dimanche 31 janvier 2016

LES OMBRES ET LA LUMIÈRE.




Bonsoir à tous !

Un dimanche bien agréable, entre mes travaux de peinture, mon chantier de longue haleine de cet automne-hiver, (comme les collections de mode !), un déjeuner familial diverti à souhait, et une excellente promenade dans l'air vivifiant de ce dernier jour de janvier.





L'atmosphère n'était pas aussi limpide, aujourd'hui. Elle était même carrément bouchée par des nuages follets.
Pourtant, sur Agorreta, les choses s'éclairent à une lumière plus transparente de jour en jour.
Je me comprends. 
Pardonnez encore une fois mes allusions opaques. Les enseignements que je retire de mes expériences sont, eux, tout à fait clairs, et universels.

Agorreta s'anime d'individus, comme le reste de la planète.
Les passions, les peurs, les peines et les joies sont ici comme partout les moteurs puissants et incontournables de nos existences.
Ce que j'apprends, jour après jour, auprès des miens, éclaire notre nature humaine à tous, avec ses forces et ses faiblesses, ses ombres et ses lumières. 

Les situations de conflits, les périodes de crises, plus ou moins aiguës, dans le genre de celle que je vous conte ces temps-ci avec notre Chemin des Crêtes, sont d'extraordinaires opportunités d'acquérir cette connaissance des autres, et de soi, nécessaire au vivre mieux que nous recherchons tous.
Tels les rayons obliques de ce soleil sur les tas de gravats derrière Agorreta, à la manière de ces brumes évanescentes au pied de mère-Rhune, nos expériences quotidiennes nous éclairent.
Elles révèlent, ce que nous savions sans nous l'avouer, bien souvent, sur nous et sur nos proches.
Les choses enfouies, loin en profondeur, remontent à la surface bouillonnante agitée de remous exigeants.
Le temps des masques est révolu. 

On clame, on crie, trop fort, des assertions qui disent souvent le contraire de ce que l'on veut taire. A tort ou à raison.
J'ai entendu dernièrement des proclamations extravagantes. Et j'ai eu les démentis qui dénonçaient ces affirmations pourtant toutes habillées d'une grande sincérité.
Parce-qu'on ne ment jamais aussi bien qu'à soi-même.
Et l'on se persuade mieux que l'on persuade les autres de fausses vérités pour se masquer celles qui sont trop douloureuses.
Les mots mentent, souvent. Nous mentent, autant qu'ils mentent aux autres.
Les comportements spontanés, les élans issus de surprises, les colères hurlées d'avoir été trop longtemps contenues, ceux-là, et ceux-là seuls, disent une vérité bien plus fiable.
C'est mon idée, mon expérience, et ma certitude.

Les conflits ont ceci d'exceptionnels qu'ils avivent la tension intérieure, aiguisent les perceptions et outrent les tourments et les réactions subséquentes.
Les conflits sont des révélateurs infaillibles, de nos forces et de nos faiblesses, de nos peurs et de nos espérances vives.

Les périodes de crise, révèlent des potentialités endormies, comme des manques insoupçonnés.

Mon père, que nous imaginions faible et vulnérable sans l'ombre de ma mère pour le veiller, s'est montré courageux et d'un optimisme épatant, au moment de la période critique de sa maladie. 
Cette révélation ne s'est jamais démentie depuis.
Cette science de lui-même, cette si belle surprise, le soulève chaque jour et le maintient pour le moment hors d'atteinte de ces griffes acérées qui ont bien failli le saisir, à ce moment là.
Il ne prête plus attention aux noirceurs des autres, depuis qu'il a dompté les siennes. Ses anciennes peurs apprivoisées sont devenues sa force. Il est capable de reconnaître chez les autres ces mêmes peurs, de les admettre et de les pardonner. Elles n'ont plus prise sur lui, même par procuration.

Je n'en suis pas à son niveau de sagesse. Les années me manquent pour y arriver encore. Mais je veux suivre cette trace, et ne pas m'en éloigner, même si des lueurs fausses m'attirent sournoisement hors du chemin.
Nous sommes tous partagés. Nous avons en nous cette ambivalence qui nous écartèle douloureusement. Nos peurs et nos ombres nous entraînent vers des fonds glauques. Nous nous persuadons tout seuls d'y voir des lumières séduisantes. Nous nous laissons prendre à nos propres pièges.

J'essaie de reconnaître mes faiblesses, de les admettre. Pour ne pas succomber au chant de sirènes insidieuses et perfides. Celles qui vous bercent d'illusions sur vous-mêmes. Font porter aux autres le poids de vos propres fautes, pour alléger une conscience paresseuse.
Je me sais capable du pire, je sais les miens coupables des mêmes noirceurs que les miennes.
Je sais aussi pouvoir surmonter ces tentations faciles, et affronter mes faiblesses.
Je veux vivre rassemblée, en bonne entente avec moi-même. Je veux réunifier mes morceaux épars, les bons et les mauvais, pour me reconnaître une individualité "aimable".

On ne vit pas serein, écartelé entre une fausse idée de soi, et une vérité cachée. 
Il est difficile sans doute de s'avouer mauvais. Plus confortable de faire porter son malaise par un autre. 
On peut bien-sûr refuser de voir la part d'ombre en soi. refuser de la voir chez ses tout proches. On ne la fait pas disparaître pour autant. Bien au contraire, on l'alimente et on la fortifie.
La peur d'héberger un démon n'a jamais rendu ce démon, ange.
Les démons sont comme les bêtes fauves. Ils s'apprivoisent.
On ne règle pas ses conflits intimes par procuration. Vient forcément un moment où il faut mettre les deux mains dans le cambouis, plonger jusqu'aux avant-bras dans la tripe encore chaude et fumante.
Les hauts le cœur se surmontent, il le faut.
Il faut affronter, s'affronter, même dans la souffrance et la difficulté.

