vendredi 29 avril 2022

Avril 2022


Vendredi 1er avril 2022  18h40


Une journée terriblement bousculée agite les alentours. D'une heure à l'autre, on passe du tout au tout. L'orage gronde, le grésil crépite, le vent mugit, puis, le ciel se retend, bleu azur. C'est très déstabilisant. Le bon du truc, c'est le  rinçage de ces vilaines traînées de poussière de sable. Tout redevient pimpant, quand le soleil se pose dessus. Les talus se piquètent d'étoiles colorées. les bourgeons gonflés de vert anisé rutilent. Les bosquets s'arrondissent en volumes chromatiques.

La pluie fait exulter la nature, même si le froid la désempare.

Ce matin, je me suis prise d'affection pour une mouchette, plaquée contre la vitre, côté extérieur. Je n'étais pas débordée, j'avais du temps devant moi.

La pauvrette résistait comme elle le pouvait aux volées venteuses. Je la voyais bien fatiguée, cramponnée de ses dernières pauvres forces au verre, ailes repliées, pattes tremblantes.

Toute tiédie du rayonnement chaleureux du radiateur contre mes jambes, je l'ai prise en piété.

Quand j'ai ouvert le vantail de la fenêtre, le vent froid m'a brutalement sauté au visage. Délicatement, j'ai attrapé la mouchette, toute recroquevillée sur ses dernières chances de survie. J'ai fait le plus doucement possible, en essayant de ne pas la serrer trop fort, pour ne pas l'écraser entre mes doigts. La ramenant, j'ai refermé la fenêtre, laissant le vent déconfit mugir au dehors.

J'ai déposé la mouchette transie sur la paillasse de l'évier, juste à côté. Aussitôt, j'ai remarqué un très vilain positionnement de son aile droite : il formait un angle invraisemblable avec le thorax de l'insecte, complètement déporté vers l'avant, à l'envers de ce qu'il aurait du être. Aïe !

Pour le reste, la mouchette se tenait debout sur ses pattes, effarée, mais vivante. Je l'observai attentivement. Je ne sais pas ce qu'elle regardait de son côté : elle semblait assez tétanisée.

Au bout de quelques secondes, la mouchette se mit en mouvement. Ses premiers pas furent hésitants. Les suivants plus fermes. Mis à part cette aile retournée, la chose paraissait bien engagée. 

A un moment, subitement, ma mouchette se retourna ! Elle pédala frénétiquement de toutes ses pattes, renversée sur le dos, se redressa, d'un coup de reins (si elle en a), et, dans le même mouvement, son aile se replia en arrière, rejoignant la courbure de l'autre ! Elle reprit sa marche, tout à fait normalement, comme n'importe quelle mouche un peu pressée, dans le sillon de la paillasse. J'étais toute contente de l'heureux dénouement de mon intervention de sauvetage.

Malheureusement, quelques centimètres de marche rapide après, l'aile folle vrilla de nouveau vers l'arrière, en une torsion sûrement très douloureuse. La mouchette s'en affaissa. Courageuse, elle continua d'avancer, déséquilibrée et cahotante. J'étais désolée.

Je ne me sentais pas d'intervenir plus avant sur une si petite chose. J'avais peur de faire plus de dégâts encore. J'avais sûrement du déboiter cette petite aile, lors de la capture. La mouchette se retrouvait gravement handicapée. Elle souffrait sûrement horriblement de ce traumatisme. Je m'apprêtai à l'écraser, pour abréger son calvaire. Finalement, j'aurais aussi bien pu la laisser mourir paisiblement de froid sur la vitre. Elle avait fait le plus dur. Engourdie et épuisée, sa fin aurait été toute aussi douce que ces secondes interminables d'une douleur atroce.

J'en étais là de mes réflexions, quand Txief se mit à aboyer comme un perdu, buttant de la truffe sur la vitre de la porte-fenêtre. Surprise, je sursautai, et me tournai vers lui, interrompant mon geste meurtrier. Ma distraction dura moins d'une seconde. 

Ce temps minime fut suffisant pour que la mouchette arrive jusqu'au bord de la paillasse. De là, voulant peut-être prendre son envol, elle s'élança... et s'écrasa au sol, un peu plus d'un mètre plus bas. Tombée sur le dos, elle tournoya un moment sur elle-même, incapable de se redresser. Je m'accroupis, tentai de l'aider. Une patte me resta dans les doigts. C'était affreux. J'étais en train de torturer cette pauvre mouche.

Dans son mouvement désordonné, la mouchette se déporta, et glissa sur le carreau lisse, jusque sous la machine à laver. Je la perdis de vue. Je plongeai au sol, ne la vis pas. J'écartai immédiatement l'idée de passer une spatule sous la machine, ou de tirer l'appareil à moi. Là, ç'aurait été une véritable boucherie !

Contrite, je laissai les choses en l'état. J'avais fait assez de mal comme ça.

Plus tard dans la matinée, en passant le balai, je ramenai dans les parages une petite mouche morte. Je ne sais pas si c'était celle là. Je l'espère. Pour ne pas avoir en tête l'image de cette autre, que j'avais crue sauver, et qui était peut-être encore à cette heure en train d'agoniser atrocement, aile déboitée, patte arrachée, et crâne fracassé, à cause de moi et de mes bons sentiments.

Ma journée se poursuivit sans autre drame. Et celui-là, tout minuscule de la minuscule mouchette, se laissa emporter par le vent en colère. 

Très injustement, tout est bien souvent affaire d'échelle.


Lundi 4 avril 2022  10h



TtonytaPetra digèrent au pré.

Il fait incroyablement froid. Nous frisons les gelées du petit matin. Sans ça, la journée est magnifique.

Ce matin, j'étais dans l'étable, je renouvelais la litière. Empoussiérée des brins légers, je vaquais, satisfaite par avance à l'idée du confort de mes génisses à leur rentrée.

A un moment, un mouvement coulé d'avion de chasse en approche, tira mon œil vers la grande porte ouverte. Ce vol fluide et glissant, ce petit coup d'aile saccadé, n'était-ce pas une hirondelle ?

