
Que les féministes ne me tiennent pas grief de ce constat. Je n'engage que moi. Et toutes ces malheureuses qui m'ont partagé leur ressenti, malheureusement parent du mien.

La femme de cinquante ans se débat dans les tourments émotionnels de ses hormones en plein chamboulement. Elle y perd ses nerfs, son énergie et devient moins avenante, assurément.
On peut toujours tricher avec le temps et maquiller les circonstances artificiellement. On peut...
Mais, tôt ou tard, la réalité vous rattrape au tournant et vous jette à la face l'inanité de vos simagrées.
Alors... alors moi, j'essaie, tant bien que mal, de garder la tête hors de l'eau dans ce flot bouillonnant et contraire.
Je vous avoue ne pas toujours y arriver. Mais, je vous l'assure, j'essaie !

Les petits démons émotionnels lâchés à tous vents s'en donnent à cœur joie,  dans ce tumulte exaspéré. Voyez-les gambader, sautiller et rire, ces petits diables libérés et contents !
Difficile de les canaliser, de les garder sous le seuil de débordement. Ils grimacent et ricanent sardoniquement, s'encourageant les uns les autres à outrepasser les limites.
La raison appelée à la rescousse a fort à faire. Sa voix porte mal et se fatigue vite dans le brouhaha confus où elle se perd.

J'essaie, je dis bien j'essaie, de lui maintenir bonne place et presse raisonnable, à cette pauvre raison malmenée.
J'envisage les choses en tâchant de les tenir à distance. Je pose des postulats mathématiques en tentant de refroidir les braises rougeoyantes de mes affects turbulents.

Pour l'affaire de ces derniers jours, j'ai bien du mal, c'est vrai. Pourtant, il va bien falloir remettre les petits diables dans leurs boîtes, et refermer sur eux le couvercle.

Je vous explique le cas. Posément, avec froideur, presque, à dessein, comme par nécessité.

Il s'agit de Pollita et de son Xokorro de petit :




Là, ce n'est déjà pas gagné ! 
De les voir me serre les entrailles. Ce n'est pas du sadisme contre moi-même, un peu quand-même...

J'ai choisi de voir dans mon micro-élevage l'illustration de la vie. Je m'appuie sur mes vaches pour comprendre le sens des choses, sans perdre de vue les réalités, douces ou dures.
Xokorro est né mâle. Son destin ne pouvait pas le mener bien loin. Sans race, il ne pouvait prétendre qu'à quelques mois de vie saine et paisible à Agorreta. Pour la suite, je l'imaginais partir en "broutard", sur les larges plaines italiennes. Il serait devenu un rustique taurillon de deux ou trois ans, pour finir évidemment sur les étals de boucherie.
Une de ces réalités un peu rude, mais incontournable.

Sa mère, ma royale Pollita, elle, je pensais la garder, longtemps encore. Elle était parfaite et aurait pu donner naissance à de nombreux veaux, encore.
Je voyais cette configuration là, fluide et claire, jusqu'à tout dernièrement.

Il y a eu Avril, le vêlage mauvais de Fauvette, Petit-Breton rejeté. Ces deux là emmenés loin d'ici, en me laissant déçue et désemparée. Si ça vous intrigue, voyez plus haut, au début du mois d'avril.




Bigoudi et sa mignonne Agatte paraissaient pouvoir éclairer cette ombre.

Je le voulais.

Le fait est, la vue de ces deux-là est plaisante et positive à souhait.

Je me remettais de déceptions. Tout n'était pas mauvais, allez ! 






Je sentais cet équilibre précaire et facile à mettre à mal.
Bigoudi produit du lait en quantité. La jeune Agatte ne vide que la moitié de ce pis gonflé.
Tous les soirs, à la rentrée, je vide consciencieusement les mamelles de ma blanche tachetée.  Elle ne se montre pas très coopérative. C'est un exercice un peu acrobatique. Tout de même, en évitant quelques coups de sabots, j'arrive à aplatir ce pis productif.
J'attends avec impatience le moment où la petite aura suffisamment d'appétit pour m'épargner cet épisode quotidien. Nous n'y sommes pas encore...

