vendredi 30 octobre 2015

CONVENANCE INCONVENANCE




Bonjour à tous !

Le cousin repose maintenant auprès de son fils.
Le drame nous amènera encore à nous interroger. Cet homme ne faisait pas partie de notre paysage quotidien. Sa disparition ne nous frappe pas comme elle afflige sa veuve ou ses amis proches.

Pour nous, la vie se remet en route, à peine infléchie par cet accroc.
Et cela doit être ainsi. La pulsion positive de la vie doit primer. L'onde de choc s'atténuer, et laisser place au retour d'une possibilité de croire en son avenir.
Le drame est terrible. Le quotidien reprend pourtant ses droits. Sinon, si l'ombre de la mort fait peser son aile sans s'écarter, la vie a perdu le combat. Heureusement, le temps souvent infléchit les choses et laisse passer assez de lumière pour se remettre en marche.
Et c'est le mieux qu'il puisse arriver.

A Agorreta, mes courges et citrouilles sont remisées au fond de l'étable depuis quinze jours.
Il ne suffit pas d'engranger une récolte. Il faut encore la veiller. Rester vigilant, quand l'adversité reste toujours prête à mordre...
La citrouille se conserve bien, à l'abri du gel et des coups. Elle passe en principe l'hiver sans bouger. L'année dernière, j'en ai fait consommer à mes vaches jusqu'au début du printemps, et les dernières étaient en parfaite tenue.

Cependant, certains fruits, blessés à la récolte, ou mal mûris, ou tout simplement parce-qu'il en est ainsi, (il ne faut pas toujours chercher des explications aux choses), ne se conservent pas.

Un mouvement intérieur malsain les mine. 
De petites tâches foncées apparaissent, discrètes et pernicieuses. 





Un petit chancre, un affaissement dans la peau épaisse et dure.















Le mal est peu visible. Il démarre à bas-bruit, et on peut facilement l'ignorer.
Si l'on y regarde pas de près, la citrouille semble se porter tout à fait bien.
Mais notez la multiplication de ces petits bubons.
Ils sont les signes avant-coureur d'une peste souterraine.









Il faut intervenir dès l'apparition  de ces premières alarmes. A ce stade, la citrouille est encore en chair. Elle n'a pas commencé à fondre en eau.
Si on extirpe les zones atteintes, on peut la faire consommer avec profit.

Je repère mes citrouilles touchées, et je les débarrasse des tranches touchées. 




J'ai ici deux gros fruits entamés de la sorte. Comme ils sont trop lourds, je les découpe sur place.
La pourriture enlevée, la tranche mise à l'air séchera un peu, mais la chair sera parfaitement consommable.

Une grosse citrouille comme celles-ci nourrit mes vaches plusieurs jours. Je prélève une quotte-part pour la soupe familiale.

De cette manière, je ne perds pas la chair.
Et mes vaches se chargent bien volontiers d'assainir ma réserve :








Citrouille dans toutes les rations, ces temps-ci, et à volonté !

La citrouille pourrit très rapidement si on la laisse aller quand elle marque ainsi sa défaillance.
Elle fondra en eau depuis l'intérieur. Sa silhouette s'effondrera à la toute fin de la décomposition, quand la peau épaisse n'aura plus suffisamment de rigidité pour maintenir son allure. 
Elle peut rester ronde, et ne s'écrouler qu'en dernière extrémité, quand à l'intérieur toute sa chair s'est répandue en une flaque d'eau sous elle.
Une odeur de carton mouillé, un peu douce et sucrée est une alerte bien trop tardive. Le mal est fait, et il n'y a plus rien à consommer !

La citrouille pourrit comme elle a vécu, ronde et bonhomme, sans agresser ni heurter quiconque.
Elle masque ses blessures et ses faiblesses. Garde sauves les convenances jusqu'au bout du bout. Et se laisse perdre d'avoir tant voulu taire.

Un effondrement brutal et imprévisible, même à un œil moyennement vigilant.

Je vous vois lever un sourcil, vous dire, non, quand-même elle ne va pas faire ça !
Elle ne va tout de même pas avoir le mauvais-goût et la malséance de faire un rapprochement aussi indécent...

Oui, je vais l'avoir, ce mauvais-goût, et je la revendique cette malséance.
Je vais le faire, ce rapprochement, sans pourtant manquer de respect à un mort, ni heurter ses proches.

Je les connais, n'oubliez pas. Je suis de cette famille, et j'ai déjà eu à vivre des deuils.

Nous avons l'usage, assez répandu je crois, de prendre une collation en famille, à la fin des cérémonies d'enterrement.
Je me souviens de la dernière à Agorreta, quand ma défunte mère a été inhumée.

Evidemment, parfois, souvent, les gorges se serrent et les paroles se nouent, à ces occasions.
La tristesse est là. Chacun la vit et la manifeste à sa façon. 
Nous sommes beaucoup dans la retenue, quand il s'agit d'émotions de ce genre. Je le regrette. Une bonne crise de larmes libère. Et si la crainte d'embarrasser celui qui vous voit pleurer peut se comprendre, elle ne devrait quand-même pas entraver l'expression saine d'une émotion bien naturelle.
On se cache un peu, pour pleurer, à Agorreta.

Par contre, pour ce qui est de rire, de plaisanter, même sur des sujets qui en principe ne prêtent pas trop à ça, là, on ne se prive pas !
A cette collation, le jour de l'enterrement de ma mère, nous étions réunis dehors, autour d'un goûter.
Je me souviens qu'on y a ri, de bon cœur, même si la peine n'était pas loin.
Et ça nous a fait du bien, à tous, à nous, ses enfants, et à mon père, son mari.
Ma mère vivait avec nous, elle a longtemps plané sur nos vies. Sa fin, prévisible, n'était pas un choc. Mais c'était la perte d'une mère, d'une épouse.
Ces rires ce jour là n'ont semblé déplacés à personne. Je vous le redis, ils nous ont soulagé d'émotions contenues et alourdies de l'être.