Je m'interrompis dans ma tâche, m'avançai vers la cour. Je n'étais pas encore dehors, et l'hirondelle, puisque c'en était bien une, rasa le plafond haut, bifurquant en un large arc de cercle de patineuse. Un grand soupir de contentement gonfla ma poitrine. L'hirondelle était de retour, tout allait bien !

La première hirondelle que je vois les autres années semble fatiguée de son voyage. Elle se tient volontiers perchée, un peu arquée. Celle-ci paraît en pleine forme, véloce et facétieuse. Sans que j'aie pu suivre sa course, elle ressort, prend de la hauteur. Je la perds de vue. 

Je la sais par là, c'est le principal. Mon étable devrait lui plaire. Je ne fermerai la porte qu'à la nuit, quand elle sera rentrée.

Je m'étonne de cette arrivée si tardive, et par une température si basse. C'est bien la première fois depuis toutes mes années d'observation, et il y en a eu quand-même beaucoup, que l'hirondelle n'arrive pas entre le 19 et le 30 mars. 

En reprenant le "bloc", je vérifie l'année dernière : 28 mars. Il y a peut-être dans le mouvement de l'hirondelle le signal d'un décalage dans notre calendrier ? 

J'avais entendu quelque chose dans ce goût là au sujet de l'astrologie. Notre positionnement par rapport aux planètes marquerait un différentiel creusé d'années en années. Je ne suis pas sûre d'un lien entre les deux phénomènes, pas sûre non plus de la véracité de cette histoire d'astrologie. Sûre de rien, en fait !


16h

Un charmant technicien de la téléphonie sort d'ici. Il m'a parlé du ramadan, qui a commencé au début du mois, paraît-il. Il m'a expliqué le décalage annuel de cette période : calqué sur les cycles lunaires, les mois de la religion musulmane courent sur 28, 29 ou 30 jours. Jamais 31. De ce fait, chaque année, la date du début du ramadan change de quelques jours. Nos Carêmes, Pâques et autres célébrations religieuses suivent aussi un calendrier différent de celui qui dicte notre temps civil. Pourtant, là, le décalage ne court pas sur l'année, de façon linéaire. Pâque est toujours printanier, comme Carême est toujours hivernal. J'imagine qu'il y a eu là un arrangement, entre cadences religieuses et saisonnières. Je n'ai jamais trop compris pourquoi : je m'y pencherai peut-être, à l'occasion, ou pas !

Ce petit jeune homme m'a expliqué aussi la difficulté pour lui de suivre le ramadan, dans un pays où la très grande majorité ne le suit pas. L'activité ici suit son cours, ramadan ou pas. Dans les pays musulmans, le rythme des jours se calque sur cette période de recueillement, de prières et de jeûne en journée. L'activité économique ralentit, les journées travaillées sont raccourcies, pour permettre à chacun de suivre les préceptes de sa religion. 

Transi par le vent vif au bout du balcon, il m'a dit aussi souffrir du froid, quand ce que nous appelons canicules ne le fait même pas transpirer.

Ou des péripéties migratoires, des hommes, comme des hirondelles...


21h


L'hirondelle est rentrée, au soleil juste couché.

Je referme la grande porte métallique. Mon petit monde est en ordre pour la nuit.



TtonytaPetra regardent cette nouvelle visiteuse.




Et se désintéressent. Elles ont mieux à faire, et la petite ailée se tient bien tranquille.




Lola s'intéresse aux génisses.

Et l'hirondelle s'intéresse à Lola.



Moi, assise sur les dernières marches de l'escalier, je regarde Lola qui regarde les génisses qui regardent l'hirondelle qui regarde Lola.

Ma boucle est bouclée.





Vendredi 8 avril 7h40




Le soleil se hisse derrière une barrière en lambeaux de nuages étirés. Les nacres du levant aspirent  toute la lumière.




Dans mon étable, la deuxième hirondelle est arrivée, mercredi après-midi.
Ces deux là papotent, hissées sur les boiseries accrochées au mur.

    -Et toi, ça a été, le voyage ? Tu as eu beaucoup de monde, sur la route ?

Elles devisent, courtoisement. Je ne sais pas si elles vont former un couple, ou si ce sont deux femelles, ou deux mâles ! Pour le moment, elles sont deux hirondelles, elles.
J'entends leurs pépiements guillerets, modulés en trilles brillantes, sur plusieurs tons.

    - Et comment ça se passe, ici ? L'an dernier, c'était infernal ! Pas moyen de nicher ! Il y avait           un bordel, je te dis pas...

    - Ah oui, tu as raison ! Je me suis même demandée si je reviendrais là. Et puis, je me suis dit           que j'allais quand-même jeter une aile, sait-on jamais. La maison était bien bonne, avant. Là,        on dirait que c'est pal mal revenu : il y a les vaches, les mouches, les bouses, le foin, ça parait         bien. Je pense retenter le coup. Et toi, tu es partante ?

    - Ouais, je me méfie un peu, quand-même. Je me laisse quelques jours, et puis, on verra.

    - T'as raison. Mais je me la sens bien, cette affaire, cette année !

Mercredi soir, j'ai attendu un moment, pour que les deux soient rentrées, avant de fermer le vantail. 
La première arrivée, avec sa tâche plus claire sur l'aile, restait bien en place, logeant pour la nuit dans la tuyauterie sanitaire, sans doute plus tiède. La seconde allait et venait, sans paraître décidée à se poser durablement. 
La première la houspillait d'ailleurs un peu, quand elle venait près d'elle. Puis, elle l'appelait en gazouillant comme on roucoule, quand elle ne la voyait plus. Elle était indécise, ne sachant pas au juste si elle la voulait près d'elle, ou pas. Elle ne se sentait sans doute pas prête à entamer une relation sérieuse. Mais en avait envie, tout de même. 
La nouvelle venue, rabrouée, puis rappelée, en eut à un moment assez de ces tergiversations. Elle fila dans le ciel, et ne revint plus.
Il faisait beau, mercredi, calme et pas trop froid. Je ne voulais pas laisser cette petite dehors. Je me suis dit qu'arrivée dans la seule après-midi, elle était timorée, vite inquiétée par un accueil si mitigé. Elle se méfiait peut-être aussi de mes mouvements, pressentis comme potentiellement dangereux. 
Elle se tranquilliserait sans doute, dans la nuit silencieuse, et rentrerait alors. Elle se coulerait contre la première, engourdie dans son meilleur sommeil, moins belliqueuse alors.
Je suis montée me coucher, en laissant la porte ouverte.

