vendredi 31 décembre 2021

24 novembre au 31 décembre

Lundi 24 novembre 2021  11h

Mon horizon depuis l'intérieur se pare des couleurs éclatantes d'une magnifique journée d'automne.



 Ici, il fait bon.
J'ai bouclé mes intendances et préparé le déjeuner.
Un petit créneau écriture s'ouvre à moi.

Je retrouve le calme, dans cet endroit lumineux où chacune de mes aspirations se cale au mieux.
Un petit coup de pouce de la pharmacopée aide aussi. J'ai suffisamment expérimenté les tenants d'une résistance active. Je cède à une facilité peut-être coupable. 
Je m'en veux à peine, trop peu pour m'en tenir grande rigueur.
Les abdications en tous genres pleuvent autour de moi. 
Je me prépare à dériver. Le calendrier m'y autorise.

En chemin, je suis bien décidée à profiter du paysage.

J'ai entamé dans ma pépinière le chantier tailles hivernales.
Une commande ambitieuse de fruitiers me tend de longues rangées de plants à former.
J'aime ce travail. Je préfère y œuvrer seule, paisiblement, sans presse. 
Je tire un plant, le penche sur le chariot. Ces fruitiers avoisinent et dépassent parfois les 2 mètres. Un coup d'œil aux bourgeons renflés, en pointes étroites ou larges, ou alors arrondis, selon qu'ils donneront du bois, des feuilles, ou des fleurs. J'ajuste une hauteur de taille harmonieuse, en tenant compte de la silhouette générale, et du port recherché. Du doigt, je parcours les bourgeons, et je sélectionne celui à bois, au dessus duquel je vais tailler, en biseau tourné vers l'intérieur.
A cette saison, les quelques feuilles restantes s'accrochent en bout des branches, et tombent dans la caisse du chariot, en une masse moelleuse. Je finis d'enlever celles qui restent sur l'arbre. 
Cet effeuillage amuse beaucoup mes collègues : les feuilles tomberont bien toutes seules, me disent-ils avec justesse. Oui, je crois bien m'en souvenir. Pour autant, les conteneurs ne se nettoieront pas tout seuls, eux, quand au travers du tapis épais des feuilles amassées autour des collets, les herbettes émergeront, douillettement. Il faudra bien y revenir, et déloger dans le même temps les amas coincés entre les conteneurs. 
Mon travail fait sourire, mais j'en sais la pérennité. Alors, plus sourde encore que je ne le suis, aux quolibets, je continue, imperturbable, ma tâche d'envergure.
A hier, j'ai terminé une planche, et attaqué la seconde. Les cerisiers déjà presque dénudés sont faits. J'en suis aux abricotiers. Autant le bois lisse des premiers se laisse parcourir en une glissade voluptueuse, autant l'abricotier, même jeune, est facilement noueux. Il faut veiller à ne pas blesser les bourgeons fragiles, très rapprochés, et serrés en groupuscules drus.
Je retrace les lignes, reclassant par variétés, là où les clients ont mis du désordre.
J'ai ensuite en vue les pruniers. Viendront après les pêchers, puis les poiriers, dans l'ordre de la chute naturelle des feuilles. Les pommiers sont encore verts. Je finirai pas eux. Au rythme de mon avancement, ils seront bien à temps de se dénuder d'ici lors.
Dans mon chariot, les feuilles incendiées s'entassent, en un coussin pourpre et or.  Au fil de la journée, la lumière tombe, une laitance trouble le halo des projecteurs au dessus de moi. Je superpose à nouveau les couches vestimentaires enlevées au fur et à mesure de la montée en température. 