Je suis persuadée que la voie du véritable bien-être passe par cette croisée là.
Et j'ai la prétention de croire avoir trouvé la bonne trajectoire vers ma sacro-sainte sérénité.
Les agitations pathétiques et les inutiles turpitudes que l'on me donne à observer me confortent dans cette certitude apaisée.

Je peux me tromper, sans doute, je le sais. Mais, pour le moment, rien ne vient me faire douter.
Alors...





Alors je continue de contempler la belle lumière solaire au dessus des montagnes placides.
Et je m'en trouve bien, tout à fait bien, tout simplement.

A plus tard...

mercredi 27 janvier 2016

CHEMIN DES CRÊTES : LE GOUT DU THÉÂTRE



Suiveurs de ce "bloc" bonjour !
Et bienvenu au promeneur de passage...







La matinée est radieuse, aujourd'hui encore. Une période magnifique, impressionnante de beauté. Impressionnante dans le sens de qui se gardera en mémoire, longtemps. 
Le temps des inquiétudes est levé sur Agorreta. Nous n'avons plus peur en vivant un moment parfait de la suite, moins parfaite peut-être. 
Nous acceptons l'augure d'un avenir admis. Et la sérénité fait son nid dans notre apaisement.





J'ai entamé la saison des navets.
Admirez ces têtes énormes !
Ma petite faucille incurvée à côté vous donne à voir leurs gabarits, et son usure, la pauvrette !
Elle me fait très bien l'affaire, telle qu'elle.
Je tranche d'un petit coup sec et précis, tchac ! la racine enterrée, et voilà le dessert de mes vaches assuré.
Non, vraiment, je suis satisfaite de ma récolte de navet de cet hiver.


Satisfaite du sort qui me l'a accordée, et de mon travail qui a su favorablement utiliser ce sort amical. Satisfaite de moi, encore une fois ? Et oui, je l'admets, sans fausse modestie, satisfaite de moi, oui, oui...
Incorrigible bouffie d'orgueil que je suis !!


Retournons Chemin des Crêtes, en cet automne 2003 :









Il faisait beau, aussi, en cette période, me semble-t-il. Certaines journées du moins me sont restées en mémoire, avec leur lumière chaude et profonde.

Ma mère malade me mobilisait, évidemment. Notre affaire du Chemin des Crêtes passait au second plan. 
Tout de même, je ne lâchais pas prise. Je me battais tous azimuts, puisant l'énergie dans ma certitude de faire bien, de faire au mieux de mes possibilités. Je ne ménageais ni mes forces ni ma peine. 
Je ne sais pas trop faire à moitié, me préserver, avancer sans foncer. On me le dit souvent, et je le sais. C'est ma nature et ma force. C'est aussi mon tourment et une faiblesse. Je l'admets, et je l'accepte.

La fameuse épître envoyée à la mairie en septembre avait fait son effet :










































































Elle avait remis le feu à des poudres encore fumantes. Au lieu d'apaiser les choses, j'avais choisi de raviver les braises, aveuglée par mon insolence et mon orgueil de péronnelle.

La réponse du berger à la bergère ne s'était pas fait attendre, avec cet arrêté :















































































Et la convocation chez le maître d'école pour se faire taper sur les doigts, dans la foulée :





Mon humeur belliqueuse, même amoindrie par mes préoccupations sérieuses concernant ma mère, aiguisait mon goût de la bataille.
Cette perspective d'avoir à ferrailler me distrayait même d'une peine profonde à la perspective d'un avenir difficile à côtoyer la maladie et ses misères implacables.

Je me rendis à cette réunion, animée d'une frénésie aiguë. Mes neurones fonctionnaient à pleine vitesse. Mes idées jaillissaient comme les étincelles d'un feu de châtaignier.
Mes frères y étaient aussi, bien-sûr. Je devais aller voir ma mère hospitalisée ensuite, aussi, nous faisions voitures à part.
Sur la place d'Urrugne, nous nous retrouvâmes tous. Les voisins étaient là.  Oronos était là aussi, avec sa mère, Dieu seul sait pourquoi, mais bon. 
Je les saluai tous  urbainement,  et m'engouffrai, escortée de mes robustes frérots, sous les voûtes sombres de l'antique mairie d'Urrugne.

Nous fûmes reçus en délégation par Monsieur le Maire, et une poignée de représentants officiels et solennels, dont le si sympathique Jean-Dominique Boyé.

Ce fût une séance animée, pleine de piques et joutes enflammées. Je me sentais incollable, et mes réparties fusaient spontanément. 
Bien des fois, je connais cette déception de trouver la réponse pertinente bien trop tard. De me dire : tiens, j'aurais du parler de ça, et de ça aussi. Là, je lui aurais cloué le bec avec ça... Toutes illuminations arrivées bien après la bataille, et tombées à plat, au lieu d'à pic...