Au petit matin, je constatai que mon hirondelle première était seule. J'eus une pointe de dépit. Où avait dormi la deuxième ? J'étais comme une mère qui a surveillé le retour de son enfant adolescent, sorti tard le soir, pour la première fois. Rattrapée par le sommeil, elle se réveille en sursaut, inquiète, et s'empresse de vérifier si le petit est bien rentré. La mienne, petite, avait bel et bien découché !

Hier au soir, de retour de la jardinerie, je retrouvai bien mes deux hirondelles, toujours perchées sur les boiseries. Elles semblaient avoir mieux fait connaissance. Elles se tenaient proches, et me virent arriver sans s'envoler.
Je vins frictionner TtonytaPetra, qu'Antton avait soignées en fin d'après-midi.
Je m'apprêtais à fermer la porte sur la nuit, avec tout mon petit monde à l'intérieur : deux hirondelles, deux génisses, trois vieux chiens, et moi-même.
Je traversai l'étable. Une des hirondelles se coula de son perchoir, et se fondit dans la nuit. Mince...
Passablement fatiguée d'une dense journée à la jardinerie, je tirai la porte, et la verrouillai en un clac sec et puissant. Tant pis pour cette mijaurée, qu'elle aille là où bon lui semble ! 
Une bonne nuit de sommeil plus tard, j'eus la petite joie, en descendant les marches vers l'étable juste éclairée, de voir non pas une, mais mes deux, hirondelles, tourner leurs petites têtes rondes vers moi. Cette petite rouée avait du repérer l'entrée par l'imposte vitrée de la porcherie, ouverte jour et nuit. Parfait ! J'allais pouvoir vivre ma vie, sans m'occuper des va-et-vient incessants des hirondelles. Elles seraient autonomes dans leurs déplacements, au dehors et dedans.
Je me connais : je vais vouloir vérifier tout ça, avant de ne plus m'en inquiéter.
Là, le temps paraît tourner. Le vent tiède souffle un peu fort. Je vais encore surveiller la rentrée de mes petites ailées, ce soir, comme une imbécile, postée près de la porte ouverte. On ne se refait pas...


Lundi 13 avril 2022 9h40


TtonytaPetra ruminent encore tranquillement, couchées côte à côte. J'observe leur reflet dans mon miroir-mirador. Je descendrai les lâcher et nettoyer l'étable, quand elles se relèveront.

Le déjeuner mitonne. Une légère buée floute la cour-jardin, derrière les vitres qui n'en sont pas.
Pour le moment, le temps est magnifique. Il était annoncé de la pluie. Elle ne vient pas. 
Avril serait cette année encore sèche ? Le "Abril, aguas mil" qu'on pourrait approximativement traduire par "Avril, et de l'eau en abondance" paraît déjà d'un autre temps. C'est assez préoccupant, puisque, comme dit le dicton : "pluie d'avril remplit les greniers". Les cadences de la nature vont faire comme le calendrier cosmique : elles vont se décaler, pour s'adapter au mieux.  Déjà, sur ces trente dernières années, les semis en grandes cultures ripent d'un bon mois. Les maïs les plus tardifs se semaient alors début avril. Maintenant, c'est plutôt début mai. Les froids persistent en pointes. Les pluies de printemps arrivent plus tard. Si la chaleur écrasante n'assèche pas tout ça trop tôt, ça pourrait faire. Il va peut-être aussi falloir songer à diversifier nos cultures, à aller vers d'autres espèces, mieux adaptées à ce changement climatique. 
La nature nous a toujours commandés. Elle nous commandera encore.

J'entends d'ici les gais gazouillis de mon couple d'hirondelles. C'est bien un couple. Quelques simulacres de rapprochements amoureux l'ont déterminé. Elles commencent à construire un nid.
Nous leur en avions proposé une demi-douzaine, précautionneusement récupérés de l'ancienne étable. Elles les ont bien visités, piquetant ici un brin de foin, et plaquant là une lichette de boue.
Finalement, elles ont opté pour un recoin de bois, au plus près des génisses, vierge de toute occupation antérieure. La base est déjà posée, sombre sur le bois clair.
Mes hirondelles préfèrent repartir à neuf. Ou alors, elles se méfient d'une facilité suspecte. Ces nids anciens leur tendent les bras, déjà construits, solides et confortables. Trop beau pour être vrai ? Elles y sont bien venues renifler,  mais ont préféré recommencer ailleurs.

Les hirondelles doivent avoir comme certains d'entre nous la culture du mérite, de la récompense gagnée à la force du poignet. Elles ne croient peut-être pas à la manne tombée du ciel, comme la pluie. (joliment dixit Philippe).
Le trop facile, le trop manifestement tendu en offrande, pourrait bien cacher quelque chose : "bada hor zerbait gehio !" disait Mizel d'Atxoenea, celui de Karrarro : "il y a là quelque chose de plus", sous-entendu dissimulé derrière cette jolie tournure, et bien moins avenant...

Comme il est triste de devenir aussi méfiant ! Comme il est dommage d'avoir perdu cette capacité de confiance, à priori. Sûrement une ou autre mauvaise expérience enseigne cette défiance et la nourrit durablement. Pour autant, de rester autant sur ses gardes, n'en perd-on pas le juste discernement ? Au moins, ne s'y fatigue-t-on pas sans profit ?
Le bien, le bon, se mériteraient, alors. Ils ne pourraient être reçus en grâce, et sans efforts.

En serait-il alors de même pour le mal, le mauvais ?
Le malheur paraît pourtant frapper au hasard, sans justice ni débat. Ou non ?
Les victimes innocentes mériteraient-elles ce qu'il leur advient ? Par quelque mécanisme occulte et tortueux ? Pour avoir manqué de cette méfiance salvatrice, peut-être ? Pour avoir fait confiance, bêtement, avoir cru, trop naïvement ? En la bonté humaine, en un hasard heureux, en un destin amical ?