Le débat du "peut-on rire de tout ?" n'est pas inédit.
Je ne suis pas d'une délicatesse extrême, et mes manières sont souvent trop directes et dénuées de précautions.
Je crois tout de même avoir la sensibilité de ne pas heurter ceux qui souffrent, de ne pas appuyer sur des blessures douloureuses.

Ces comportements s'adaptent à chaque situation, et à chaque personnalité dans la situation donnée.
Je ne crois pas à un code de bonne conduite universel, et transposable partout.

Nous avons à Agorreta une façon qui nous va bien de nous colleter à la mort.
De la famille, je ne suis pas la moins 'brute de décoffrage". Il m'arrive de mettre les pieds dans le plat, de commettre des maladresses.
Je réitère pourtant ma revendication de ne pas me plier à des convenances arbitraires. On ne plaisante pas de la mort, on ne sort pas en ville avec ses bottes d'étable.
Et bien moi, je le fais. Et je le fais en respectant les autres. Je compatis à une peine, je tente d'apaiser une souffrance, j'évite d'empester une pièce fermée d'effluves animales...

Ma cousine a en elle le sursaut de vie. Elle s'accroche à  ce qui la tire vers la clarté, elle a besoin de rire, même entre deux pleurs.

Je ne sais pas toujours ce qu'il est "convenable" de faire. Je n'ai pas les usages de la "bonne société". J'ai la prétention de savoir entendre et repérer une attente de celui que j'écoute.
Et si mes plaisanteries, mes comportements, mes mots, heurtent ou paraissent déplacés, je suis persuadée qu'ils font du bien à ceux à qui ils sont prioritairement destinés.

Pour les autres, j'en tiens pour mes théories d'affranchissement. La vie en société requiert évidemment des règles de conduite. On ne peut pas tout faire, laisser libre cour à tout ce qui nous traverse, sans tamiser nos élans spontanés.
Pour autant, les convenances ne doivent pas nous enfermer. Ne doivent surtout pas enfermer les pulsions positives qui nous viennent, en toutes occasions.
L'élan de vie, l'envie de rire, aussi, quand on frôle l'horreur de la mort, sont naturels. Ils ne sont pas malséants.

Mes rapprochements oiseux entre l'effondrement comique d'une citrouille, et la tragédie de l'effondrement d'un pauvre homme sont sûrement de mauvais goût.
Mon entêtement à mêler l'ordinaire et l'exceptionnel, le rire et les larmes, au delà de ce qu'il est correct d'exprimer, au delà du mépris de ces banalités sans doute inintéressantes et pourtant riches d'enseignements, est l'une de mes rares certitudes. Toutes ces choses là se mêlent et doivent le faire.

Mes courges longues, moins connues que les traditionnelles citrouilles rondes, sont bien plus rustiques et se conservent beaucoup mieux.
Elles présentent une autre figure, moins attendue.
Leur chair est plus appétissante, même. Comme quoi... Même chez les courges, les convenances ne garantissent rien !





A bientôt, amis suiveurs de ce "bloc".
Ne vous offusquez pas de mes pathétiques cabrioles. Elles m'aident à vivre mieux.

mercredi 28 octobre 2015

ADIEU René




Bonjour à tous.






Notre cousin s'est pendu dimanche soir, après être venu nous rendre visite dans la journée.
Nous l'avons appris lundi.

Nous ne pouvons pas comprendre un tel geste, nous qui, pour la plupart, connaissons une peur viscérale de cette mort qu'il est allé volontairement chercher.
Ce geste terrible est en dehors de notre entendement, et doit rester en dehors de tout jugement.
Ses tout proches, sa femme, notre cousine, ses amis, sont sidérés, évidemment, et anéantis.

Sans doute nourriront-ils en plus d'un chagrin brutal et terrible, une part de colère bien légitime, contre celui-là qui leur inflige une telle épreuve.
Cette colère est juste, autant que stérile, bien-sûr.

Cet homme savait l'horreur d'une perte aussi saisissante. Il l'a connue. 
Mes cousins bordelais ont perdu leur fils dans un accident de la route.

Un tout jeune homme, beau et doux comme un ange. Tout le monde s'étonnait de la grâce de cet enfant. Il était beau, son visage était parfait, pur et clair.
Il paraissait incongru dans notre famille. Nous ne sommes pas franchement laids, mais plutôt communs. Et lui, cet enfant, ce jeune homme ensuite, sortait extraordinairement du lot.

Cet enfant angélique est mort avant de devenir un homme, dans la plénitude de sa grâce.
Ses parents ont vécu cette perte effroyable. Elle marque leur vie pour toujours.

Ils ont connu l'immense bonheur d'avoir conçu cet enfant incroyable. 
Ils ont vécu l’incommensurable chagrin de se le voir si brutalement enlevé.

L'homme a lutté longtemps avec le poids de cette peine. Il a essayé vaillamment de poursuivre sa route.
Il se montrait dimanche encore truculent et jovial. 

Nous ne savons pas les cheminements intérieurs qui tramaient leurs arabesques en lui. Lui-même les démêlait sans doute mal.

René est mort maintenant. Je ne sais pas si dans son projet il y avait l'idée de rejoindre son fils. Sûrement y avait-il une profonde lassitude, la tentation de lâcher prise, de ne plus lutter contre un sort injuste et incompréhensible.

Nous ne saurons pas, et lui ne pourra pas nous en dire davantage.

Nous pouvons tous nous sentir responsables de ne pas avoir su lever ce poids. Coupables de continuer de vivre encore, et de refuser la mort qu'il s'est, lui, donnée.

Pourtant, là où l'étincelle n'est plus, personne ne fera repartir l'envie de vivre.