A l'autre bout de l'étable, Pollita et Xokorro sont une paire parfaitement autonomes.  Je me contente de vérifier la souplesse des mamelles de la grande, et de flatter le petit en lui parcourant l'échine de mes doigts repliés. Un moment agréable.
J'en parle encore au présent !

Dimanche matin, Marcel, notre maquignon maison, (là, il faut remonter à Agorreta et la vache de Madonna, un peu loin dans le temps), survient.
Je lui avais parlé de Xokorro, à enlever d'après moi en fin d'été.
L'homme de métier me presse d'avancer mon projet. Le marché sera à ce moment saturé, mon petit mâle sans race restera sur le quai. Là, justement, il a des opportunités, et mon Xokorro trouverait à s'établir. Ah, bon...
J'ai noté déjà qu'à chaque fois que j'avais une bête à vendre, quelle qu'elle soit, le "marché" à ce moment là, m'était défavorable.
Par contre, si dans mes intentions il y avait à faire un achat, là, la bête convoitée devenait rareté, à payer au prix fort, bien-sûr !
Tactique professionnelle ? Réflexe de négociant matois ? J'en nourris le soupçon.
Toutefois, me représentant mon Xokorro devenu grandet, impossible à caser, je préférai ne pas prendre le risque de me le garder sur les bras.
Evidemment, en dernière extrémité, je pouvais toujours me résoudre à le faire tuer moi-même, et à le partager pour le faire manger.
Faisable, mais, dans mon état émotionnel aigu-ravagé, pénible à envisager.
Je vous le dis, ces temps-ci, tout ce qui jusque là ne me posait pas plus de problème que ça devient insoluble. Une vraie calamité !

D'un autre côté, mon élevage maintenant est purement de l'ordre du loisir. Je ne recherche ni performance économique, ni productivité, encore moins rentabilité. En gardant à l'esprit de couvrir les frais engagés, je ne veux pas pour autant m'asservir à des choses qui ne me plaisent pas.
Mener mon Xokorro jusque sous le couteau du boucher, si besoin, je le fais. Si je peux, je préfère l'éviter. Mes bêtes finissent abattues, je le sais. Mais hors de ma vue, généralement.

Pressée de décider, je pris dans l'instant l'option proposée. Xokorro partirait.
Mais alors, et Pollita ? Que faire de son lait ? Lui faire adopter un second petit, après mon expérience malheureuse avec Fauvette, ne me tentait pas. Et puis, ce petit, qu'en faire après ? Je ne suis pas dans l'optique d'agrandir mon cheptel, au contraire. 
La traire et la tarir progressivement, en plus de Bigoudi, je ne me le sentais pas beaucoup mieux.
Repartir sur une insémination et un futur vêlage, le tableau de Fauvette, encore une fois, me freinait.
Je vous le dis, ce printemps 2016 est pour moi un tournant. Les choses me paraissent difficiles et risquées, quand avant je les voyais naturelles et logiques.

Vaincue d'une fatigue subite, j'abdiquai. J'abandonnai ma Pollita à son sort.
Je confiai à Marcel le soin de lui retrouver un potentiel repreneur.
En sachant pertinemment que les chances d'en trouver un étaient bien minces.

L'affaire fut conclue rondement. La bétaillère chargea les deux bêtes à midi.
Un moment que je n'aime pas, là encore. 

Je me sens mal d'être devenue ce que je sens là. Et pourtant, je suis effectivement devenue cette femme là, vite découragée et facilement "renonçante". Rattrapée par des culpabilités qui relèvent la tête.
Quel dommage ! Moi si combative jusque là.

J'entretiens l'espoir de retrouver un peu d'allant, plus tard. Comme je m'aveugle, pour m'alléger, de la perspective d'une longue carrière ailleurs de mes bêtes sacrifiées.
Des bêtes, il s'en tue tous les jours, aussi braves et belles que les miennes.
Mais celles-ci, j'en suis responsable. Et, ces temps derniers, je me montre incapable de mener à bien ce que j'entreprends.
Je trahis mes propres serments, moi si attachée à la parole donnée.