Pourtant, même les plus prévoyants se font surprendre par le malheur. 
Quand les plus benêts ne prennent que le risque de croire au bon sort, et de le trouver ami.
Heureux les imbéciles, est-il dit !
Le malheur quand il frappe ne prévient pas toujours. Quand il advient, il advient rarement comme on s'y serait attendu : toutes nos stratégies préventives tombent à plat. Il faut en élaborer de nouvelles, improviser une parade en urgence. 
Alors, à quoi sert de vivre inquiet ? Puisque la plupart du temps, cette inquiétude ne préserve de rien, sauf de vivre quiet ! Cela ne sert à rien, définitivement. malheureusement, cela ne se décide pas...

Pour mes hirondelles, elles pratiquent plus simplement le plaisir à construire leur futur nid, pour leur future famille. Puisqu'elles croient en l'avenir et lui font confiance...


Lundi 18 avril 2022  17h

Je m'apprête à goûter. Le ciel s'assombrit derrière les Trois-Couronnes. Un vent vif agite les lianes du jasmin étoilé sur le point de fleurir. La pluie est ardemment espérée par la terre sèche. Demain, peut-être ?

Olivier est parti tout à l'heure. Moi, je reviens juste d'une tournée d'arrachage d'orties.
Nous avons passé une fin de semaine amour et paix, dans le plus pur esprit de la Pâque chrétienne.
Je suis ici jusqu'à jeudi. Un de ces administratifs au long cours me requiert demain.
Un de ces entretiens à l'enjeu pas bien important, suffisamment tout de même pour vous le faire répéter, comme on révise un texte à jouer sur scène. L'issue attendue l'est depuis longtemps, en suspension dans mon horizon, plus ou moins haut et plus ou moins central, selon le paysage alentour.
Dans ces projections, je prépare en général un préambule, plus ou moins bien ficelé.
Partant de là, j'échafaude plusieurs hypothèses, projetant en arborescence un delta de possibilités de réponses ou de positions du camp adverse. A chaque croisement, j'étudie là encore plusieurs bifurcations éventuelles. Je me documente, je m'argumente. Cela me mène loin, et me cause une certaine fatigue intellectuelle, si je m'y laisse trop prendre. 
En même temps, j'aime assez faire turbiner les quelques neurones valides qu'il me reste, histoire de les maintenir en état de marche. C'est une manière de jeu cérébral, et j'y trouve agrément.

Quand je me le répète toute seule, ou en bonne compagnie toute acquise à ma cause, les choses vont très bien. 
Pour chaque configuration, visitée dans un large spectre, et plus profondément dans une zone où je me trouverais potentiellement en difficulté, je trouve la bonne réponse, précise et concise. Ma répartie fuse, cingle et fait mouche. Mon compétiteur s'en désarçonne, perd pied, et ne peut que se rendre à mes raisons. Je triomphe.

Je travaille plus les hypothèses où mon contradicteur m'est défavorable. Je m'y exerce, histoire de conquérir une victoire difficilement gagnée, et d'autant plus méritoire. J'en parlais il y a peu.

Je me suis rendue compte avec les années que la conséquence de cette préparation, presque guerrière, était une attitude d'entrée belliqueuse. A mon agressivité répondait immanquablement celle de mon interlocuteur. L'échange s'en trouvait haussé d'un ton, quand, initié plus paisiblement, il aurait pu se dérouler dans des eaux bien plus calmes.

J'ai rarement eu totalement gain de cause, quand ma demande n'agréait pas, au préalable, celui à qui je la faisais. J'ai quand-même assez souvent obtenu un compromis satisfaisant. J'ai toujours eu le goût de ces joutes verbales. Je dois avoir un penchant théâtreux...

Il m'est arrivé aussi, évidemment, de m'en retourner bredouille, la queue entre les pattes, complètement dépitée, et passablement vexée. Le contradicteur, que je pensais avoir maillé dans un réseau serré, échappe complètement à mon faisceau. Il me tacle, par là où je ne l'attendais pas du tout. Toutes mes stratégies se dégonflent en baudruches percées. C'est la Berezina totale.

Quand, dans mon jeune temps, ce dernier scénario était d'emblée écarté, ou alors, au mieux, relégué en dernière position, je l'intègre maintenant en tout premier plan. Mes entrées en matière sont beaucoup plus humbles, bien plus suaves. Par le fait même, mieux accueillies, même si leur objet reste potentiellement source de conflit.
Les entretiens sont plus sereins, au moins en leurs débuts. Je mets la barre de mes prétentions au ras des pâquerettes. Ainsi, je suis le plus souvent agréablement surprise du résultat de mes démarches, puisque, en première projection, je n'en attendais aucun !
Je vais ensuite crescendo, du plus mauvais au mieux, en une montée sagement graduée. Et plus digeste pour l'adversaire, ou présumé tel.
C'est bien l'inverse de ce que je faisais avant : alors, je visais d'entrée très haut, quitte à dégringoler très vite. Je sais maintenant ma capacité à rebondir amollie. Alors, l'inversion de la courbe du front d'attaque me convient mieux. 
A la réflexion, je me demande si elle ne convient pas mieux aussi à mes interlocuteurs. Par mes dernières expériences, je parierais même qu'elle améliore ma performance en débat, même si je n'en tiens pas une comptabilité assidue.

Tout ceci se vérifiera pas plus tard que demain. Et je pourrai alors expertiser sur le vif.

J'ai failli, jeudi dernier, ne plus avoir à me poser ce genre de question, ni d'autres, d'ailleurs.
J'étais à la jardinerie. La journée était brumeuse. Le soleil ne perçait que timidement, voilé par des nuages effilochés, poussés par une brise un peu fraîche.
C'était peu après quatorze heures. La moitié de l'effectif déjeunait. Quelques clients épars parcouraient les allées de la pépinière. Je m'apprêtais à rapatrier depuis la zone de réception des végétaux arrivés le matin. 
En passant le long de la jauge des agrumes, mon œil s'arrêta sur des kumquats rutilants, d'un orange vif fort séduisant. Pour ceux qui ne connaissent pas, les kumquats ressemblent à de  petites mandarines allongées en forme de poire. Ils ont la particularité d'avoir la chair acide, et la peau sucrée. Cette conformation déconcertante accompagne parfaitement le café, l'âcreté du fruit répondant à l'amertume du breuvage, et son sucre pétillant adoucissant les deux saveurs mêlées. 