René a choisi de mourir. Nous ne pouvons que nous incliner.
Garder de lui, quand l'image trop violente de son geste se sera atténuée, le souvenir de l'homme énergique, de ses éclats de voix tonitruants, de ce courage de continuer de vivre, quand-même, et de décider sa mort, enfin.


Que son acte désespéré le libère à jamais, et lui apporte la paix. 
Que lui soit pardonné la souffrance des autres, quand la sienne n'a pas pu s'apaiser.

lundi 26 octobre 2015

VANNEAU NE VOLERA PLUS...




Bonjour !

Le vent du sud ébouriffe les feuillages moribonds et les envoie bouler contre les talus.
Des coups de fusil claquent, secs et rapprochés.




Malgré ça, l'ambiance est calme, alanguie.
Une période d'automne pleine de son sens, d'achèvement, de pré-repos.

J'en suis là, dans cette posture d'attente évoquée dernièrement. 
Une attente placide, sans impatience. Je serais un peu déçue si rien ne se passe, si rien ne change dans le cour de mes jours à Agorreta, cet hiver. Déçue de mon manque de clairvoyance, de m'être laissée abuser par des mouvements pressentis, des déplacements sous-terrains devinés. 
De n'être pas mieux sensitive, mieux inspirée dans mes projections.

Soulagée peut-être, d'une certaine façon, de continuer ce cheminement paisible et confortable, d'avoir encore l'occasion d'apprécier ce temps, tel que je le connais.
Une diffuse envie de changement de cap, un repli de sécurité dans le même temps.

Je vois bien comment je m'arrange par anticipation de ce qui pourrait arriver, ou ne pas arriver. Toutes les simulations et prospectives doivent contenir dans un cadre des possibles, et mon attitude s'y préparer.
Pourtant, comme souvent, ce qu'il adviendra me surprendra, et toutes mes préparations et anticipations ne vaudront pas grand chose à ce moment là...
S'il n'advient rien, je perdrai confiance en mes sensations, un peu, pas bien longtemps sans doute. Si je n'arrange carrément pas la réalité à ma sauce, en impulsant un sens là où il n'est pas, ce dont je suis bien capable aussi.

Tout ceci toujours aussi confus et peu palpable, évidemment.

C'est aussi tout bêtement le syndrome de la fin d'année, avec un recommencement en perspective derrière, quand tout va bien. Une date arbitraire choisie, pour assouvir le besoin de scander un temps trop difficile à retenir, en le marquant, faute de pouvoir l'arrêter.







Zaldi veille sur le troupeau de vaches couchées, sentinelle fière et attentive.


















Le champ où les récoltes sont terminées a été nettoyé. 
Mon père surveille le brûlage des mauvaises herbes coupées et alignées en rangs.
Le labourage sera facilité de cette broussaille enlevée.
Si l'on fume par dessus ce tapis de saletés, la charrue a du mal à pénétrer la terre au travers de ce capiton résistant.
L'an dernier, les pieds de maïs broyés empêchaient le soc de plonger en terre. Des amas s'empilaient sur le bord du sillon. Il fallait les y remettre au fur et à mesure de l'avancée du labourage, à la fourche.
Quel travail approximatif, et indigne de grands cultivateurs d'Agorreta...

Le changement d'heure cette dernière fin de semaine nous rapproche des rythmes solaires.
Mes vaches n'ont pas trop marqué le décalage, amorti sur deux jours.

Les chasseurs sont nombreux sur les hauts d'Agorreta.
Vendredi, j'ai ramassé un vanneau blessé de plomb dans l'aile. Il trébuchait sur le chemin, gêné par cette aile tombante.
Je l'ai ramassé, et ramené à la ferme.
Renseignée sur l'alimentation de la bête, je me suis mises en quête de vers de terre. J'étais persuadée d'en faire une bonne provision sans mal, autour du tas de fumier, ou sous quelques vieilles planches pourries négligées ici ou là. Dans les parages, nous avons ainsi quelques coins un peu dégradés.
Et bien, pas du tout ! J'ai gratté, creusé, retourné. Certes, j'ai débusqué quelques vers aux contorsions saccadées. Mais peu... Je les ai présentés à mon vanneau sinistré. Il me les a gobés dans la minute !
Quel appétit, ce vorace ! Jamais, me suis-je dit, je n'arriverai à assouvir cette faim. Je ne peux tout de même pas passer ma journée à chercher des vers en quantité suffisante pour nourrir un oiseau !

Olivier m'a éduquée sur les mœurs du vanneau commun. Il vit paraît-il dans les zones humides, raffole des vers de vase, plutôt. Pour les faire sortir de terre, il danse, tapotant de ses pattes la surface en rythme, tel le sioux appelant la pluie, le chant hululant en moins. 
Tiens donc, j'ignorais, moi, ce stratagème ! Jamais ne me serait venue l'idée d'appeler ainsi à moi les petits vermisseaux...

Sentant mon mari mieux armé que moi pour nourrir mon vanneau blessé, je le lui ai confié.
Il est maintenant dans les Landes, parqué avec des tortues. Oui, moi, j'élève des vaches au Pays-basque, quand mon mari élève des tortues dans les Landes.

Chacun son bétail de prédilection...

Je suis sûre que mon rescapé se remettra. Mais plus jamais paraît-il, il ne volera.
Pour lui, l'automne a été le temps d'une cassure dans sa petite vie d'oiseau.
De ces cassures, dont on se passe volontiers. 

Finalement, même quand vous viennent des envies d'autre chose, il faut garder en tête que ce après quoi on bêle, on donnera tout pour ne jamais l'avoir espéré, le jour où ce temps d'aujourd'hui ne nous sera plus possible.

Mon vanneau sauvé vivra bien, peut-être. S'il réussit à oublier qu'avant, il volait.

A une prochaine fois, amis du "bloc" d'Agorreta !









vendredi 23 octobre 2015

HUMEUR MAUVAISE




Bonjour à tous !





