Bonjour, suiveurs des nouvelles d'Agorreta !
Cette toute petite aube me ramène à mon clavier.
J'entame ici notre épopée chemin des Crêtes.
Cette chronique restera celle d'Agorreta. Je continuerai de parcourir mon quotidien à la ferme.
Les épisodes Chemin des Crêtes viendront s'insérer entre deux actualités locales, brûlantes, ou pas.
En parlant de brûler, et en continuité avec mon entreprise des rafraîchissements et autres menues rénovations à Agorreta, il me faut commenter un détail :
J'avais pris ce cliché aux débuts de ce "bloc".
La ferme montre ici un visage bien fatigué...
Le vieil appartement dernièrement revisité est celui du premier étage, avec les quatre pièces en enfilade.
Juste au dessus de la porte-fenêtre d'entrée, face au soleil levant, au dessus de cette magnifique arche, vous notez cette coquette traînée couleur rouille.
L'ensemble n'est pas flambant ni pimpant, c'est vrai...
Pourtant, cette vilaine larme est pire encore que le reste.
Avec le délicat muret de descente de l'escalier, peut-être...
Dans l'esprit je remets un peu d'air frais dans tout ça, je ne saurais tolérer plus longtemps cette horreur pathétique.
Remontons aux causes de l'avanie :
Agorreta est chauffée à l'ancienne, (tiens donc !), au bois.
Quelques radiateurs au nom donnant à rêver suppléent les failles de cette usine à gaz en matière de confort thermique.
Des radiateurs "Nirvana"...
On s'attend à éprouver une véritable extase de bien-être, avec pareilles promesses ! Effectivement, la chaleur diffusée par ces appareils est bien agréable.
La dépense électrique étant pour moi un sujet de préoccupation parmi d'autres, j'use de ces commodités modernes, sans en abuser.
En période hivernale, dans laquelle nous avons été brutalement plongés cette semaine, sans grande sommation, nous allumons le poêle, trônant dans la cuisine, en bas :
Vous apercevez l'engin, à droite du fauteuil des chiens.
Ce poêle est une chaudière à bois.
De belles proportions et d'une capacité de chauffe suffisante à faire ronronner d'aise l'ensemble de la ferme.
A condition de l'alimenter en abondance d'une bonne dizaine de stères de bois chaque année.
La brouettée de bûches couvre les besoins d'une journée, en marche continue.
Nous avions avant ce monstre, une autre chaudière, toujours à bois, beaucoup plus modeste.
Elle datait, comme tout date, à Agorreta.
Ma défunte mère,du temps où elle était à la direction logistique des opérations, était pire encore que moi. Elle faisait durer les choses jusqu'à un extrême déraisonnable, pour ne pas "gâcher".
Notre ancienne chaudière, déjà limitée en puissance, incapable de fournir l'énergie nécessaire à maintenir une bonne température dans toutes ces pièces à l'isolation inexistante, aux huisseries anciennes et inefficaces, s'épuisait sans chauffer grand chose.
Elle tombait en lambeaux, avec les plaques de fontes zébrées d'estafilades et de fentes un peu partout.
C'est bien simple, pour espérer l'allumer, il fallait ouvrir la cuisine en grand, par ces journées de petits vents frisquets de noroît, histoire d'impulser un tirage malmené par les prises d'air multiples et accidentelles ouvertes de tous les côtés du poêle. Très chaleureux...
Là encore, une bonne partie de l'énergie dispensée à grand peine, fuitait dans le boisseau largement béant, en privant d'autant l'habitation.
Une installation "à l'Agorreta", comme nous les déplorons.
La fumée serpentait en langues d'une souplesse féline par les interstices des plaques de fonte, dès que la cheminée ouverte n'aspirait pas suffisamment d'air chaud.
Nous nous maintenions tapis au sol, pour ne pas mourir asphyxiés par ces fumées épaisses.
Vous imaginez les dépôts de suies grasses et autres inconvénients à l'avenant, dans la vieille cuisine.
Elle porte les stigmates visibles de tous ces mauvais traitements.
Celle-ci aussi, il va falloir la repeindre... l'été prochain, quand nous ne ferons plus de feu !
Nous avons installé la nouvelle chaudière, au moment où ma mère, suffisamment affaiblie par la maladie, frileusement recroquevillée sur le fauteuil près du vieux poêle épuisé et inopérant, a accepté de baisser la garde, et admis sans s'étouffer de rage cette dépense.
Certes, notre plombier de l'époque, un de ceux là qui ne veulent plus entendre parler de notre "surpresseur" d'eau (référez-vous à l'article "Agorreta et l'eau", quelque part plus haut), n'y était pas allé de main morte. Il avait introduit chez nous une bête ! Et la facture nous avait parue toute aussi monstrueuse que l'engin...
Enfin, au diable l'avarice et les avaricieux ! Nous avions consenti cet effort.
"Là, vous serez tranquilles !" nous avait assuré ce grand professionnel si sympathique. Il est d'ailleurs lui-même de grande taille et proportions, buttant de la tête sur le manteau de la cheminée haute, ouverte à près de deux mètres du sol.
Pas du tout le gabarit adapté à nos installations étriquées, type celle de la susdite pompe à eau...
Bref, nous sommes ainsi bien équipés, d'un appareil monumental. Et capable de chauffer une église, si on déboise quelques hectares alentours.
L'installation, tuyauteries, radiateurs, est celle d'origine. L'achat de la chaudière nous avait ruinés, nous ne pouvions pas assumer la refonte de l'installation complète.
"Ca va aller", toujours selon le plombier.
Et ça va, en effet. L'eau chaude circule bien à peu près partout, serpente dans les radiateurs de fonte, et dispense une chaleur douce et confortable à souhait.
