Bonjour à tous !
Le cousin repose maintenant auprès de son fils.
Le drame nous amènera encore à nous interroger. Cet homme ne faisait pas partie de notre paysage quotidien. Sa disparition ne nous frappe pas comme elle afflige sa veuve ou ses amis proches.
Pour nous, la vie se remet en route, à peine infléchie par cet accroc.
Et cela doit être ainsi. La pulsion positive de la vie doit primer. L'onde de choc s'atténuer, et laisser place au retour d'une possibilité de croire en son avenir.
Le drame est terrible. Le quotidien reprend pourtant ses droits. Sinon, si l'ombre de la mort fait peser son aile sans s'écarter, la vie a perdu le combat. Heureusement, le temps souvent infléchit les choses et laisse passer assez de lumière pour se remettre en marche.
Et c'est le mieux qu'il puisse arriver.
A Agorreta, mes courges et citrouilles sont remisées au fond de l'étable depuis quinze jours.
Il ne suffit pas d'engranger une récolte. Il faut encore la veiller. Rester vigilant, quand l'adversité reste toujours prête à mordre...
La citrouille se conserve bien, à l'abri du gel et des coups. Elle passe en principe l'hiver sans bouger. L'année dernière, j'en ai fait consommer à mes vaches jusqu'au début du printemps, et les dernières étaient en parfaite tenue.
Cependant, certains fruits, blessés à la récolte, ou mal mûris, ou tout simplement parce-qu'il en est ainsi, (il ne faut pas toujours chercher des explications aux choses), ne se conservent pas.
Un mouvement intérieur malsain les mine.
De petites tâches foncées apparaissent, discrètes et pernicieuses.
Le cousin repose maintenant auprès de son fils.
Le drame nous amènera encore à nous interroger. Cet homme ne faisait pas partie de notre paysage quotidien. Sa disparition ne nous frappe pas comme elle afflige sa veuve ou ses amis proches.
Pour nous, la vie se remet en route, à peine infléchie par cet accroc.
Et cela doit être ainsi. La pulsion positive de la vie doit primer. L'onde de choc s'atténuer, et laisser place au retour d'une possibilité de croire en son avenir.
Le drame est terrible. Le quotidien reprend pourtant ses droits. Sinon, si l'ombre de la mort fait peser son aile sans s'écarter, la vie a perdu le combat. Heureusement, le temps souvent infléchit les choses et laisse passer assez de lumière pour se remettre en marche.
Et c'est le mieux qu'il puisse arriver.
A Agorreta, mes courges et citrouilles sont remisées au fond de l'étable depuis quinze jours.
Il ne suffit pas d'engranger une récolte. Il faut encore la veiller. Rester vigilant, quand l'adversité reste toujours prête à mordre...
La citrouille se conserve bien, à l'abri du gel et des coups. Elle passe en principe l'hiver sans bouger. L'année dernière, j'en ai fait consommer à mes vaches jusqu'au début du printemps, et les dernières étaient en parfaite tenue.
Cependant, certains fruits, blessés à la récolte, ou mal mûris, ou tout simplement parce-qu'il en est ainsi, (il ne faut pas toujours chercher des explications aux choses), ne se conservent pas.
Un mouvement intérieur malsain les mine.
De petites tâches foncées apparaissent, discrètes et pernicieuses.
Le mal est peu visible. Il démarre à bas-bruit, et on peut facilement l'ignorer.
Si l'on y regarde pas de près, la citrouille semble se porter tout à fait bien.
Mais notez la multiplication de ces petits bubons.
Ils sont les signes avant-coureur d'une peste souterraine.
Il faut intervenir dès l'apparition de ces premières alarmes. A ce stade, la citrouille est encore en chair. Elle n'a pas commencé à fondre en eau.
Si on extirpe les zones atteintes, on peut la faire consommer avec profit.
Je repère mes citrouilles touchées, et je les débarrasse des tranches touchées.
J'ai ici deux gros fruits entamés de la sorte. Comme ils sont trop lourds, je les découpe sur place.
La pourriture enlevée, la tranche mise à l'air séchera un peu, mais la chair sera parfaitement consommable.
Une grosse citrouille comme celles-ci nourrit mes vaches plusieurs jours. Je prélève une quotte-part pour la soupe familiale.
De cette manière, je ne perds pas la chair.
Et mes vaches se chargent bien volontiers d'assainir ma réserve :
Citrouille dans toutes les rations, ces temps-ci, et à volonté !
La citrouille pourrit très rapidement si on la laisse aller quand elle marque ainsi sa défaillance.
Elle fondra en eau depuis l'intérieur. Sa silhouette s'effondrera à la toute fin de la décomposition, quand la peau épaisse n'aura plus suffisamment de rigidité pour maintenir son allure.
Elle peut rester ronde, et ne s'écrouler qu'en dernière extrémité, quand à l'intérieur toute sa chair s'est répandue en une flaque d'eau sous elle.
Une odeur de carton mouillé, un peu douce et sucrée est une alerte bien trop tardive. Le mal est fait, et il n'y a plus rien à consommer !
La citrouille pourrit comme elle a vécu, ronde et bonhomme, sans agresser ni heurter quiconque.
Elle masque ses blessures et ses faiblesses. Garde sauves les convenances jusqu'au bout du bout. Et se laisse perdre d'avoir tant voulu taire.