Le temps ce matin était bien incertain. Une brume assez dense, feutrant les rais de soleil en une lueur improbable.
Une ambiance en suspens, où tout pouvait s'attendre.
Finalement, les brumes se sont évanouies, et le franc soleil réchauffe largement.

Mon humeur du jour est comme ce début de journée. Très partagée.
Je n'arrive pas à me défaire d'une nervosité sans raison. Rien ne me contente, et tout me semble mauvais...

Je ne sais pas comment me sortir de ce mauvais pas. Et de n'avoir pas de justification particulière à être aussi mal avenante ne me facilite pas la chose, évidemment !

Depuis hier d'ailleurs, rien ne me va. Je détermine parfaitement les occurrences objectivement de nature à ne pas me satisfaire. Il y en a toujours, quand on fait un tour d'horizon un peu élargi de la situation.
Cependant, sans les minimiser, ces désagréments ne sont pas inédits ou en quantité suffisante pour me noircir ainsi le tempérament.

C'est ainsi, ces jours-ci, je suis à crocs, à cran, sans ressort et toute nouée.
Bien, il n'est que d'attendre. Cela passera, sans doute.

Un sale rhume me congestionne désagréablement le naseau, empêche la correcte oxygénation de mon cerveau, et ne contribue certainement pas à arranger la chose.
Tout de même, enrhumée, je l'ai été déjà, et ça ne m'a pas rendue aussi imbuvable.

Une affaire d'hormone en bouleversements, peut-être. Une étape incontournable et pas trop agréable dans la vie d'une femme. Que faire ? Pour continuer de vivre, il faut bien en accepter les désagréments inhérents.

Je m'accroche à mes motifs de satisfaction. Je contemple mes granges remplies, les paysages d'automne pleins et roux.
Je caresse les chiens, je regarde les vaches paisibles au pré.
Je goûte la chaleur bienfaisante du soleil.
Je fais de l'ordre et du propre, c'est toujours satisfaisant, ça, pour moi.

Et, toute ma batterie essayée, toute ma panoplie balayée,  je me contente d'attendre, des moments plus apaisés, un lendemain meilleur.



La baie capte la lumière, immobile et sereine.

Je n'arrive pas à m'approprier ce calme, à l'intégrer.

Bah ! ces remous s'atténueront.
J'essaie de rire de moi, de mes sautes d'humeurs, de ce tempérament sourd aux meilleures raisons, parfois.

Je ne suis pas coutumière des moments chagrins, ou électriques.
Il faut bien de temps à autres que je les expérimente, aussi.

Je les admettrai comme ça plus facilement chez les autres...


Cette lumière de presque Toussaint est bien belle.
Ce soleil chaud bien agréable...

Je commence à faire profit de mes manœuvres d'apprivoisement de moi-même, je crois.

Quelques sourires me viennent déjà aux lèvres.

Tout n'est pas perdu, allez !

Il semble bien que les pics d'exaspération s'amollissent, déjà.

Tant mieux, je ne m'aime pas, en grincheuse acariâtre.
Loin de moi ces élans agressifs et mauvais !

Place à la paix sur le monde et en moi...

Oubliez ces moments fatigants et stériles. N'en gardez que la capacité de compatir à ceux de ceux que vous croisez, quand vous les sentez en veine tourmentée.

A bientôt, et savourez cette journée magnifique !

lundi 19 octobre 2015

DIMANCHE AUX BETTERAVES




Bonjour !







Mère-Rhune hier matin, dimanche.
Une ambiance douce, un peu de vent du sud, des nuées lourdes et des éclaircies intermittentes.

Puisque les citrouilles avaient été rentrées vendredi, je me suis attaquée à la betterave. Olivier était là en renfort.
Le stade de maturité de la betterave est déterminé par le dessèchement des premières feuilles, au collet. La racine peut être laissée en terre jusqu'aux gelées, sans dommage. Il faut quand même surveiller l'apparition de maladies sur la végétation. Elles peuvent migrer vers la tête.

Ma betterave, souvenez-vous, je l'avais semée trois fois. 













Entre début avril et début juin.
Elle levait mal, sans entrain.

J'avais regarni les rangs aux plantules clairsemées, dans un semis de la dernière chance.

Pour le coup, là, elles étaient sorties en nombre, et j'avais du ensuite travailler assidûment à l’éclaircissage.

Tout de même, toutes ces interventions ont porté leur fruit.
Mes rangs  ont fini par tracer honnêtement leur chemin.





Tout ça était un peu irrégulier, forcément, mais, cahin-caha, cela a fini par ressembler à un joli carré de betteraves.










Dimanche matin, opération ramassage !

De nouveau, notre valeureuse Ttiki-Haundi sollicitée pour la manœuvre.







C'est une période faste pour ma vieille mécanique moribonde. Elle démarre sans faire d'histoire, crapote une fumée pas trop noire.
Non, vraiment, ce tracteur est en forme !







Si par cas un jour vous êtes amenés à récolter un champ de betteraves, sait-on jamais, je vous fait un topo succinct.

Arrachage du plant, très aisé, puisque la betterave a le bon goût de faire sa pousse hors de terre.
La racine enterrée s'extirpe sans difficulté.
Effeuillage sommaire, sans entamer le collet.
Nettoyage, plus sommaire encore, de la terre accrochée.




 La betterave craint le gel. Elle doit être stockée à l'abri, en tas, bien aéré et hors d'eau, si possible.
A Agorreta, nous avons ça, dans la porcherie maintenant vidée de ses résidents.













Nous empilons les betteraves sans les blesser, en laissant une circulation de l'air au sol, par le moyen d'une vulgaire palette en bois.

Une mise en oeuvre toute simple, et efficace.
J'ai distribué mes betteraves ce printemps jusqu'au mois de mai.
Elles s'étaient fripées, bien-sûr, mais leur chair avait conservé toute son appétence et ses qualités nutritionnelles.