Distraitement, je cueillis un fruit, tout dodu de maturité, sur un sujet très chargé.
Marchant d'un bon pas, je l'enfournais tout entier en bouche. Et il se coinça dans le fond de ma gorge, avant que j'aie pu le mâcher. Les premiers instants, je toussais, pensant le faire remonter. Il ne bougeait pas, se collant au contraire plus intimement encore dans le fond de ma trachée.
Je commençai à être très inconfortable, n'arrivant pas trouver l'air. Je m'exhortais au calme, essayant de respirer par le nez. Peine perdue ! Le kumquat bouchait la trachée, trop bas, l'air arrivait, mais ne passait pas. Je marchais, passablement affolée, puis, très vite, complètement paniquée, mains serrées autour de ma gorge, mugissant mes tentatives avortées d'inspiration. Je pensais ma dernière heure venue. Ces occurrences peuvent finalement survenir assez vite...

Au détour d'une allée, deux hommes encore jeunes m'entendirent, et se tournèrent vers moi. Si, au commencement de mes avanies, j'avais eu l'idée de trouver un coin discret où recracher mon kumquat, là, je cherchais désespérément de l'aide, toute honte bue. 
Je m'approchais, mugissant de plus en plus fort, au bord de l'apoplexie. Je les suppliais de m'aider, en un filet de voix de mourante. 
Aussitôt, l'un des deux vint à moi, posa sa main sur mon épaule, et se plaça derrière. Ce seul contact, l'assurance du geste, le calme de l'attitude, ma rassérénèrent. Je continuai de m'étouffer, mais je le faisais moins tragiquement. L'homme percuta la partie supérieure de ma cage thoracique, du plat de sa main, juste au dessus du sternum. Je toussais, mais rien ne bougea dans ma gorge. Pressant davantage mon épaule, il recommença. Et là, l'air passa vers mes poumons, enfin, salvateur. 
Je toussais encore. Je ne recrachai pas le kumquat. Il dut se décoller et bifurquer dans le bon conduit, le bougre ! Ce qu'il me restait de décence fut sauf. 

Je respirais à grandes goulées, comme le presque noyé sorti de l'eau. L'homme me prit le poignet, s'assura de mon pouls. Son compagnon venu à la rescousse me réconforta de quelques paroles aimables. 
Je retrouvais peu à peu mon calme. Pleurant et toussant encore, je remerciai mon sauveur, immensément soulagée et pleine de gratitude. Pas une seule seconde, je ne pensai à lui demander ce qu'il était venu chercher : tous mes réflexes professionnels étaient neutralisés.
Il me sourit gentiment. Je m'éloignai dans les allées désertes, pour finir de retrouver une posture présentable. Au bout de quelques minutes, tout rentra dans l'ordre, dans mon système respiratoire malmené.

Ainsi, demain faillit ne jamais advenir pour moi. Même si à aujourd'hui, il ne m'est pas encore assuré, pas plus que le succès de son entrevue...
Je me dis quand-même que, si sur mon chemin, à ce moment critique, j'ai eu la grande chance de croiser une âme secourable, et si efficace, les meilleurs espoirs me sont permis pour le reste.
Quelle était la probabilité de la présence d'un professionnel médical, à cet instant, et en ce lieu ?
Bien petite, je gagerais. Et pourtant, ce fut le cas, bienheureusement pour moi.

Alors, oui, si je m'étais méfiée de ce maudit kumquat, je ne l'aurais sûrement pas goulument avalé d'un seul trait. Mais je l'ai fait, honte à moi. D'autres m'ont tirée de ce mauvais pas. Et j'ai retrouvé confiance et espoir dans les augures prochaines.
Cette tournure d'esprit positive m'assistera, j'en suis sûre, sur les quelques jours à venir.
Et, si je me trompe, au moins aurais-je eu pendant ce temps le sentiment réconfortant de l'existence d'une nature humaine bienveillante.


Mardi 19 avril 2022 10 h


La pluie nous est venue, douce, pénétrante. Elle imbibe la terre sans brusquerie, se laisse boire sans engorger.
Je vais sortir TtonytaPetra au pré. Elles rentreront quand elles le voudront.
Les hirondelles restent à l'étable. Il en est venues d'autres, dans les parages. Une troisième s'installe ici. J'espère sa partenaire.
J'espère aussi une issue favorable à ma journée...

19 h

Objectivement, les choses ont globalement bien tourné. Mon affaire avance, et dans le bon sens. L'entrevue fut agréable, et l'interlocuteur apaisant. 
Le déconcertant, dans ce genre de situations où l'administration publique intervient, c'est la versatilité de la chose pourtant instituée, selon l'intervenant. On penserait, naïvement, les règles de nos institutions bien établies, claires, et inébranlables, figées dans une constitution touffue. Et bien, non ! Ce qui avec l'un, est impossible, devient facile avec le suivant. Là, cela va sans dire, et, ici, cela bloque, même en le disant, haut et fort. Comme c'est curieux...
En changeant de monture, nous n'avons pas perdu au change, dans l'approche, du moins. Je sais ces tournures plaisantes parfois fourbes. Je ne tiens pas la partie pour gagnée.
La prochaine étape se profile à l'horizon d'un petit mois. Patience. La conclusion se dessine, dans les limbes de plusieurs possibles, encore.
Les voyages au long cours finissent par arriver au port, un jour...
Et la traversée offre parfois d'agréables surprises, en attendant ce terme.