Quelle sale époque !
Je n'admets pas sans mal ma faiblesse. Je n'en fais pas l'aveu sans difficulté.
Mes confidences pathétiques m'auraient insupportée, il y a peu. Là, je cherche en les déposant devant moi à me soulager de leur poids.

Aujourd'hui, je veux étaler les faits, en retirer les enseignements.
Je ne veux pas me mentir ou me cacher derrière de faux prétextes.

Je ne suis plus celle que j'étais. Et ne le redeviendrai sans doute jamais.
Des rémissions inespérées, à part celle de mon vieux père, je n'en connais pas.
Il est déçu de mes manquements. Et je m'en veux de lui causer cette peine. Parce-qu'il n'y a pas d'âge pour essayer de gagner l'admiration de ses parents, et pas d'âge pour être perméable à ce jugement là.
Je dois trouver ma voie hors de ces regards là, maintenant.

Je vous livre mes tourments et mes mots sonnent plat.
Ils ne rendent pas les reliefs épais et acérés de mes sentiments profonds.
A travers ces anecdotes insipides, je crois pourtant déceler une réalité importante.
Je ne lève pas encore les voiles sur ces mystères. Je ne les lèverai peut-être jamais.

Qui sait...





mercredi 8 juin 2016

LES FOINS SONT RENTRES




Bonjour !







Bel astre boursoufle une lueur étouffée, ce matin. Il pousse les nuées pour se faire de la place.
Des bancs de brume mobiles se lèvent en légions précipitées depuis les creux frais de la nuit.
Ils galopent vers la mer, tirés des fonds par la puissance solaire en plein élan conquérant.








Mère-Rhune en cette saison se tient loin de cet adolescent assoiffé de puissance.
Elle se voile d'amicales laitances, plus paresseuses et moins fatigantes.












Les fleurs, rassasiées de sève énergique et pas encore écrasées de chaleur, sont au plus joli temps de la saison.
Le maître de maison profite de cette heure douce. Sur le banc frais de la nuit au soleil levé, il savoure la douceur du jour.

Les foins ont été séchés sans une goutte de pluie, cette année.
Coupés entre samedi et dimanche, tous les champs sont déjà ratissés comme une moquette fraîchement aspirée.
Une affaire rondement menée, cette fois !






Le temps suit son cours, à Agorreta comme ailleurs.
Nous sommes aux portes de l'été. Nous nous apprêtons à la chaleur parfois brutale. 
Ce temps des volets tirés sur une pénombre silencieuse et reposante.
Ce temps où le mitan du jour appelle le repos, quand les petits matins et les crépuscules nous tirent dehors.

Le printemps a apporté son lot de pluie cette année, largement. La végétation en témoigne.
L'an dernier les verts se paillaient déjà. L'herbe maigre et râpeuse ne rassasiait plus mes belles.

Nous verrons bien ce qu'il nous vient maintenant.
Le grand soleil est là. Il appuie avec force mais sans méchanceté sa main sur nos épaules.

Les cultures ont un peu manqué de chaleur en mai. Elles vont se rattraper maintenant, à la faveur de ces degrés supplémentaires et de cette humidité encore présente dans les sols.
Les jours à venir, dans les champs, les faneuses et les pirouettes survoltées cette dernière fin de semaine feront silence.

Le bon foin embaumera les hangars, en promesse d'un hiver où le bon fourrage ne manquera pas.
Un doute levé, sur un possible manque écarté.
A chaque fois, un petit soulagement, vague atavisme des disettes ancestrales.

L'idée du manque nous alarme vite.






Même ici, à Agorreta, avec mes quelques vaches de compagnie, la vue des granges vides en mai m'est désagréable. Quand les belles piles de foins en balles apaisent si bien mes vieilles peurs de misère...

Irrationnelle crainte, et pourtant, tellement profondément enracinée !

Nous sommes de là d'où nous venons. 
Et les peurs paysannes ne taisent pas leur nom dans mon sang, encore maintenant.

Je vous laisse ici pour aujourd'hui, à contempler vous aussi avec gratitude vos placards remplis d'anciens hominidés réduits à courir derrière les mammouths (ou devant !) pour se nourrir.

Comme quoi, l'évolution n'est pas toujours  mauvaise chose, n'est-ce pas ?
Et oui...

A bientôt !