Imaginez comme c'est confortable, de ramener à l'étable une brouettée de betteraves stockées juste à côté, bien à l'abri.
Pas besoin d'aller se tremper par les jours de mauvais temps, au champ.
Tout ce dont mes vaches ont besoin pour se nourrir cet hiver, je l'ai à portée, maintenant.

Par les belles après-midi ensoleillées, je pourrai quérir mes choux et mes navets, laissés, eux, en terre.

Non, vraiment, ma fin de semaine a été productive. J'ai engrangé les fruits de mon travail de plusieurs mois. De beaux fruits, récompense d'un bon travail bien mené.

Voyez, je n'hésite pas à me congratuler, à augmenter ma satisfaction manifeste par des compliments sincères et, d'après moi, motivés.

Il reste maintenant sur les hauts d'Agorreta quelques têtes de maïs à ramasser. Ce maïs distribué en vert en été, quand l'herbe manquant d'eau devient maigrelette. Tout n'a pas été consommé. Rien ne sera perdu pour autant.

Voilà les choses comme je les aime. Venues avec le temps, bien maturées, et toutes utilisées à bon escient.
Le champ sera bientôt nettoyé, fumé, et labouré avant l'hiver. Pour le printemps prochain, la terre reposée aura travaillé à se reconstituer une réserve.
Et je recommencerai, encore, pour une autre session de cultures.

Je vous laisse ici pour aujourd'hui. J'ai encore à faire, à engranger.
Portez-vous bien et à bientôt !

vendredi 16 octobre 2015

DES CITROUILLES A FOISON ...




Bonsoir à tous !





Magnifique journée, en ce vendredi du milieu d'octobre.

J'entame le dernier volet de cette première année de "bloc", en récoltant mes citrouilles !

Une entrée en matière comme une autre, n'est-ce pas ?
Vous avez suivi ma petite culture depuis ses débuts.






De la graine expertisée par Bullou,












en passant par la vulnérable plantule,
















Des débuts difficiles, le froid,














vite après, le sec.














Le mois de juillet carrément aride,
des plants avançant très doucement,












Le début en fanfare et trompette jaune éclatant de ma "carrabosse",









Les pluies de fin juillet enfin tombées,





Ma cabossée prenant son essor,














Et enfin, la maturation , sans encombre.












J'avais prévu de rentrer mes citrouilles dimanche. La pluie annoncée m'a fait anticiper la manœuvre.

Ce matin, au soleil haut levé, Ttiki-Haundi a vaillamment repris du service :




Toute fière et joyeuse, je l'ai menée dans le champ, équipée d'une bennette capitonnée de jute.

Pour le meilleur confort de mes dames courges.
Elles s'offusquent vite, ces joufflues girondes, et il faut veiller à ne pas les blesser, si on veut avoir une bonne chance de bien les conserver tout l'hiver.








J'ai rempli une bonne dizaine de bennettes comme celles-ci.

Certaines citrouilles pesaient tant que je ne pouvais pas les soulever.
Je les ai roulées délicatement.
C'est de bonne composition à la rotation, une citrouille. Lisse, longue ou ronde, elle roule sans faire de manière, sur le tapis d'herbes folles.







Honnête récolte n'est-ce pas ?

Si tous ces fruits se conservent correctement, j'ai de quoi nourrir mes vaches jusqu'à la sortie d'hiver.
Un peu de luzerne déshydratée, quelques quignons de pain, et du bon foin sec à volonté pour compléter, feront des rations bien équilibrées et des vaches en pleine santé.
Sans compter ma betterave, à rentrer bientôt, et les choux et navets à cueillir en vert.

Non, vraiment, je suis satisfaite de mes cultures de cette année.
Et mon modeste troupeau le sera lui aussi.






Une bonne journée, comme je les aime, au grand air.
Quelques tonnes de citrouille remuées. Et autant à distribuer, encore, restées au champ.

Les amateurs sont informés. Les courges d'Agorreta rayonneront ainsi dans les environs.
Pas de perte, ni de gâchis. Ce serait dommage...

Bonne fin de soirée à vous, que la nuit vous soit reposante et douce.

mercredi 14 octobre 2015

TU T'ATTENDS A QUOI ?




Bonjour !

Petit matin frais sur les hauteurs d'Agorreta.




On commence à penser à allumer le poêle, quand les vitres s'embuent.




Il fait bon admirer les flamboiements incendiaires des feuillages, au chaud, dans le calme et le silence de la vieille ferme.
Tant d'hivers déjà passés bien à l'abri de ces vieux murs épais.
Tout ce temps, gage de sécurité.
La ferme a résisté à bien des tempêtes et des frimas, elle tiendra encore, longtemps, sans doute.
C'est en tout cas ma perspective et mon espoir !







La vigne vierge sur le mur du hangar résiste, elle aussi.
Elle a perdu une bonne moitié de sa végétation.
Pourtant, elle aussi se pare de couleurs pourpres irradiant une force de vie encore bien présente.
Je l'avais condamnée un peu vite.
Tout de même, une telle amputation, pour une aussi vieille liane, ce doit être un traumatisme difficile à surmonter. Mais bon, pour le moment, ma vigne est encore vivace, et fait son chemin.


Le maître des lieux continue lui aussi sa route. Entêté et tenace. Il y a trois ans lui aussi à cette période de l'année se voyait bien mal parti.
On le pensait fini, pour dire vrai.
Et il est toujours là...

Ce sentiment d'imminence de sa mort annoncée alors, cette fatalité omniprésente depuis, même si le temps passant et l'homme avançant vaillamment les font reculer du paysage quotidien, me sont entrés dans la moelle.
Je n'arrive pas à m'en défaire. L'évidence de l'âge est incontournable. Mais mon père paraît en très bonne santé, meilleure même qu'avant cet épisode critique.
Rien à part sa vieillesse n'augure sa mort, pour tout dire. Pas plus que la mienne ou celle de l'un de mes frères par exemple.