Vendredi 22 avril 2022  15h


J'ai regardé avant- hier soir le débat télévisé entre nos deux présidentiables : Manu-Marine.
Enfin, le début, puisque les échanges plats et policés, à peine relevés de quelques pointes tout juste épicées, m'ont parus trop fades pour mériter une veille plus tardive. Je suis une citoyenne "in-exemplaire", et j'attendais de ce débat un spectacle.
Manu le carnassier à la dentition pointue de requin,  arborait son regard bleu glacier, gelant dans tout ce froid les paillettes pourtant chaleureuses qu'il sait parfois faire briller dans les mêmes yeux.
Marine, effarée comme un lapin surpris dans le faisceau des phares qui le cueille au détour d'un virage, papillotait un début de bégaiement nerveux.
Depuis 2017, où sa sortie théâtrale fit les gorges chaudes de tous les communicants politiques, elle a appris, nous dit-on. On l'a éduquée, donc. Tempérée, atténuée.
J'avais bien aimé, moi, son allégorie des démons cachés dans les campagnes, prêts à déferler en hordes sauvages. Pas du tout, pour la portée politique de cette image d'un parti diabolisé. Non, pour le contre-pied, la scène, déroutante, très réussie, d'après moi. Les analystes et les commentateurs en jugèrent autrement. Soit.

Là, Manu à l'arrogance assagie, et Marine, bridée dans son fantasque agressif, devisaient poliment, attentifs l'un et l'autre à rester dans les limites étroites de l'échange correct.
J'ai trouvé ça ennuyeux. Sans doute, le débat politique fût-il de meilleure qualité. Je n'ai pas les compétences pour en juger, ignare de la chose publique que je suis. Dans ce genre de débats, je suis assez facilement convaincue par le dernier qui a parlé. L'éloquence me parle mieux que la justesse, puisque, ce qui est juste, en cette matière, je ne le sais pas. Au risque de paraître outrageusement cynique, je reste persuadée que la justesse, dans nos gouvernants, la vérité des faits, est tellement brouillée dans une complexité stratégique ou factuelle, (au mieux !), qu'elle en devient inextricable.

Il faut vraiment que la ficelle soit bien grosse, pour que mon libre-arbitre s'y retrouve. Nos politiques, à ce niveau, étant un tantinet aguerris à la manœuvre,  ils ne me donnent pas souvent l'occasion de l'exercer, celui-là, gentiment endormi dans mon inculture navrante.

Le meilleur était pour la fin, m'a-t-on rapporté. Je l'ai donc manqué. Les commentaires autorisés m'ont débroussaillé tout ça, là encore, en emmaillotant le bébé à leurs sauces respectives.
J'en ai retenu peu de choses.  Et compris moins encore.


Lundi 25 avril 2022  9h


Ce matin, un tableau bucolique s'offre à moi. 

Un cheval et des vaches, en fond, des moutons et leur pâtre.




En face, mes hirondelles perchées au soleil sur le fil électrique.
La troisième n'a toujours pas son quatrième.







TtonytaPetra ruminent tranquillement leurs rations matinales.
Je les lâcherai tout à l'heure, quand, leur panse dégagée, elles auront de nouveau le goût de pâturer l'herbe séchée du soleil mieux levé.






Mes journées de repos se calquent sur les rythmes paisibles de mes bêtes placides.
Je m'alentis, mes acouphènes descendent dans des graves assourdis, reposants.
Le monde s'agite et tremble, trépidant, violent.

Le mien se calme, hors de ce temps affolant. Pour le moment, et autant que je pourrai m'y soustraire.



Mercredi 27 avril 2022  16h30


La ferme résonne de la troisième tranche de travaux. Là, nous sommes en extérieur, et les choses devraient se concentrer sur une ou deux journées seulement. Juste de quoi savourer la quiétude à retrouver.
Ma troisième hirondelle a trouvé son quatrième. Il y aura deux couples, et quatre nichées. C'est suffisant pour emplir l'étable de gais pépiements, au petit matin, quand j'allume la lumière pour soigner TtonytaPetra.
Ce deuxième couple s'est résolument installé dans le nid de l'an dernier, lové dans la tuyauterie, à l'angle presque opposé du premier. Ce devaient être mes réfugiées d'alors. Pour le moment,  il n'y aura pas de crise du logement dans le coin. L'étable est encore assez grande, et les nichoirs suffisamment nombreux, pour accueillir d'autres arrivantes, si nécessaire.

Je suis tout à fait réconfortée de ce retour à la normale, dès la première année de mon installation ici. J'y vois le signe que les choses sont dans le bon ordre.

A la jardinerie aussi, les affaires tournent rond. La clientèle est moins frénétique que l'année dernière. Les journées sont denses d'un trafic saisonnier normal, mais sans plus.
Samedi et dimanche derniers, le temps maussade décourageait les clients. Je me suis attelée à réaménager la serre extérieure. Nous l'avions négligée. Elle était vide, un sac poubelle avachi traînait dans un coin, avec le balai en travers jeté dessus. C'était une désolation !

Puisque le temps était annoncé frais et pluvieux, je me suis dit que je serais tout aussi bien à l'abri de cette serre, dans la chaleur enveloppante de ses panneaux translucides.
Je n'avais pas de plan précis en tête, je me suis laissée aller à l'inspiration spontanée.
Finalement, au fil de l'avancée, je me suis orientée vers un thème qui est apparu, comme de lui-même : la permaculture.
Cette science n'est pas seulement une méthode de jardiner dans son potager. Bien plus largement, c'est un art de vivre.  L'idée est de redonner sa juste place à l'humain, dans son environnement naturel : celle d'un acteur actif, spectateur attentif à l'enseignement donné, mais toujours respectueux des équilibres et des autres éléments.

La permaculture s'articule sur trois fondements : la terre, l'homme, et le partage.
           La terre comme nourricière, à traiter avec le plus grand soin, en essayant autant que                        possible  de ne pas l'asservir, et de pérenniser sa ressource.
            - L'homme, en le remettant au centre de son écosystème naturel
            - Le partage, par la qualité des relations humaines, favorisée par les échanges des biens,                    des récoltes, toujours dans le but de ne rien gaspiller, en tirant un profit bénéfique de                     chaque chose.