Hier, il faisait froid. Mon activité est plutôt statique. Agréablement engourdie sous la masse de mes vêtements bien chauds, j'ai travaillé avec plaisir, en toute sérénité.
J'ai retrouvé cette sensation d'il y a plus de cinquante ans : je désherbais un rang de poireaux d'hiver. Ma mère avait du me mettre là histoire de m'occuper. Elle ne supportait pas l'oisiveté, ni pour elle-même, ni pour les autres.
Cette portion de potager était sous le poirier derrière les hangars. Il faisait sombre, sans doute un jour de pluie, ou la fin de l'après-midi. J'étais emmitouflée confortablement. Accroupie dans le rang, je travaillais, mollement, toute à une méditation tranquille. Je serais bien incapable de retrouver mes pensées de ce jour-là. Je n'avais pas mon "bloc" ! Mais je garde vif le souvenir de cette sensation d'être détachée de toute contingence, d'être protégée dans cet isolement, comme dans une bulle de bien-être.
A tant d'années d'intervalles, la sensation est bien la même.

Et, comme alors, elle laisse doucement descendre en moi une paix profonde.
J'y retourne demain. Je continue, si d'autres tâches plus pressantes ne me requièrent pas. 


Vendredi 26 Novembre 2021  16h16


La journée sombre n'incite pas à sortir.
J'irai après, vite fait, histoire d'aspirer quand-même une grande goulée d'air frais.
Les grosses pluies de la fin de nuit d'hier cavalent encore dans les rigoles. Les températures ont bien baissé. C'est la véritable ambiance hivernale.
TtonytaPetra sont restées dans l'étable fermée, hier. Les coups de vent secouaient fort, à l'heure de mon départ vers la jardinerie. Là, elles sont encore dehors. La pluie les rince. Elles rentreront au soir, toutes propres, bien confortables dans un paillage sec. Je les étrillerai, pour faire mousser leurs pelages nettoyés.
La configuration de l'étable ici, de ses issues, autorise les permissions de sortie, même par mauvais temps. Dans la vieille ferme, quand je laissais cette même porte ouverte sur le champ, l'appel d'air avec l'autre porte, en bout, rendait l'étable bien désagréable à traverser, au sortir de la cuisine.  Le vent froid pinçait. Le volet battait. On ne pouvait pas le garder fermé, c'était la seule source de lumière.
TtonytaPetra profiteront de cet avantage. Hors les journées vraiment mauvaises, comme hier matin, je pense les laisser libres de sortir.

Je me suis consacrée aujourd'hui à mes formalités médicales, et socio-professionnelles. Je prépare ma fin de carrière, bien à l'avance, toujours très anticipative. Je sais bien combien mes projections trop précoces sont souvent mises à mal par les aléas d'un temps plein de tergiversations. Je sais aussi intégrer cette inconnue dans mes prévisions, lui laissant un bon champ d'action.
Puisque mon présent est impeccablement organisé, je peux bien me distraire à courtiser l'avenir, dans l'idée illusoire de me l'amadouer, peut-être.
Je verrai bien. En attendant, cela me donne l'occasion de rencontres agréables, d'ordinaire, et fructueuses, parfois. Pour celles où quelque rébarbatif me désarçonne...

Un gros nuage de plomb lourd chevauche le Jaïzkibel.
Je vais faire un tour d'étable. TtonytaPetra sont en approche.


Mercredi 1er décembre 2021  10h00








Le ciel plombé rehausse les dorés dans les feuilles des chênes. Sous ma fenêtre, le poirier à fleurs s'empourpre. Ce sera un très bel automne pour les amateurs de couleurs profondes.