Le coup de fil de ce médecin urgentiste en pleine nuit m'est resté dans l'oreille. Je ne vais pas vous refaire le coup du : cherchez plus haut, vous trouverez ! Moi-même, je ne sais plus où exactement j'ai rangé mes affaires et histoires, alors...
Le spécialiste en question me demandait de rapatrier immédiatement mon père à la clinique, parce-qu'il était en danger de mort. 
Finalement, oui, il vous faudra chercher un peu, parce-que je ne vais pas raconter de nouveau cette nuit si étrange. Un article autour de "il ne mourût pas", je crois.

Ce que j'essaie de comprendre aujourd'hui, c'est en quoi cette épée de Damoclès suspendue il y a trois ans au dessus de ma tête, ne s'écarte pas.
Tous ceux dont les parents vieillissent ont-ils la même sensation que moi ? Je ne le crois pas.

J'ai en tête depuis ces derniers mois que quelque chose va arriver. Et je ne sais pas au juste quoi.
Cette année de "bloc" partagée se termine. J'ai l'impression qu'une époque de ma vie se termine avec elle. Sans pouvoir expliquer davantage.

Il arrive dans une vie des moments, comme ça, où une période se termine et une autre s'enclenche. La fluidité des jours s'étrangle d'un cahot, plus ou moins violent ou prononcé.
L'inflexion n'est pas toujours à angle droit, la courbure peut être plus douce, moins abrupte.
Pourtant, on a le sentiment d'un moment différent, d'une étape bouclée, et d'une nouvelle à commencer.
Une transition dans la continuité modulée, ou une cassure, c'est selon.

Ce cap de mes 50 ans annoncés depuis que j'en ai quarante, y est-il pour quelque chose ?
J'ai eu cette coquetterie de me dire plus vieille que mon âge, toute cette dernière décennie. 

Coquetterie avortée, puisque personne, jamais, n'a relevé, en me disant : 50 ans ?! Non, ça n'est pas possible !! 
Non, non, tout le monde trouvait très plausibles mes 50 ans, quand je n'en avais pas encore 45. Tiens ! prends ça dans les dents !
J'ai toujours eu l'air plus vieille que mon âge, semblerait. Quand j'avais 15 ans, ça faisait bien mon affaire. Aujourd'hui, je me passerais évidemment de ces années ajoutées à mon pedigree...

Mes introspections ne datent pas d'hier. Mon goût pour les recherches vagues quoique attentives, des histoires, familiales ou autres, je l'ai toujours connu.
Je vois bien la finalité de ces explorations : je cherche un enchaînement, un sens, caché ou tu, une justification à la trame de l'existence, et de la mienne en particulier.
Une façon de nier le hasard pur, l'inconnu, le néant et le rien  inexplicables, par essence.

C'est désagréable de se sentir impuissant et voué à n'être qu'un fétu de paille ballotté au gré de vents capricieux et sans but.
L'idée pourrait m'alléger de toute responsabilité. Je me dirais : quoi que je fasse, quoi que j'entreprenne ou élabore, tout est voué à se perdre dans un aléatoire complet. Alors, ma foi, plus besoin de me casser la tête ! Je fais comme je le sens, et je ne cherche pas plus loin.

Oui, je pourrais... Tout le monde le pourrait. Et pourtant, peu le font, n'est-ce pas ?
Nous sommes pour la plupart corsetés dans cette illusion que nos actions, nos pensées, nos vies, ont un sens, une utilité.
Et nous nous accrochons ferme à ce garde-fou. Nos sociétés s'organisent autour de cette ligne, et, peut-être, ne tiennent que par elle.

Je suis comme ça, moi. Je crois sentir dans la marche du temps une arabesque diffuse.
Et, en ce moment, je pense être dans un tournant, engagée dans une spirale dont l'issue me conduira vers une autre perspective.

Je ne m'attends à rien de particulier, rien de définissable. Je suis prête, sans savoir à quoi.

Limpide, tout ça, n'est-ce pas ? Les eaux troubles ne sont pas ma contrée de prédilection, pourtant. Quand, dans le même temps, une vie sans remous paraît morne et plate.

Le temps parlera, comme disent les sages...






Les chemins les plus ombragés mènent aussi à la douce lumière.

lundi 12 octobre 2015

LA NOIX DE JEAN-MICHEL




Bonjour à tous !

Ce lundi sombre, pluvieux, tout en douceur, feutre le monde dans un silence ouaté.
Il ne manque plus qu'un banc de brume pour s'imaginer au cœur de l'hiver, le froid en moins.

Pas d'image du jour, elle serait grise, uniforme, sans relief ni contours.


Je repensais à notre étape de samedi soir en l'église de Guéthary, avec Olivier.
En plus de ce moment doux, là aussi, mais lumineux, doré et riche, il a été pour nous l'occasion de résoudre une énigme vieille d'il y a trois ans. Et oui, tout de même...

Il relève de Bigoudi, Bigoudi ma vache, dont il était question dans mon article précédent. Comme quoi, sans qu'il n'y paraisse, et même pourrait-on dire avec toutes les apparences de l'opposé complet, tout se tient, dans ce "bloc". 
Cette construction d'allure disparate révélerait finalement une logique de maçonnerie solide. De "bloc" à parpaing, vous suivez ? Oui, bon, c'est un peu tiré par les cheveux, mais les choses s'imbriquent parfois bizarrement, dans la vie, n'est-ce pas ?