Lors de cette réunion, mon éloquence et ma rapidité d'esprit me surprirent, moi qui suis pourtant si admirative de moi-même, en général !
Je m'étonnai, je me surpassai. Je me sentis soulevée au dessus de moi-même.
A l'analyse, je compris la raison de cette sensation. 
J'avais un public, des spectateurs de qualité. Je tenais à leur offrir un spectacle à la hauteur de leur considération.
Et c'est ce jeu de rôles, en écartant toute inhibition, en révélant en moi un talent de comédienne, qui mobilisait des ressources enfouies.

J'aimais cette représentation, je m'y amusais follement. Et ce divertissement me rendait plus brillante, assurément.
J'ai retrouvé la même impression sous les voûtes majestueuses du Tribunal de Pau. face à Oronos, portée par la théâtralisation de la scène, je me suis surpris, et j'ai surpris mes proches présents, à parler, parler, avec une aisance que je ne me soupçonnais pas.
Et un plaisir à l'avenant. 
Je me suis découverte cabotine et narcissique. 
Je m'en suis étonnée, un peu, pas tant cependant...

Evidemment, cette réunion en mairie ne donna pas grand chose. Nous continuerions, avec l'aval grinçant des autorités incapables de nous arrêter officiellement. Et sans leur bénédiction, évidemment !

Ces expériences ont révélé ces facettes de ma personnalité. Elles ont réveillé ces potentialités fossilisées.
Je suis reconnaissante aux circonstances, à tous ces acteurs involontaires, de m'avoir livré cette connaissance de moi-même.
Si toute cette aventure n'avait servi qu'à ça, je considérerais qu'elle en valait la peine, pour ce seul bénéfice.

Comme en plus elle m'a apporté bien d'autres choses encore, vous pensez bien que j'en garde un souvenir gratifié.

Je vous laisse ici pour aujourd'hui.
Je vais avec ma mini-meute profiter de l'ombre étoilée de soleil des chemins creux, derrière Agorreta.





A bientôt, et portez-vous bien, là où vous êtes.

dimanche 24 janvier 2016

24 JANVIER A AGORRETA : LA JOIE DE NOTRE PÈRE.




Bonjour à tous !





La presque pleine lune se couche dans la brume au dessus de la baie.
Dimanche 24 janvier, une belle et grande journée nous vient sur Agorreta...






L'aube est déjà pleine de promesses. Les cieux limpides aux irisations rosées annoncent une magnifique journée.
L'air est doux, tellement doux, presque suspect.
Tant de beauté paraît impossible. On voudrait y croire, mais on a un peu peur, d'être déçus d'y avoir autant cru.
On garde en tête ces jours si bien commencés, pourtant, et viciés de nuages sombres arrivés d'on ne sait où, porteurs de noirceur et de tumulte.






Le maître de maison y croit, lui. Il a confiance.  Son sourire est aussi radieux que les plus belles promesses de l'aube la plus limpide.
Il vous montre ici avec fierté notre belle Fauvette. La belle et grande rousse majestueuse au pelage chatoyant.
La lumière est douce dans la vieille étable. 
Cette lumière éclaire. 
Cette lumière révèle. 
Elle révèle les vieux bois pourris de la vieille étable, les murettes salies des générations de vaches élevées ici. 
Cette lumière souligne aussi cette ambiance unique, cette atmosphère précieuse et particulière, le monde de la ferme Agorreta.  
La joie de mon père. Cette joie saine et franche d'y vivre heureux ses vieux jours, entre ses bêtes et entouré de sa famille rassemblée.

Dans sa grande sagesse, cet homme, unique et précieux tout autant, sait la journée à venir sauvée de toute tâche et à l'abri de tous les risques de tempête.
Il sait. Quand nous, méfiants et apeurés, nous craignons et imaginons des nuages à venir là où ils ne viendront pas.







A Agorreta , ce dimanche 24 janvier a été une journée parfaite, de son début à sa fin.
La lumière est restée belle et amicale, tout le long du jour.















Les cieux ne se sont pas troublés des nuages pressentis.

Les laideurs d'Agorreta n'ont pas disparu. Vous verrez toujours, et longtemps encore, des montagnes de gravats et des tas de fumier à Agorreta.
Ces laideurs sont, et resteront. Elles ont leur justification et portent leur finalité en elles.

Les gravats savamment travaillés par la main de l'autre maître de ces lieux, mon frérot, l'aîné, le terrassier,  deviendront belle prairie où pacageront nos vaches.
Le fumier se bonifiera en amendement riche et bienfaisant.
La laideur commune se transformera, se sublimera, et deviendra à son tour gloire et beauté...






Le soleil couchant irradiera sa chaude lumière pendant encore longtemps, je l'espère, sur Agorreta et ses permanents.

Notre père et nous, ses enfants, regarderont confiants vers un avenir si joliment éclairé.

A bientôt, mes amis des Nouvelles d'Agorreta.
Nos aventures continuent. Je viendrai longtemps aussi, je l’espère, vous les partager.



vendredi 22 janvier 2016

CHEMIN DES CRÊTES : LA RÉUNION D'OCTOBRE.




Suiveurs des aventures du Chemin des Crêtes, bonjour !


Après la pluie vient le beau temps !
Nous retrouvons les cieux dégagés, les matins purs et les soirs irisés. 
Il n'est que d'attendre. Toute période a sa durée et sa justification, sans doute. Il faut en passer par ces temps sombres et tourmentés, pour retrouver avec bonheur la sérénité d'une atmosphère apaisée...






