Un effondrement brutal et imprévisible, même à un œil moyennement vigilant.
Je vous vois lever un sourcil, vous dire, non, quand-même elle ne va pas faire ça !
Elle ne va tout de même pas avoir le mauvais-goût et la malséance de faire un rapprochement aussi indécent...
Oui, je vais l'avoir, ce mauvais-goût, et je la revendique cette malséance.
Je vais le faire, ce rapprochement, sans pourtant manquer de respect à un mort, ni heurter ses proches.
Je les connais, n'oubliez pas. Je suis de cette famille, et j'ai déjà eu à vivre des deuils.
Nous avons l'usage, assez répandu je crois, de prendre une collation en famille, à la fin des cérémonies d'enterrement.
Je me souviens de la dernière à Agorreta, quand ma défunte mère a été inhumée.
Evidemment, parfois, souvent, les gorges se serrent et les paroles se nouent, à ces occasions.
La tristesse est là. Chacun la vit et la manifeste à sa façon.
Nous sommes beaucoup dans la retenue, quand il s'agit d'émotions de ce genre. Je le regrette. Une bonne crise de larmes libère. Et si la crainte d'embarrasser celui qui vous voit pleurer peut se comprendre, elle ne devrait quand-même pas entraver l'expression saine d'une émotion bien naturelle.
On se cache un peu, pour pleurer, à Agorreta.
Par contre, pour ce qui est de rire, de plaisanter, même sur des sujets qui en principe ne prêtent pas trop à ça, là, on ne se prive pas !
A cette collation, le jour de l'enterrement de ma mère, nous étions réunis dehors, autour d'un goûter.
Je me souviens qu'on y a ri, de bon cœur, même si la peine n'était pas loin.
Et ça nous a fait du bien, à tous, à nous, ses enfants, et à mon père, son mari.
Ma mère vivait avec nous, elle a longtemps plané sur nos vies. Sa fin, prévisible, n'était pas un choc. Mais c'était la perte d'une mère, d'une épouse.
Ces rires ce jour là n'ont semblé déplacés à personne. Je vous le redis, ils nous ont soulagé d'émotions contenues et alourdies de l'être.
Le débat du "peut-on rire de tout ?" n'est pas inédit.
Je ne suis pas d'une délicatesse extrême, et mes manières sont souvent trop directes et dénuées de précautions.
Je crois tout de même avoir la sensibilité de ne pas heurter ceux qui souffrent, de ne pas appuyer sur des blessures douloureuses.
Ces comportements s'adaptent à chaque situation, et à chaque personnalité dans la situation donnée.
Je ne crois pas à un code de bonne conduite universel, et transposable partout.
Nous avons à Agorreta une façon qui nous va bien de nous colleter à la mort.
De la famille, je ne suis pas la moins 'brute de décoffrage". Il m'arrive de mettre les pieds dans le plat, de commettre des maladresses.
Je réitère pourtant ma revendication de ne pas me plier à des convenances arbitraires. On ne plaisante pas de la mort, on ne sort pas en ville avec ses bottes d'étable.
Et bien moi, je le fais. Et je le fais en respectant les autres. Je compatis à une peine, je tente d'apaiser une souffrance, j'évite d'empester une pièce fermée d'effluves animales...
Ma cousine a en elle le sursaut de vie. Elle s'accroche à ce qui la tire vers la clarté, elle a besoin de rire, même entre deux pleurs.
Je ne sais pas toujours ce qu'il est "convenable" de faire. Je n'ai pas les usages de la "bonne société". J'ai la prétention de savoir entendre et repérer une attente de celui que j'écoute.
Et si mes plaisanteries, mes comportements, mes mots, heurtent ou paraissent déplacés, je suis persuadée qu'ils font du bien à ceux à qui ils sont prioritairement destinés.
Pour les autres, j'en tiens pour mes théories d'affranchissement. La vie en société requiert évidemment des règles de conduite. On ne peut pas tout faire, laisser libre cour à tout ce qui nous traverse, sans tamiser nos élans spontanés.
Pour autant, les convenances ne doivent pas nous enfermer. Ne doivent surtout pas enfermer les pulsions positives qui nous viennent, en toutes occasions.
L'élan de vie, l'envie de rire, aussi, quand on frôle l'horreur de la mort, sont naturels. Ils ne sont pas malséants.
Mes rapprochements oiseux entre l'effondrement comique d'une citrouille, et la tragédie de l'effondrement d'un pauvre homme sont sûrement de mauvais goût.
Mon entêtement à mêler l'ordinaire et l'exceptionnel, le rire et les larmes, au delà de ce qu'il est correct d'exprimer, au delà du mépris de ces banalités sans doute inintéressantes et pourtant riches d'enseignements, est l'une de mes rares certitudes. Toutes ces choses là se mêlent et doivent le faire.
Mes courges longues, moins connues que les traditionnelles citrouilles rondes, sont bien plus rustiques et se conservent beaucoup mieux.
Elles présentent une autre figure, moins attendue.
Leur chair est plus appétissante, même. Comme quoi... Même chez les courges, les convenances ne garantissent rien !
A bientôt, amis suiveurs de ce "bloc".
Ne vous offusquez pas de mes pathétiques cabrioles. Elles m'aident à vivre mieux.