Ainsi donc, il y a trois ans, par un dimanche après-midi gris comme aujourd'hui, nous avions avec Olivier rendez-vous devant l'église d'Ahetze.
Il était question d'aller chez le maquignon, vous savez, Marcel. Vous ne savez pas? Allez lire plus haut, vous tomberez dessus, peut-être, dans une histoire avec Madonna, par là.
Le maquignon d'Agorreta, Marcel de son petit nom, réside à Ahetze. 
Il y a trois ans, il me téléphona, pour me dire qu'il avait chez lui une petite génisse adorable, mignonne, douce et gentille. Tous arguments de nature à me faire fondre, comme il le sait parfaitement, le bougre...
Incapable de résister, je décidai d'aller voir cette beauté sur place. Et demandai à Olivier de me rejoindre, lui, depuis ses Landes.
Entre époux, nous convînmes de nous retrouver à Ahetze, à mi-chemin de nos domiciles respectifs. Vous le savez aussi, ou peut-être pas, d'ailleurs, nous sommes un couple moderne, mariés mais vivant à 80kms l'un de l'autre. 

Pour ne pas nous manquer, je proposai comme lieu de rencontre facile à repérer, l'église. 
Et, nous nous manquâmes, lui m'appelant en me jurant qu'il était devant l'église d'Ahetze, et moi, vociférant que ça n'était pas possible, puisque j'y étais, moi, et que je n'y voyais personne !
Le ton monta, et nous nous raccrochâmes au nez, très fâchés l'un comme l'autre.
J'allai voir ma vache, la trouvai effectivement mignonne, gentille et adorable. Le soir même, Marcel me l'amenait, manquant pour se faire le début d'une partie de pelote. Fallait-il que sa fibre commerciale soit tendue... ou l'affaire inespérée.

Bigoudi devint la vache dont je vous parle. J'en suis entièrement satisfaite.
Notre dispute de ce jour là se dilua. Je mis la méprise sur le compte de l'énervement de mon mari, capable quand ses nerfs le prennent, de confondre une église et un cagibi technique d'EDF. Référence à notre premier rendez-vous, pas manqué, lui...

Nous nous en sommes amusés plusieurs fois depuis, à chaque fois qu'il s'est agi de se retrouver quelque part.
Samedi soir, en m'approchant de l'église où je devais récupérer mes plantes, la lumière se fît, enfin.
L'église que je croyais d'Ahetze, est en fait celle de Guéthary... Tiens donc ! Ça alors...
Mon maquignon habite tout près de là, pourtant. La limite entre les deux communes doit être dans les parages.
Olivier comprit évidemment comme moi mon erreur, et se rappela aussi notre dispute de trois années en arrière.
En bon mari, décidé à ne pas gâcher l'ambiance amour et paix de la soirée, il ne revint pas là-dessus, le saint-homme.
Je ne suis pas sûre d'être aussi magnanime. Je ravalai ma honte rétrospective assez facilement, et me sentis un peu allégée de cette énigme enfin résolue.

Il y a ainsi des éclaircissements qui viennent sans qu'on s'y attende. Des histoires floues qui se dénouent quand on n'en cherche plus le fil.

Dans le même registre, cette dernière semaine encore, Jean-Michel, mon patron, (oui, celui-ci je vous en ai  parlé, aussi, déjà), a fait resurgir de ma petite enfance une histoire enfouie au point que je ne la savais même plus là.

Il s'est agi d'une noix. Une simple noix qu'il m'a tendue, à la jardinerie, jeudi dernier.

Il m'a expliqué que dans l'imaginaire traditionnel basque, la noix porte bonheur. Et il m'a fait présent d'une coque tombée d'un fruitier près de nous.
Prenant dans la main la noix, je fis la remarque que les noyers attirent souvent la foudre. Sans savoir si cela tient à leur charpente, leur enracinement dans le sol, ou le sort, pourquoi pas...
Nous en avions deux beaux, à l'ancien poulailler sur la hauteur, à Agorreta.
Et les deux ont été séchés par la foudre.

J'énonçai mes théories, quand me revint l'image d'une boule de feu traversant l'étable. Une fulgurante résurgence, un déclic.

Je vous ai parlé il y a peu d'un rêve récurrent qui m'a tourmentée longtemps.
Un terrible danger menace ma famille, j'essaie de la mettre en garde, de la préserver de cette catastrophe imminente. Et personne ne me prend au sérieux. Je ne sais comment les convaincre, ils ne prennent aucune mesure de sauvegarde. Je ne pourrai pas les sauver, s'ils ne me croient pas.

Je vous ai dit que ce rêve s'était finalement résolu, quand j'en avais eu l'aboutissement, un jour, ou plutôt une nuit : à savoir le danger n'était pas si grand, et personne n'en mourait.

Jeudi dernier, ma noix dans la main, je me suis revue, toute petite fille.
Je suis dans l'étable, près de la grande porte. Le volet en est ouvert, mais je suis trop petite pour voir la cour à l'extérieur. Il pleut, très fort, le tonnerre gronde. Je regarde le ciel, sombre et menaçant.
Soudain, un claquement terrible me fait porter les mains à mes oreilles. (Mes oreilles, déjà...)
Je ferme les yeux et me recroqueville. Une lueur formidable transperce mes paupières, une lumière bleue condensée en une boule de feu.
La foudre traverse notre étable, et ressort par l'une des trappes menant au grenier, juste au dessus des vaches attachées à leurs chaînes.
Le mouvement a été fulgurant. Je n'ai rien compris, rien fait. La peur n'a même pas eu le temps de se manifester.
Je reste sidérée.

Une vache meugle de terreur, elle sort de sa place en reculant, la chaîne coupée pendant à son cou. Elle court vers le fond, ses sabots heurtent le sol en désordre.
Je ne me souviens pas qui l'a rattrapée et remise à sa place, mon père, sans doute.
A peine revenue de mon saisissement, je tente d'expliquer à mes grands-parents sortis de la cuisine ce que j'ai vu.
Affairés par le remue-ménage dans l'étable où toutes les vaches s'agitent, on me pousse dans un coin, en me faisant taire.
La vache deviendra folle. Il faudra l'abattre.
Bien plus tard, quand l'incident est oublié de tous, et même de moi, mon grand-père s'étonne un jour de cette chaîne à vache cassée et bleuie. Elle est restée accrochée au mur, sur un piton, parmi d'autres, attendant d'être réparées.