Allez ! Saut dans le temps, retournons en octobre 2003 :







Je vous le disais la dernière fois, cet automne 2003, je me sentais pousser des ailes insolentes.
Galvanisée par mon succès, je ne me voyais plus de limites. J'étais prête à tout affronter.
Nous avions tenu bon, face aux autorités en place. Nous avions résisté à la pression insistante des riverains représentant à nos yeux une élite privilégiée, bien mieux armée que nous pour faire valoir ses droits.

Oronos continuait de nous nuire, lui. En satellite incontrôlable et inaccessible par toute forme de raisonnement ou d'empathie. Nous en faisions notre affaire, tant bien que mal.
Selon les chauffeurs qui se présentaient, Oronos faisait de la résistance, ou pas. Il avait tout de même en tête sa sauvegarde, tout fou qu'il soit, et savait qu'avec certains, rendus fous eux-mêmes par une colère dominante, il valait mieux ne pas rester en travers de leur chemin.

Le chantier avançait, laborieusement mais avec constance.

Les voisins s'accommodaient tant bien que mal, plus ou moins tenus par notre fameux succédané d'accord du 26 Août. 
Notre affaire se met à l'aulne des grands conflits historiques, avec dates à l'appui...

Je vous l'expliquais dans l'un de mes articles précédents, la mairie ne supportait plus mon impertinence. Notre persistance l'exacerbait.
Elle choisit de se tourner vers les instances supérieures, pour nous faire toucher terre, enfin.
Les réglementations, les cadres administratifs, elle rameuta tout l'arsenal à sa disposition.

J'imagine bien le grand Jean-Dominique Boyé, ce teuton aux cils roux et à la peau vite rosée, prenant feu, dans le clos de son petit bureau.
L'homme cultivait les apparences d'une froideur de circonstance. Sa parole était calme et ses propos jamais emportés.
Pourtant, lui comme les autres, les émotions le visitaient, et son humaine nature ne lui laissait pas le tempérament aussi plat qu'il voulait  le montrer.
Toujours courtois lors de nos rencontres, je le conçois beaucoup moins policé, quand, à la lecture de mes courriers ou à l'énoncé des comptes-rendus des uns ou des autres, il constate que sa seule prestance n'a pas réussi à nous impressionner suffisamment pour nous faire obéir à ses injonctions, par maire interposé.
 Léon Marin, maire de l'époque était, et, je le lui souhaite, est toujours, un bien brave homme. Plus empêtré dans son costume mal taillé qu'honoré de cette charge dont il se serait sûrement bien passé. Installé là, histoire de garder la place au chaud, le temps que Mr Poulou aille conquérir de plus vastes territoires.
Boyé, lui, était, et est sans doute encore, malheureusement pour lui et pour ceux qui le côtoient, de cette nature fourbe qui ne dit pas et maquille.
Il montrait un visage lisse, et bouillonnait d'un sang épais et fauve.

Horripilé de notre entêtement, dépité d'être aussi mal armé dans cette triste commune rurale même pas fichue de se targuer d'une réglementation suffisamment incontestable, il rageait, j'en suis sûre.
Sûrement, d'autres affaires d'importance venaient le distraire de notre petite comédie. Sans doute ses journées étaient-elles suffisamment remplies pour le détourner de nous, la majeure partie de son temps.
Tout de même, je suis bien sûre que notre représentation venait l'agacer au périmètre de ses préoccupations, comme une mouche entêtée.
"Ces sales paysans qui se prennent pour des rebelles, je les aurais !"
Ainsi me l'imagine-je, dans mon illusion d'avoir été importante. Ça fait toujours du bien à l’ego, de se donner un rôle un peu étoffé, n'est-ce pas ? Alors, ne nous en privons pas !

Comme réponse à ma dernière épître de septembre, petit coup de dague taquin, nous reçûmes une convocation en mairie, solennelle de ses caractères gras et centrés.


















Je vous raconterai cette réunion la prochaine fois, elle vaut le détour.
Pour ici, je vais vous livrer un texte complètement hors du champ de notre Chemin des Crêtes.
Je crois d'ailleurs l'avoir déjà présenté, plus haut. Qu'à cela ne tienne, je ne suis pas à une répétition près.

En octobre 2003, ma mère eut une attaque vasculaire suffisamment forte pour la laisser invalide. Elle était déjà amoindrie depuis une dizaine d'années, cumulant les problèmes de santé.
Ma mère n'était pas moins battante que moi. Loin de là ! Elle fit face, aussi longtemps qu'elle le pût. Elle connut d'ailleurs de belles années encore, même handicapée par les assauts hargneux d'une maladie féroce et impitoyable.
Elle est morte en 2010, épuisée d'avoir tant lutté.

Je l'ai accompagnée, toutes ces années, et j'ai appris d'elle la légitimité d'un combat juste.
Elle m'a léguée par son sang cette ténacité, cette énergie de tenir contre vents et marées. Moi aussi, je lâcherai la rampe, un jour. Moi aussi je m'arrêterai de lutter, fatiguée.
Mais pas encore...