15h40

Le plomb a fondu en averses de plus en plus drues.
TtonytaPetra sont ressorties, après une séance au sec dans l'étable. Elles mènent leur vie comme bon leur semble, libres d'aller et de venir. J'ai solidement calé les vantaux de la porte métallique. J'en tire un seul. Il est bien assez large pour les deux petites et de cette manière, le mauvais temps s'arrête au seuil. 
Depuis l'intérieur, on se sent tout à fait bien abrité... si l'on ne s'avance pas vers la remise, où les gouttelettes vous ramènent à une vulnérabilité horripilante.
Avec Olivier, nous tentons de circonscrire les fuites, depuis la cour, en haut. Nous colmatons quelques points où la bâche s'écarterait du mur, entrouvrant une lèvre où l'eau se faufilerait vite en brèche. Jusqu'à l'averse suivante, nous espérons, fervents, la réussite d'une intervention dont nous doutons pourtant.
Immanquablement, l'échec nous attend, sardonique. Qu'importe ! J'ai toujours en visée ma théorie d'une étanchéisation naturelle. Il ne suffit que d'attendre, le conglomérat d'éléments suffisant à dérouter l'ennemi aqueux. Au moins, les fuites ne s'aggravent pas. Dans mes moments enthousiastes, je dirais même qu'elles s'atténuent. Que le ciel m'entende !

Mon travail de taille à la jardinerie piétine. Plusieurs livraisons m'ont mobilisée. 
J'aime aussi ces mises en place où l'agencement des jauges requière quelque inventivité. Mes collègues y sont souvent plus imaginatifs que moi. Quand je me dédie à la seule présentation efficace des végétaux, en carrés aux associations certes étudiées, mais sans plus,  ils se font plaisir à composer des massifs où ils disposent les plantes en arabesques, certes bien jolies, mais plus difficiles à démêler par le client. C'est bien simple, nos jauges en deviennent intimidantes de beauté, et y prélever une plante semble sacrilège... 
Là encore, plusieurs écoles s'affronteraient, si je ne cédais pas si facilement le terrain. Pour moi, les conquêtes sont faites !
Mes journées travaillées, je les veux agréables. Je m'acquitte de ma tâche de la meilleure manière, pour qu'elles le restent.

Le ciel semble reprendre un peu de hauteur, au dessus du Jaïzkibel étiré devant moi.
Je vais m'équiper pluie pour sortir.
Une mienne nièce s'annonce pour la soirée. Ca nous fera l'occasion de quelques bavardages, autour de TtonytaPetra rentrées alors pour la nuit.



Lundi 6 décembre 2021  11h30


Vite fait, je jette une note. 
Les deux derniers jours ont été météorologiquement épouvantables. De brusques volées venteuses, sur un fond continu d'agitation, annonçaient des averses de grêle aux grains amassés sur les monts en couverture blanche.
TtonytaPetra sont restées deux jours à l'attache, bien au sec dans l'étable assombrie d'une lumière chiche.
J'ai expérimenté mon logis et ses dépendances par gros grains. Je suis satisfaite : rien ne bouge, rien ne bat ni ne tremble, aux violentes secouées venteuses. Les portes métalliques sont bien calées. Les battants des volets bien ajustés sur leurs crochets. 
Nous avions avec Olivier amarré les tuiles. La configuration ici est celle d'une proue, en première ligne face aux tempêtes océaniques. Toutes mes issues ont tenu leur rôle. Même la remise s'est vaillamment comportée. J'ai pour l'occasion inauguré une parade en caisses de polystyrène, disposées géométriquement, pour une contre-attaque esthétiquement acceptable. On se demande en arrivant sur zone ce qu'elles font là : le ploc sec et percutant  répond bien vite...

Aujourd'hui le temps est plus calme. J'ai à faire en ville, cette après-midi. 
Là, mes convives s'annoncent pour le déjeuner.


17h

Une brume en gouttelettes estompe la baie.
J'ai anticipé mes directives, pris des mesures de protection future.
Avec tout ça, j'ai l'impression d'être bien à jour dans mes petits papiers. Vivre prêt à l'inéluctable autorise à vivre bien. Quand refuser de penser à sa mort ne l'empêchera jamais...
Toujours dans mes idées légères, je maintiens un bon moral !