La permaculture vulgarisée est plus connue pour ses seules méthodes culturales. Les associations de plantes complémentaires en massifs drus, les carrés en buttes, l'utilisation de paillages tels que bois pourris, feuilles décomposées, cartons mouillés, la recherche des méthodes de lutte alternatives contre les parasites, l'enrichissement de la biodiversité, l'apparentent vite fait à une écologie post soixante-huitarde. La philosophie du partage, le refus du mercantilisme, l'esprit amour et paix, parachèvent cette caricature.
Je m'y suis intéressée, dernièrement. Je n'ai jamais pratiqué, scrupuleusement. J'en applique pourtant les préceptes, par conviction, depuis toujours.
J'avais préparé un atelier sur ce thème, fin 2019, pour la partie en basque. Benoît s'était chargé de celle en français. J'ai retrouvé ce petit amusement, l'ai traduit, assez librement :

PERMAKULTURA
la permaculture


ZER OTE DA : JAUN BASAREN KULTURA !

Qu'est-ce que c'est ? La culture de l'homme "sauvage" ! c'est-à-dire, revenu à la nature.


 


Ez da bakarrik landareak eta baratzeko kultura egiteko manera.
Naturaleziarekin bizitzeko modu bat, jendetasun bat, filosofi gisa bat.
Naturaleziarekin bizitzeko parada. Haren ikasmenak baliatuz, errespetatuz lurra, kristaba, eta partitzia.
Ahal bezin bat ingurumena baliatu, ongi baliatu, ez deus galtzen utziz.
Bat bertziari gauzak lotu, denetasun batean sart dezaten.
Ce n'est pas seulement une manière de cultiver son potager.
C'est une manière d'intégrer la nature, un art de vivre, une manière de philosophie.
C'est l'occasion de vivre au sein de son environnement naturel. D'en comprendre les enseignements, en respectant la terre, l'homme et les valeurs de partage.
On essaie d'utiliser toutes les ressources de la nature au mieux, en évitant de les gaspiller. 
On fait le lien entre les différents éléments, pour les comprendre dans leur ensemble.


 

ISTORIOA :

1970an Australitik etorria.
Leheno, japones batek erabakia.

L'histoire : la permaculture nous est venue de l' Australie, dans les années 70.
Au départ, cette méthode a été initiée par un japonais.

Orain :
Natural aberastasunak bakantzen ari dire :
Gero eta jende gehiago, eta heien beharrak mantentzeko manerak guttituak. Orain arte kasurik gabe bizitu gare gehienek. Orain, beharrezkoa da ingurumena konduan artzia.
Españolek erraten duten bezala : quitar y no pon, se akaba el monton !

Maintenant :
Les ressources naturelles s'épuisent.
Nous sommes de plus en plus nombreux sur la planète, nos besoins s'accroissent, et la ressource diminue. Jusqu'ici, nous n'avons pas trop prêté attention à ces problèmes environnementaux. Maintenant, la prise en compte de la préservation de la nature est indispensable à notre survie.
Comme le dit le proverbe espagnol : prélever et ne pas remplacer, fait fondre la réserve. 

                                                    
 

 

NOLA EGIN :

Gauzak obekiena baliatu;
Naturalezaren indarrak eta ahalmenak begiratu, ikasi, eta praktikatu.
Ez kimikorik, ahal bezin lan mekanikorik gutxiena. 
Utzi landariak eta animaliak beren moduz bizitzen, naturalezia ongi egina dela fiatuz.
Lurra utzi bizitzen, bere moldatzeko manerian.

COMMENT FAIRE :

Tirer profit au maximum des choses. Recycler autant que possible.
Observer, apprendre, et appliquer les règles naturelles, dans leurs forces et leurs capacités.
Ne pas utiliser de produits chimiques, et intervenir le moins possible avec des engins mécaniques.
Laisser vivre les plantes et les bêtes sans interagir, en faisant confiance à la nature.
Laisser vivre la terre, à sa manière.

Gainetik ekarri ostuak, edur ustelak, beti tapatua izan dezan. Txoriak urbiltarazi, zorriak eta aharrak jan dezaten.
Inguruetan landatu arbusto fruitu ttikiak ematen ditutenak.
Utzi belar zikin eta laharrak, kabiak egin dezaten txoriak.
Triku eta bertze apoeri eskaini gordetzeko toki bereziak.
Beti tapatua utzi lurra, ez dezan gogortu.
Ala lantzeko ez du papurtu beharrik. Beti inka onian mantendua izaten da.

Ohain baten gisa ahal bezin bat lantu baratzea.

Empiler les feuilles, les bois décomposés, les cartons, de façon à ce que le terrain soit toujours recouvert.
Privilégier les habitats pour les oiseaux qui mangeront les pucerons et les vers. Pour les attirer, planter aux alentours des arbustes à baies. Laisser quelques zones sauvages, enherbées et broussailleuses, pour leur permettre de s'abriter et de nicher.
Penser aussi à protéger les hérissons et les crapauds, prédateurs naturels des insectes et autres parasites du jardin.
Garder votre terrain sous couvert végétal, pour éviter que la terre ne durcisse. Ainsi, vous n'aurez pas besoin de la travailler pour l'émietter. Elle restera meuble naturellement.
Le principe est d'imiter le fonctionnement d'une forêt.

Animaleak posille baldin bada azi.
Olloak, arraultz egitetik gaine, bazterrak garbitzen dituzte, lurra zarrapatuz. Obena, zerakurra mugitzia eremuan, bat garbitua dutenian, bertze baterat segirazteko.
Piruak ur ondo batian laketzen ahal dire. Bare eta kurkulloz aseko dire.
Ardi bat ero bertzek arbol azpiak garbi atxikiko dituzte.
Aski haundia izanezkio eremua, izan liteke beiak, ero zerriak, pentze zabalian, aitz ero gaztain azpietan.
Etxe bazterrian egunero behar diren gauzak landatu. Perresilla, xarpota eta bertze aromatikoak.
Kasu eman nun jotzen duen eguzkiak, toki beroak ero freskoak egoki autatzeko.
Uxu bazkatu behar diren abeztiak inguruan ere eman.
Toki haundia behar ditutenak ero bakan erabilki diren lekuak etxetik urrun utzi. Ohain bazter, frutal landare. 
Ongarri pilla etxetik bakandu, aize nagusiaren aldia kontuan hartuz, usain tzarrak partitzeko.