J’ai connu de près une vieille femme malade. Son quotidien misérable et sa souffrance impossible à soulager.
J’ai pensé qu’il est bien difficile de voir venir sa mort à petits pas, comme ça.
Pourtant, chaque jour elle ouvrait les yeux, contente d’être toujours là. Elle menait une petite guerre contre le terme inéluctable, et chaque matin la trouvait victorieuse, vivante encore, même si mal.
Ce soir, je vais prendre sa place.
J’ai plus de quatre-vingts ans. Et je suis malade depuis longtemps, maintenant. Je ne marche plus, mon bras gauche est très faible. Je vois mal mais j’entends encore bien.
Mes enfants travaillent. Ils ne peuvent pas prendre soin de leur mère. C’est une femme de la ville voisine qui vient tous les jours s’occuper de moi.
Je préfère ça. Je dépends d’elle pour chacun des gestes de la vie. Je ne voudrais pas de ce genre de relation avec l’un de mes fils. Ca me paraîtrait anormal, d’être lavée, nourrie, couchée, par ceux-là même que j’ai lavés, nourris et couchés il y a si longtemps. Ce ne serait sûrement pas un juste retour des choses. Plutôt l’envers honteux d’un ordre naturel.
La maladie ne m’a pas jetée à terre brutalement. Elle m’a usée et sapée petit à petit. D’attaques en attaques, j’ai été diminuée.
C’est étonnant de sentir à quel point on est capable de résister. Je suis dans les faits un corps mort. Je ne peux plus me déplacer, j’ai besoin d’être lavée, essuyée, habillée. Un vieux nourrisson un peu dégoûtant. J’ai honte, quand on change ma couche souillée, je me sens misérable, écœurante.
Dans ma tête pourtant, je suis encore fière. Je ne me vois pas vieillie et malade. J’ai les mêmes idées qu’autrefois, les mêmes envies. Mais ma peau, mes muscles, toute cette chair molle et triste n’est plus qu’un tas inutile et sans attrait.
Je tombe dans un effroi sans fond quand je me réveille inerte. Mon cerveau fonctionne mais il ne commande plus rien. J’essaie de toutes mes forces de bouger une jambe, de ramener mon bras, et rien ne répond. J’en pleure de rage et d’impuissance. Je me sens prisonnière d’une tombe où on m’aurait jetée vivante.
Je hais ce corps mort, cette chair lourde et presque minérale. J’ai en horreur ces entrailles qui continuent de dégorger leurs insanités immondes. Si au moins tout se figeait. Je supporterais d’être immobile, si je restais propre. Mais non, il faut que la viscère travaille, se nourrisse et transforme.
Je passe mes journées à guetter l’avancée de ma digestion. A suivre le grouillement infect d’une vie souterraine dans cette chair morte. Je ne maîtrise plus rien. Je me dégoûte et j’ai honte.
La femme qui s’occupe de moi est gentille. Elle est très professionnelle et s’acquitte de sa tâche avec des gestes vifs et précis. Elle évite de croiser mon regard dans ces moments où je ne sais plus comment rester digne. Elle se dépêche de me rendre à moi-même.
Il y a toujours un petit flottement entre nous, entre ce rituel de toilette dégradant pour moi et la reprise d’une conversation normale. Un instant où la mort prochaine montre son sale visage et où seul le silence et l’efficacité froide lui répondent.
Quand l’horreur de ma dégradation me rend méchante, je m’en prends à elle, bien-sûr, à qui d’autre ? Je me persuade qu’elle dépend de moi autant que je dépends d’elle. Que je suis son gagne-pain, que c’est moi qui la paie et qu’elle m’est redevable.
Certains jours, je la tance pour quelques minutes de retard. Je lui ai demandé d’installer un réveil à grand cadran sur la commode en face de mon lit, et je reste là, les yeux rivés aux points lumineux de l’écran dans l’obscurité.
Je me torture autant que je la tourmente. Je l’imagine, cette grosse fainéante, vautrée dans son lit dont elle ne sort qu’à contrecœur.
Elle est célibataire mais m’a confié quelques aventures sans joie. Qu’importe, pour moi qu’aucune main ne viendra plus caresser amoureusement, c’est insupportable de la savoir allongée contre le corps d’un homme au petit matin quand je croupis dans ma souillure immonde.
Ces matins là, je l’entends arriver, pousser la porte de la maison qui résiste un peu. Et je la hais, de toutes les tristes forces qui me restent, je la hais.
Elle pose ses affaires et vient vers la chambre. Son pas lourd fait craquer les planches mal jointes du couloir étroit.
Je tremble presque, plus tonique que je ne suis capable de l’être par ma seule volonté, réanimée par la haine pure quand tout autre velléité me laisse amorphe.
Mes nuits sont des séquences de demi-veilles consternées et de mauvais sommeil plein de cauchemars.
L’œil rivé sur le cadran lumineux impavide, je souffre seule dans la nuit indifférente. Je regarde les heures passées, les heures de vie sans vie. Je me demande combien il m’en reste encore à regarder passer.
Je me dis souvent qu’il vaudrait mieux que je ne me réveille plus, que j’en finisse une bonne fois pour toutes.
Quand le sommeil me prend en douceur, quand mon vieux corps me laisse l’oublier comme il a oublié de vivre, sans révolte, j’ai l’envie de me laisser porter vers la mort. Elle me paraît presque accueillante.
A chacun de mes réveils pourtant, à chacun de ces sursauts qui ressemblent au bond en arrière du promeneur distrait qui s’est approché trop près du bord de la falaise et qui recule effrayé de frôler le vide de si près, je m’accroche désespérément à la vie.
Je me débats pour quitter cet entre-deux rives dont la berge noire tente de m’aspirer vers ce gouffre qui me terrorise.
Je n’ai plus envie de vivre, mais j’ai peur de mourir, une peur qui me crispe et me panique. J’en hurlerai d’effroi. Je me tais. Je garde ce qui me reste de force pour ne pas me laisser entraîner.
Je me dis que si je ne bouge pas, si je respire si doucement que personne ne m’entende, alors peut-être la mort ne me verra même pas, peut-être qu’elle passera près de moi sans s’arrêter pour une si misérable proie.
Ma vie est cette peur, mes nuits sont cette lutte.
Quelquefois pourtant, toute cette hargne, tout ce mal, desserrent leur étau. Je respire mieux, mes douleurs s’estompent un peu, une coulée de douceur fait son chemin en moi.
Je m’en sens illuminée à l’intérieur. Le bien-être inespéré me fait venir les larmes aux yeux.
Alors je vois le monde autrement. Je regarde cette femme qui m’aide à vivre avec reconnaissance, presque tendresse.
Je me montre gentille, je m’intéresse à elle et à ses histoires.
Ma vie de presque morte me semble moins terrible.
Je suis vieille, je suis malade, je suis vivante, encore.