Notre vieille ferme, accueillant en son sein ce visiteur imposant, a subi quelques secousses, dues à cette soudaine chaleur dispensée dans les pièces les plus reculées.
Là où avant, nous maintenions péniblement un petit quinze degrés, grâce à la puissance en marche de notre "De Dietrich" germanique, nous étions rendus à haleter de chaleur.
Les enduits, boiseries, et autres tuyaux jusque là maintenus dans une tiédeur toute relative, s'offusquèrent de ces montées en températures inusitées.
Elles fissurèrent, craquèrent, fendirent, et rendirent l'âme, même, par endroits.
La chaudière chauffe de l'eau, et un petit moteur l'envoie colporter la bonne nouvelle à travers la bâtisse, par un circuit de tuyaux longeant le grenier. Une vraie chaufferie de paquebot.
Les tuyaux, d'un diamètre sans doute insuffisant, glougloutent et gargotent au passage de cette horde de messagers pressés. Parfois, quand la chaudière trop alimentée monte en puissance, les gargouillis deviennent rugissements, et font trembler les murs.
Un dispositif de sécurité est prévu, juste avant le risque d'explosion : une soupape, une échappatoire, une issue pour libérer ce trop plein d'énergie impossible à contenir.
Le système est rudimentaire, mais efficace.
Un tuyau, ouvert sur l'extérieur, relâche le surplus d'eau bouillonnante, pour faire baisser la pression trop forte.
Un jet d'eau très chaude, fumante, recraché sans plus de manière, en un jet libératoire. Une sorte de rot violent et liquide, si vous voulez. Pas un vomissement, trop dégoûtant, non, un surgissement de lave en fusion.
Ce tuyau-soupape de sécurité sort de la ferme au niveau de la panne de toiture, juste au dessus de la porte-fenêtre d'entrée de l'appartement de l'étage. Vous suivez ?
Le plombier originel, celui qui avait élaboré l'installation de chauffage au départ, bien avant notre géant "De Dietrich", à l'époque petit communiant sans doute, devait avoir manqué de temps, ou de matériel.
Il avait fait surgir trente centimètres de tuyau en cuivre à travers le mur épais, et l'avait laissé ainsi, en l'état, petit appendice à l'allure inoffensive, et pourtant...
A l'usage, ce tuyau dégorgeait son eau bouillante juste au dessus du balcon. C'est-à-dire que si vous vous trouviez à sortir du vieil appartement, au moment où l'eau trop chaude se faisait expulser au dessus de votre tête, vous vous retrouviez ébouillanté, tout simplement...
L'appartement, loué en été aux estivants, n'était pas souvent occupé en hiver, période de mise en marche de la chaudière, et de danger potentiel, donc.
Sauf quand j'y ai vécu moi-même, une petite dizaine d'années !
Dieu merci, c'était à l'époque de la première chaudière, celle qui n'arrivait même pas à tiédir les radiateurs. Les surplus passionnels d'énergie étaient rares, et les risques d'accident en "ébouillantements" improbables.
Quand la "De Dietrich" prît le relais, le petit tuyau fut beaucoup plus sollicité, et les jets de vapeur brûlants plus fréquents.
Pour ne pas échauder la panne, nous rallongeâmes sommairement les trente centimètres de tuyau de cuivre, en y emmanchant un autre tuyau, à peine plus large, et plus long.
Le jet était propulsé un peu plus loin, au milieu de la cour, en fait. On pouvait espérer sortir de la ferme, et éviter cet arc meurtrier. Par contre, un visiteur innocent, stationné là, risquait gros... Plus d'une fois, nous avons du faire écarter l'inconscient d'un danger sans préavis.
Quelques voitures ont pris une douche imprévue, aussi. Mais rien de trop préjudiciable. Ces tôles résistent assez bien à la chaleur, au final.
Le tuyau rajouté n'avait pas été trop ajusté, vous nous connaissez. L'angle pas trop calculé non plus. Une partie de l'eau, passé le premier flot précipité dans l'urgence, refoulait ensuite en arrière, et, revenant contre le mur, suintait grassement sa rouille en glissant vers le bas.
Dessinant cette gracieuse traînée, jusque sur le volet. Celle salissant le balcon vous montre l'angle de chute de l'eau chaude issue de la première installation, au départ.
Voyez, tout ça s'explique clairement, quand, comme ça, sans historique, on ne comprend pas bien. Là encore...
Depuis, nous avons pris des dispositions. L'eau surchauffée est guidée dans une vidange discrète et sans traces. Un progrès, n'est-ce pas ?
Je vais maintenant barbouiller d'un peu de blanc cette honteuse balafre. Pas trop parfaitement, non plus, pour ne pas dénoter avec le reste. La façade entière, ça me fait beaucoup à faire, tout de même. Engager un peintre, beaucoup à dépenser, alors, non...
Pas d'inquiétude, mon travail sera suffisamment imparfait pour ne pas offenser l'environnant.
Notre chaudière bouillonnante d'une passion excessive a craché ses violences à la face d'Agorreta. Puis, elle et nous, nous avons appris à nous connaître. Nous l'alimentons petit à petit, sans excès. Et tout se passe maintenant bien mieux.
De la même façon, Chemin des Crêtes, nous avons connu des éruptions passionnelles exacerbées. Et, le temps passant, les gens s'apprivoisant doucement, nous avons retrouvé la quiétude.
Je vous raconte tout ça bientôt.
En attendant, je vais descendre à l'étable, puis, aller saluer la "De Dietrich", monstre sagement endormi, à réveiller en douceur.
A une autre fois, et portez-vous bien !