  - Hau xutan ibillia duk ero zer ? s'étonne-t-il.
  - Elle est passée dans le feu ou quoi ?

Il l'écarte et en prend une autre, pour en rafistoler une troisième. Nous sommes à Agorreta, déjà, en ce temps-là...

Toute cette histoire m'était sortie de la tête. Je me souviens avoir entendu parler de la vache devenue folle à cause de l'orage. Mais jamais je n'avais fait le rapprochement avec cette boule de feu bleue, cette foudre entrée et ressortie de l'étable à travers une chaîne en acier. Jamais non plus la petite fille terrorisée qu'on n'avait pas voulu écouter n'était revenue à ma mémoire.

Une petite noix tendue a ouvert une vanne fermée. Une coque dure dans ma main a déverrouillé un souvenir enfoui.

Je suis très attentive à ces déclics, et très intéressée , par ces phénomènes où un détail révèle la solution d'une énigme.
Rien ne s'oublie tout à fait. Les émotions, les peurs, les joies tissent une trame dont les mailles se mêlent.
Un bout de fil mène à une source lointaine, parfois. 
Il ne faudrait rien négliger, rester disponible et vigilant.

Les signes sont là. Là où on ne les attend souvent pas.

Je vous partage ces petites choses, comme je vous partage mes moments simples et banals.
De tout ça sortira quelque chose, je le crois.
Quelque chose, attendu ou pas. 
J'ai pris ce chemin en novembre dernier. Je me laisse conduire, je m'y promène, et vous emmène avec moi.

Nous verrons bien où tout cela nous mènera, n'est-ce pas ?
A bientôt, amis de ce "bloc" construit sans règles ni lois. Ayez comme moi la foi, la foi en ce qu'il adviendra.






dimanche 11 octobre 2015

COMMENT VA BIGOUDI ?



Amis suiveurs des nouvelles d'Agorreta, bonjour !

Je réponds par cette brève  chronique tardive à un ou autre de mes lecteurs, intéressés par la conduite de mon modeste élevage.

Je vous l'ai dit plusieurs fois déjà, j'aime écrire. Et savoir que certains aiment me lire est une satisfaction supplémentaire. 
J'ai donc à cœur,  quand elles me parviennent, de lever les interrogations de ceux là qui me suivent en ces pages.

Pour ce soir, c'est Bigoudi qui suscite l'intérêt, donc.





Bigoudi, la normande gourmande. La malicieuse et enjouée petite vache blanche tachetée de cœurs noirs..
Bigoudi, la mère attentive et prospère de la noire Galzerdi.




Que ses fans se rassurent, Bigoudi se porte en ces jours à merveille.

Je l'avais laissée la dernière fois en début de dressage, souvenez-vous.
Ma Bigoudi refusait de se laisser traire, alors que sa fille, un peu incommodée par la chaleur, sans doute, ne la vidait pas complètement de son lait.

Pour éviter une infection de ses mamelles, je devais impérativement lui retirer ce restant de lait.

Comme madame se montrait rétive, je devais lui entraver les pattes, au moyen d'une corde souple.

Depuis, Galzerdi a retrouvé son bel appétit. Le pis de Bigoudi est parfaitement assaini, tous les jours.
Pour ne pas perdre le bénéfice de mes séances de traite rocambolesques, je continue chaque soir de visiter ce pis.
J'assouplis les trayons de la belle, en appliquant de la graisse à traire sur les mamelles. Je frictionne doucement le pis souple, étalant le baume sur les appendices sollicités par Galzerdi plusieurs fois par jour.
Bigoudi se laisse faire sans broncher. Elle apprécie même ce moment, j'en suis sûre, et tourne vers moi sa tête carrée en signe de gratitude.
Si j'insiste, par contre, si je fais mine de presser un ou autre trayon pour en tirer un filet de lait, elle proteste assez vite, et lèverait facilement le sabot, la diablesse !

Je passe alors la corde accrochée au mur de l'étable, derrière elle, entre ses postérieurs, sans serrer.
Alors seulement, elle se résigne à me laisser lui soutirer son lait.
M'ayant clairement manifesté sa désapprobation, elle s'incline d'assez bonne grâce. Ma vache me reconnaît le droit d'user sur elle d'une autorité qu'elle admet nécessaire.
Je ne lui en demande pas davantage. Vache à lait elle est, vache à lait elle restera, réservant préférentiellement à sa petite vêle le produit de son pis.
Bigoudi, comme Pollita et Fauvette, est pleine, elle aussi. Elle ne s'inquiète pas, elle, de manquer de lait pour sa première née. Elle connait son potentiel, et s'appuie en confiance sur ce capital génétique abondant. Sa petite vêle sera nourrie, en abondance et qualité, tant qu'il le faudra. Ces normandes sont capables d'enchaîner les vêlages sans dommages, avec une période de tarissement minimale, de quelques semaines seulement.

La petite vêle en question, cinq mois à peine, se montrait hier à la rentrée bien agitée. Elle meuglait et trottinait de ci de là, contrairement à son attitude habituelle, toute raisonnable.

Elle connaissait ses premiers émois de jeune fille, ma Galzerdi, encore au pis de sa mère, et déjà en chaleur !
Quelle précocité chez cette petite !
Elle tient sûrement de sa mère ce sang vif, et un tempérament enjoué et ardent.
Une dynastie richement pourvoyeuse en péripéties, assurément !

Voilà, pour les nouvelles de Bigoudi, et de sa fille Galzerdi.
De son côté, Pollita, agitée la nuit de l'éclipse lunaire, a retrouvé son flegme, auprès de sa fille Rubita, calme et tranquille, elle.

Mes vaches sont toutes particulières et différentes.
Elles m'apportent joies et divertissements.

Soyez remerciés par mon entremise de cet intérêt qui les flatte.
A une prochaine fois !