      Cette femme a été ma mère.
      Je l’ai vue vivante, forte,
      Et puis malade.
      Je l’ai tenue dans mes bras quand l’heure est venue pour elle de passer le pas.
      Je n’ai pas éloigné l’effroi,
      Ni évité la douleur.
      J’ai juste voulu être là, et chaque fois que j’y repense, j’ai remercié le sort de me l’avoir autorisé.






J'ai en ce moment une pensée pour cette femme, ma mère. A la tête d'une grande famille un peu bouillonnante. 
J'ai repris derrière elle un flambeau écharpé mais plein de couleurs.
De ces couleurs d'automne, profondes et apaisées :






A la prochaine fois !

lundi 18 janvier 2016

CHEMIN DES CRÊTES : SEPTEMBRE 2003




Bonjour à tous les suiveurs de nos aventures du Chemin des Crêtes !





Ce matin sur Agorreta est sombre et pluvieux.




Des nuages bas, une pluie molle, rien de bien engageant.

Qu'à cela ne tienne, je vais continuer mes travaux de peinture.
J'en suis à la chambre du fond du vieil appartement du bas, où est mon père.







Cette atmosphère plombée d'aujourd'hui n'entame pas du tout mon moral au beau fixe.

J'ai profité hier du soleil, sur les hauts d'Ibardin, avec mon grand mari Olivier.
Une journée splendide, ma mère Rhune délicatement enneigée tout près de nous. Une lumière précieuse, des sensations et des émotions gravées pour longtemps. De la douceur et de l'intensité. Tout ce qui donne à la vie sa saveur et son intérêt.

Nous avons tous l'opportunité et la chance de vivre ces moments. Encore faut-il ne pas laisser passer cette chance et cette opportunité...
Moi, je saisis au vol tous ces bijoux magnifiques, et je les engrange dans un écrin discret.


Gardons ça en tête, et repartons Chemin des Crêtes, en ce beau mois de septembre 2003.





J'étais dans cet état d'esprit guerrier, où mes sentiments et mes raisonnements s'outrent parfois en pics déraisonnables.

Notre réunion fin Août avec les voisins avait accouché d'un accord bâtard. Chacun faisait mine d'y croire, mais campait tacitement sur ses positions. 
Nos convictions restaient inébranlées : les voisins étaient des empêcheurs de tourner en rond, fats et méprisants, la mairie roucoulait à leurs pieds, nous étions les fiers et braves opprimés, décidés à mener notre croisade à son terme, envers et contre tous.

Evidemment, la mairie, déçue peut-être que nous ayons, contre leur attente, trouvé un semblant d'accord, n'allait pas faire machine arrière, et nous autoriser gentiment, ce qu'elle nous avait interdit début Août. La parade du fameux "Centre d'Enfouissement Technique Type 3" semblait ne pas suffire. Zut...
Ce n'étaient plus tellement les voisins qui poussaient à la roue pour nous empêcher de continuer notre ouvrage. C'était l'équipe municipale et ses employés qui prenaient la relève à leur compte.
Exaspérés sans doute, que de simples paysans leur tiennent tête de cette manière.

Là encore, interprétation, interprétation... Mais, bon !

Je me sentais d'attaque. Je voulais faire toucher terre à cet adversaire chancelant.
D'humeur belliqueuse, je relançai les hostilités :
















































































La vraie petite morveuse, cherchant les limites qu'on veut lui imposer, les repoussant à l'extrême par une insolence aiguë.

Je m'amusais terriblement, toujours. Et notre semblant de réussite galvanisait une énergie inépuisable.

J'imagine les dirigeants municipaux et leurs employés en responsabilité recevant mes missives impertinentes. Ils devaient avoir sérieusement l'envie de venir me mettre une paire de claques. Ou alors, certains s'amusaient-ils eux aussi de cette mini comédie rurale ?
Ça devait les changer, je pense, de leur routine administrative. Les distraire. Les émouvoir, peut-être ? Qui sait...


L'émotion ne les retint pas longtemps dans leurs tentatives d'opposition à notre projet.
Le 18 septembre, le maire et son équipe délibérèrent en urgence, de façon à se munir d'armes légales efficaces pour nous contrer sans possibilité de contestation.


















































































Tiens, de nouveau ce petit oblique fantaisie ! Ça faisait longtemps...

Nous entendîmes reparler de ce fameux et toujours aussi plaisant "Centre Technique d'Enfouissement type 3".
Un vaste projet, à finaliser début 2004, d'après ce document. Nous sommes, quoi, 2016 ? Ce projet est toujours en cours. Comme quoi, même la mairie n'arrive pas sans mal à ses buts...

En gros, la mairie s'autorisait et se félicitait de faire, au grand jour et en toute légalité, ce qu'elle voulait nous empêcher, à nous. Ça alors !