Si vous le pouvez, il est intéressant d'élever des animaux sur votre terrain.
Les poules, en plus de donner des œufs, nettoient le jardin, en le griffant. Le mieux est d'installer une clôture mobile, de façon à alterner les parcelles à désherber.
Vous pouvez installer une mare, pour y faire vivre quelques canards. Ils vous débarrasseront des limaces et des escargots.
Une ou autre brebis tondront les vergers.
Si votre terrain est suffisamment grand, une paire de vaches pacagera dans le pré, et quelques cochons glaneront sous des chênes ou des châtaigniers.
Cultivez au plus près de la maison les plantes dont vous aurez le plus souvent besoin : persil, thym ou autres aromatiques.
Tenez compte de l'exposition à l'ensoleillement, pour choisir judicieusement les emplacements.
Prévoyez les enclos des animaux domestiques au plus près, pour le suivi des soins journaliers.
Vous pourrez planter plus loin le verger, ou un bosquet.
Eloignez aussi les tas de fumier et composts, en tenant compte du sens des vents dominants, pour éloigner les mauvaises odeurs.

 
 

Ongi pentxatu, eta gauzak funtxez egin.

Betitik naturalezak egin duena, guk ere gure ingurumenian aplikatu.

Errestasuna behar da billatu. Gauzak beren baitan egiten utzi.


Asko begiratu, luzez eta kontuz, ikasi, eta ahal bezin ongi kopiatu.
Kristaba bere tokian jarri, naturalezian artean, baino ez menian artu nahizik.

Ametitu ez garela gure ingurumenian nagusi ;
Parte bat baizik, bertzen artean.

Hori dena da permakultura.
Kultura luzez mantentzeko manera.
Betitik gomeni litzekena eta orain beharrezkoa dena.

Il est important de bien réfléchir son jardin, et de faire preuve de bon sens.
Il suffit d'imiter ce que la nature fait depuis toujours. Privilégiez la facilité, laissez faire les éléments.
Observez, longtemps, avec attention, apprenez, et appliquez, aussi bien que vous le pouvez.
L'idée est de rendre sa place à l'humain dans la nature, sans qu'il veuille la dominer. Nous ne sommes pas les maîtres de notre environnement. Nous y avons seulement notre rôle à jouer.

C'est un peu tout ça, la permaculture.
C'est un projet pour assurer la pérennité de notre culture, au sens large du terme.
Ce que nous aurions du faire depuis toujours.
Ce que nous devons impérativement faire, dès maintenant.


J'étais vite emballée, à l'époque : la molécule était fraîchement installée dans mes neurones. Ce diable de Gueguel m'a encore recraché les images comme indésirables.





Il y en avait de bien jolies, dans le genre de celle-ci.

Cette année, je vais remettre ça à l'ouvrage : un petit potager mignonnet, pour m'y amuser. Une mienne nièce a décidé de l'initier, et je me suis faufilée dans son projet.
Je vais mettre en pratique ces théories de permaculture, puisqu'elle en est friande elle aussi.

Là , je vais sortir, m'éloigner des trépidations de l'ancienne partie de la porcherie à rénover.
J'espère que les hirondelles ne vont pas s'affoler de ce raffut revenu. Ca doit leur rappeler de biens mauvais souvenirs...
Pour ce soir, tout ça sera calmé. Je leur expliquerai.


19h

Tout est redevenu silencieux. Les hirondelles pépient, un peu agitées, peut-être. 
Elles s'habituent à moi, se perchent sur les dents du croc fiché dans le pilier du portail, tout près.
Leurs silhouettes fines, fluides, luisantes, noires et bleutées, glissent en vols agiles sous le plafond tendu de toiles d'araignées.
Elles s'accouplent, perchées en équilibre précaire, ailes battantes, pour le mâle.
TtonytaPetra remontent lentement du pré, la panse rebondie.
J'ai la sensation d'avoir trouvé ma juste place, ici, dans mon environnement préféré.


Vendredi 29 avril 2022 18h15

Avril finira maussade, cette année.
Mai s'annonce, fraîche encore en ses débuts.
Les plantations du potager attendront un peu. Après concertation, j'envisage de dédier une partie à ma fameuse permaculture. Nous devrions y entasser copeaux de bois, foin grossier, cartons mouillés. Là dessous, la vie microbienne fera son travail. Dans quelques semaines seulement, nous aurons une terre meuble, vivante, saine et prometteuse. Nous pourrons ainsi comparer les deux méthodes culturales, puisque, dans un premier mouvement, les plantations seront "traditionnelles", sur terrain "rotovatoré".
Tout ça, quand il fera suffisamment chaud !

Un troisième couple d'hirondelles virevolte dans l'étable. Celles-ci se tâtent encore, on dirait. Il y a un début de compétition, pour les meilleures places. Il n'en manque pas, pourtant, mais ces petites ont leurs critères.
Les aménagements autour de la ferme ont été rondement menés. Le résultat est bien plaisant. Et leurs projections plus encore.

Je vais héler TtonytaPetra. Elles ne sont pas pressées de rentrer. L'herbe pousse, dans le pré. Elles trient les meilleurs brins, laissent quelques refus en tâches sombres. 
J'y ai fait un tour, dans l'après-midi, avec ma débroussailleuse pétaradante. Une petite fuite dans le réservoir m'oblige à continuer jusqu'à tomber en panne de mélange. Mon avancée est du fait un peu aléatoire. Je n'ai pas d'horaires imposés. Je travaille comme je promène, sans autre objectif que l'agrément.
Je ne suis pas encore très experte dans le maniement de l'engin. Je m'empêtre vite dans le harnais. J'ai un peu de mal à faire démarrer la machine. Le positionnement de la tête, l'angle d'attaque de l'herbe, ne sont pas encore optimalisés. Le rendu est imparfait. La cliente n'est pas exigeante, et le plaisir à faire pour un résultat honorable suffit largement à sa satisfaction.

Je regarde les génisses en approche. Les biquettes longent la clôture. Bientôt, June et sa fratrie augmenteront l'effectif animal dans le coin.
Il y aura ainsi un peu de tout, dans la prairie : bovins, caprins équins.
Moi, je contemplerai tout ça, avec le sentiment d'une complétude presque conquise, puisque paraît-il, elle ne peut jamais l'être tout à fait.