Bonsoir à tous !
Un dimanche bien agréable, entre mes travaux de peinture, mon chantier de longue haleine de cet automne-hiver, (comme les collections de mode !), un déjeuner familial diverti à souhait, et une excellente promenade dans l'air vivifiant de ce dernier jour de janvier.
L'atmosphère n'était pas aussi limpide, aujourd'hui. Elle était même carrément bouchée par des nuages follets.
Pourtant, sur Agorreta, les choses s'éclairent à une lumière plus transparente de jour en jour.
Je me comprends.
Pardonnez encore une fois mes allusions opaques. Les enseignements que je retire de mes expériences sont, eux, tout à fait clairs, et universels.
Agorreta s'anime d'individus, comme le reste de la planète.
Les passions, les peurs, les peines et les joies sont ici comme partout les moteurs puissants et incontournables de nos existences.
Ce que j'apprends, jour après jour, auprès des miens, éclaire notre nature humaine à tous, avec ses forces et ses faiblesses, ses ombres et ses lumières.
Les situations de conflits, les périodes de crises, plus ou moins aiguës, dans le genre de celle que je vous conte ces temps-ci avec notre Chemin des Crêtes, sont d'extraordinaires opportunités d'acquérir cette connaissance des autres, et de soi, nécessaire au vivre mieux que nous recherchons tous.
Tels les rayons obliques de ce soleil sur les tas de gravats derrière Agorreta, à la manière de ces brumes évanescentes au pied de mère-Rhune, nos expériences quotidiennes nous éclairent.
Elles révèlent, ce que nous savions sans nous l'avouer, bien souvent, sur nous et sur nos proches.
Les choses enfouies, loin en profondeur, remontent à la surface bouillonnante agitée de remous exigeants.
Le temps des masques est révolu.
On clame, on crie, trop fort, des assertions qui disent souvent le contraire de ce que l'on veut taire. A tort ou à raison.
J'ai entendu dernièrement des proclamations extravagantes. Et j'ai eu les démentis qui dénonçaient ces affirmations pourtant toutes habillées d'une grande sincérité.
Parce-qu'on ne ment jamais aussi bien qu'à soi-même.
Et l'on se persuade mieux que l'on persuade les autres de fausses vérités pour se masquer celles qui sont trop douloureuses.
Les mots mentent, souvent. Nous mentent, autant qu'ils mentent aux autres.
Les comportements spontanés, les élans issus de surprises, les colères hurlées d'avoir été trop longtemps contenues, ceux-là, et ceux-là seuls, disent une vérité bien plus fiable.
C'est mon idée, mon expérience, et ma certitude.
Les conflits ont ceci d'exceptionnels qu'ils avivent la tension intérieure, aiguisent les perceptions et outrent les tourments et les réactions subséquentes.
Les conflits sont des révélateurs infaillibles, de nos forces et de nos faiblesses, de nos peurs et de nos espérances vives.
Les périodes de crise, révèlent des potentialités endormies, comme des manques insoupçonnés.
Mon père, que nous imaginions faible et vulnérable sans l'ombre de ma mère pour le veiller, s'est montré courageux et d'un optimisme épatant, au moment de la période critique de sa maladie.
Cette révélation ne s'est jamais démentie depuis.
Cette science de lui-même, cette si belle surprise, le soulève chaque jour et le maintient pour le moment hors d'atteinte de ces griffes acérées qui ont bien failli le saisir, à ce moment là.
Il ne prête plus attention aux noirceurs des autres, depuis qu'il a dompté les siennes. Ses anciennes peurs apprivoisées sont devenues sa force. Il est capable de reconnaître chez les autres ces mêmes peurs, de les admettre et de les pardonner. Elles n'ont plus prise sur lui, même par procuration.
Je n'en suis pas à son niveau de sagesse. Les années me manquent pour y arriver encore. Mais je veux suivre cette trace, et ne pas m'en éloigner, même si des lueurs fausses m'attirent sournoisement hors du chemin.
Nous sommes tous partagés. Nous avons en nous cette ambivalence qui nous écartèle douloureusement. Nos peurs et nos ombres nous entraînent vers des fonds glauques. Nous nous persuadons tout seuls d'y voir des lumières séduisantes. Nous nous laissons prendre à nos propres pièges.
J'essaie de reconnaître mes faiblesses, de les admettre. Pour ne pas succomber au chant de sirènes insidieuses et perfides. Celles qui vous bercent d'illusions sur vous-mêmes. Font porter aux autres le poids de vos propres fautes, pour alléger une conscience paresseuse.
Je me sais capable du pire, je sais les miens coupables des mêmes noirceurs que les miennes.
Je sais aussi pouvoir surmonter ces tentations faciles, et affronter mes faiblesses.
Je veux vivre rassemblée, en bonne entente avec moi-même. Je veux réunifier mes morceaux épars, les bons et les mauvais, pour me reconnaître une individualité "aimable".
On ne vit pas serein, écartelé entre une fausse idée de soi, et une vérité cachée.
Il est difficile sans doute de s'avouer mauvais. Plus confortable de faire porter son malaise par un autre.
On peut bien-sûr refuser de voir la part d'ombre en soi. refuser de la voir chez ses tout proches. On ne la fait pas disparaître pour autant. Bien au contraire, on l'alimente et on la fortifie.
La peur d'héberger un démon n'a jamais rendu ce démon, ange.
Les démons sont comme les bêtes fauves. Ils s'apprivoisent.
On ne règle pas ses conflits intimes par procuration. Vient forcément un moment où il faut mettre les deux mains dans le cambouis, plonger jusqu'aux avant-bras dans la tripe encore chaude et fumante.
Les hauts le cœur se surmontent, il le faut.
Il faut affronter, s'affronter, même dans la souffrance et la difficulté.
Je suis persuadée que la voie du véritable bien-être passe par cette croisée là.
Et j'ai la prétention de croire avoir trouvé la bonne trajectoire vers ma sacro-sainte sérénité.
Les agitations pathétiques et les inutiles turpitudes que l'on me donne à observer me confortent dans cette certitude apaisée.
Je peux me tromper, sans doute, je le sais. Mais, pour le moment, rien ne vient me faire douter.
Alors...
Alors je continue de contempler la belle lumière solaire au dessus des montagnes placides.
Et je m'en trouve bien, tout à fait bien, tout simplement.
A plus tard...