Evidemment ses visées n'étaient pas la mise en culture de parcelles inexploitables. Là, on voulait encaisser du sonnant et trébuchant, en quantités richement proportionnelles aux tonnages envisagés.
Ce que l'on soupçonnait, sans pouvoir le prouver, mon frère de faire, on se l'appropriait, en y mettant les formes et la manière. Bougres, bougres, bougres...
Fichtre, comme dirait l'autre !

Puisque la mairie n'arrivait pas à nous faire obéir en l'état, elle se tourna vers la maman préfecture, pour lui demander assistance. Le fameux PLU à mettre en place pour pouvoir nous imposer ce terrible "Centre d'Enfouissement Technique type 3".
Vous vous souvenez, ce comportement puéril d'adultes redevenus petits enfants ? Cette quête vers une autorité supposée pallier  ses propres faiblesses ? Et oui, même maire, on n'échappe pas à ce genre de comportements...


Je vous laisse ici.
Je vais œuvrer à ma peinture. Ce projet-ci avance rondement. Sans embûches, tout en plaisir.

A bientôt, pour la suite de notre épopée rurale !


samedi 16 janvier 2016

MIEUX QUE PENSER, RÊVER ...



Suiveurs de ce "bloc", bonsoir, ou bonjour, plutôt !

Je vis une époque particulière, où le premier sommeil de plomb me dépose amicalement sur les berges d'une contrée où l'imaginaire m'accueille en amie chaleureuse.




Un de ces paysages où, derrière de sombres silhouettes saccadées de tourments, l'azur pur d'un ciel sans nuage tend une toile parfaite où projeter ses rêves.


Ouh là, là !!... me direz-vous. Où tu vas, comme ça ?

Je ne le sais pas, pas plus que vous, où je vais. 
Du moins, comment je vais finir, oui, je le sais. Morte. 
Mais, en attendant ce triste jour, ce jour juste et nécessaire, ce seul jour concluant une longue série d'autres, promis à vivre, je veux vivre, justement, au mieux. 

Sans connaître les détours de cette vie, ses courbes et lignes droites, à l'avance. Mais en acceptant de me laisser glisser dans cette trajectoire sans opposer une résistance inutile et épuisante.

Me vient l'image de ce sport de glisse insolite : un petit équipage ramassé en une sorte de traîneau très compact se lance dans un circuit de glace creusé en un sillon étroit et arbitrairement incurvé. Le bobsleigh, peut-être ? 
Je ne suis vraiment pas calée dans ce domaine, mais je suis sûre que vous voyez à quoi je fais allusion. Je l'espère du moins. Je ne saurais pas vous le nommer mieux ni le décrire plus explicitement.
Le petit noyau dense et essentiel se lance, glisse, vite, très vite, aborde les courbes à pleine vitesse, se déporte dangereusement tout près de l'orée de la piste, risquant à quelques millimètres près d'en être éjecté. Il effleure des limites à ne pas franchir, en une griserie dangereuse.
L'équipage prend de l'allure, vertigineusement, parfois, puis, ralentit, en des temps moins oppressants, plus lents mais moins intenses.
On a l'impression que l'homme (ou les hommes ?) assis dans l'engin fou n'ont aucune part à la chose.
Qu'ils sont offerts en sacrifice à un arbitraire aveugle.
Pourtant, cette discipline fait partie d'un concours où l'on évalue, justement, la capacité humaine à tirer partie des éléments pour en ajuster au mieux les rouages, de façon à optimiser une course folle, oui, mais pourtant maîtrisable.

Ouh là, là !!... me direz-vous encore. Mais ce sont tes pauvres neurones, oui, qui sont lancés en pleine course folle, tu ne sais plus où tu vas, ma pauvre fille !
Je vous le répète, où je vais, je le sais. C'est comment j'y arrive, que je laisse glisser sous moi en un ruban que je veux croire lisse et agréable, tant que je ne me fracasse pas à une aspérité incontournable.
Ne vous ai-je pas parlé de ces petits chevaux sauvages, bien plus sympathiques à libérer que les vilains rats aux dents pointues à laisser impérativement dans l'ombre de leurs terriers ?
C'est ma seule obstination en ce bas monde. Mon pivot et ma base. Ma ressource et le fondement de ma vie.

Je m'aide dans cette trajectoire où je tâche de rester, sans sortie de piste, de vous tous. Humains, faillibles et vulnérables comme moi. Et vivants, pourtant, jusqu'à mourir.
J'ai cette chance de connaître des gens chaleureux et authentiques. Capables d'empathie et soucieux d'éclairer mes doutes à la bonne lumière.

Je vous ai montré les ornières où je manque embourber mon Karraro, parfois :






Ah oui... Ça devient limpide, comme démonstration !
Deux traces sombres et grasses, marquées dans la boue.

Mais oui, voyons ! La trajectoire à suivre, sans s'égarer et glisser en dehors, sous peine de s'embourber, de se perdre.

Voyez, de terre boueuse à glace implacable, de fil en aiguille, tout s'imbrique et se rejoint.

Vous ne voyez pas ? Je reste impossible à suivre ? Laissez tomber, je me suis bien, moi, c'est bien suffisant, pour le moment !

Il m'a semblé en rentrant ce soir apercevoir des signes de travaux dans ces parages. Mes frérots ont, je pense, essayé d'écarter ce surplus de boue, cette lippe mauvaise et prête à me faire glisser hors du droit chemin. Me sentant en difficulté, ils ont tenté de me maintenir sur la bonne trajectoire. 
Je leur en suis reconnaissante, comme je suis reconnaissante à ceux qui m'écoutent amicalement de me tenir la main, d'aider mon équipage à tenir la route.
On a parfois besoin d'un éclairage extérieur, quand les doutes et les peurs  masquent votre horizon. Quand les ramures sombres et chaotiques vous cachent les cieux lumineux derrière.

J'ai cette tendance à enfouir ce qui me tourmente, à ne pas le laisser remonter à la surface. Je le sais là, je ne me le cache pas. 
Comme la bête suitée met ses petits à l'abri quand elle sent le danger, j'écarte ce que je veux sauvegarder des remous où je ne veux surtout pas le perdre. Au risque d'ailleurs de ne plus retrouver ce que j'ai voulu préserver.
Ce risque, je le prends. Et j'assume ses conséquences, sans me plaindre ni larmoyer. Je suis persuadée de faire au mieux. Et je suis persuadée qu'on ne réussit pas toujours ce qu'on essaie, même en y mettant ses meilleures forces et volontés.
Pourtant, je garde espoir et confiance. Mes tentatives sont sincères et entières. Je n'y vais pas par quatre chemins, c'est vrai, mais je n'y vais pas à moitié ! Quand peut-être je le devrais ? Peut-être, sait-on jamais tout à fait...

Vivre, c'est bien se savoir mortel et prendre pourtant chaque moment comme si on était éternel. Entretenir soigneusement cette douce illusion, ce piège pervers et tentant de contourner une réalité pourtant implacable.
L'homme se sait faible, et se sent fort de son imaginaire capable d'aller au delà.
Ce corps périssable où se loge un esprit indestructible.
Je ne vous parle pas des neurones vulnérables. Je vous parle des idées que rien n'arrête.
Des rêves, qui animent, j'en suis sûre, même ceux-là qui ne pensent plus, tant qu'une étincelle de vie fait battre leur sang. Et peut-être même après ?
C'est ce que je veux croire, et ce qui me tient si bien debout. Comme vous, sans doute.

Décidément, mes mots de cette nuit semblent plus confus que jamais. Et pourtant, non. Pour moi, ils deviennent au fil du temps de plus en plus limpides.
Congruents. En phase avec ce que je vis, et ce que je sens, pour le dire tout simplement. Tournés vers mon objectif de toujours, la recherche de la sérénité.

Laissez-moi errer dans mes espaces intérieurs, sûrement cousins des vôtres.

Je reviens bientôt à notre Chemin des Crêtes. Là encore, un chemin, une trajectoire, un but à ne pas perdre des yeux.

Je vais retourner fermer les miens, dormir, ouvrir la porte à ces songes où la mort inéluctable n'existe plus.

A une prochaine fois, et douce nuit à tous !

vendredi 15 janvier 2016

KARRARO LE SECOND



Bonsoir à tous !





Cieux soufflés de jour tourmenté. Les averses de pluie ont succédé aux averses de grêle, tout aujourd'hui.
Des percées d'un soleil blafard, éclairait d'une lueur maladive les façades blanches. Pas un temps à mettre un chien dehors :







La mini-meute reste volontiers près du grand poêle, par un temps pareil.













Et le maître des lieux ne fait pas mieux...















Aujourd'hui pourtant, une grande affaire a animé la cour :





Le Someca de mon frère Beñat nous a quitté.

Il a été chargé dans une benne. Il ne finira pas en déchet, non, il ira vivre sa vie ailleurs.

Sa direction un peu dure sollicitait trop les bras lassés de son propriétaire.


Someca s'est montrée de bonne composition, mais sa constitution demande un conducteur jeune et vigoureux, capable de tourner ce volant récalcitrant sans trop d'efforts.





















Someca a rendu bien des services à Agorreta.
Nous lui souhaitons bonne route, dans de bonnes mains.

Ces vieilles mécaniques ont le cuir endurci. Elles résistent, savent s'adapter, et repartir pour une nouvelle carrière.










Regardez mon Karraro le redoutable.
Son ancien maître, Mizel d'Atxoenea disparu, ce vénérable engin est venu s'installer à Agorreta.
Il se plaît chez nous, je crois, et vrombit fièrement de ses vieilles forces rustiques et solides.












En remplacement de son Someca, Beñat a d'ailleurs choisi un Karraro, lui aussi.
C'est donc le second Karraro d'Agorreta, mieux chaussé que le mien, portant lui aussi allègrement ses bientôt quarante printemps.











Ttiki-Haundi ne connaîtra jamais l'exil.
Elle finira ses jours à Agorreta, comme je voudrais pouvoir le faire.
Je la fais tourner encore, en respectant les trente secondes de préchauffage nécessitées à la mise en route de ce moteur vénérable.








Mon père s'intéresse de près à ces changements. Il a été saluer le départ de ce Someca méritant, avec son gyrophare rond fièrement dressé en adieu, un peu pathétique tout de même.

Dieu merci, se dit l'homme, jamais je ne verrai le mien ainsi embarqué !

Il serait capable de donner un bon coup de bâton encore, à celui qui se risquerait à nous délocaliser Ttiki-haundi.



Nos anciens sont comme ces vieilles machines. Usés et fatigués, mais encore capables de beaucoup de choses...


Longue vie à notre regretté Someca, à notre Karraro le second, à Ttiki-Haundi, et à son maître.

Et bonne soirée à vous !