La journée d'hier à la jardinerie fut bien physique. Près d'un sapin à la minute, à présenter, remettre en filet, et charger sur le chariot du client, avec son petit ticket d'identification. Nous étions trois. Un gaillard, un moins gaillard mais vaillant quand-même, et moi-même, n'en valant plus qu'une moitié. C'est dire qu'arrivés au soir, tous courbés mains sur les genoux, nous nous pensions grands sportifs d'après l'épreuve ardue.
Les soins à TtonytaPetra furent vite expédiés. Une bonne douche bouillante et une longue nuit de repos après, je me sens remise de ma fatigue, à quelques courbatures près.
Cette fin de semaine sera encore bien dense, aux sapins.
Moi, je vais "charcutailler" paisiblement, ici, forte de mes horaires aménagés.

Pour le moment, TtonytaPetra, emperlée de pluie en suspension, s'approchent de la rampe. Elles ont profité de leur journée au plein air, après la fin de semaine où elles sont restées enfermées. 
A aucun moment elles ne se sont plaint : ces deux beautés là sont des pépites, toujours contentes de leur sort. Jamais elles ne se disputent à la mangeoire ou au râtelier, comme le faisaient les Neskaks précédentes. Alors, les deux noires avaient le dessus, et les deux autres devaient attendre qu'elles soient rassasiées pour pouvoir manger à leur tour. Celles-ci, elles se bousculent parfois un peu, l'une passant la tête sous le cou de l'autre, pour prendre sa place, et l'échanger avec la sienne. Les deux mangent, côte à côte, sans suprématie ni soumission.
C'est un grand confort pour l'éleveur de ne pas avoir à intervenir entre ses bêtes. Qu'elles fassent leurs vies en bonne entente lui assure la tranquillité.
Ma paire aurait pu être divergente, et difficile à mener ensemble.
TtonytaPetra sont deux velles en une entité cohérente. 
Pour moi,  une logistique sans plus de peine pour un plaisir redoublé.


Vendredi 10 décembre 2021  18h20


Le temps persiste dans sa rage mauvaise. Il est tombé des trombes d'eau, hier, poussées par un vent violent. J'ai du ce matin réajuster quelques lests sur des points où ils paraissaient mis à mal. 
La mauvaise surprise m'est venue d'une infiltration d'eau le long du mur de l'étable, côté intérieur, suintant jusque dans l'auge. 
Je me suis souvenue qu'en effet, ma belle Ederra et les suivantes, placées là, pâtissaient de ce désagrément, aux jours exécrables d'hiver. Elles ne s'en émouvaient pas plus que ça : d'abord, parce-que c'était très exceptionnel, ensuite, parce-que l'entrée est vraiment minime. Tout de même, dans ma nouvelle tournure d'élevage, cette ombre mouillée m'a vilainement pincée, quand Petra pour sa part n'en a manifesté aucune gêne.
Pour ce soir, à les voir toutes deux si sereines, couchées bien au sec, je me suis rassérénée. 
J'ai ce matin reçu ma troisième injection anti-covid. Je suis parfaitement à jour. Mon agenda de fin d'année s'élargit, vide, comme une plage vierge.

Le vent ne se calme pas. 
Quand il aura son content, celui-là aussi, rassasié, il laissera la place.



Samedi 11 décembre 2021   18h







Enfin un joli crépuscule !
Après une pleine semaine de tempêtes quotidiennes, les cieux retrouvent un peu de quiétude et nous la dispensent.



Lundi 13 décembre 2021  10h







Les paysages retrouvent leur splendeur. L'épisode venteux a enlevé l'or des feuillages, et assourdi les coteaux en roux plus sombres et fauves profonds.

Tout le monde est sorti au soleil revenu. Le dimanche, hier, a tiré les familles en extérieurs. Chacun était assoiffé de belle lumière, d'air enfin sec.
Les intempéries n'ont pourtant pas tant duré. Leur ressenti a vite lassé.

Avec Olivier, nous avons poussé jusqu'à la promenade de la baie, roulée autour du port de plaisance aux mâts scintillants dans la lumière de cristal.
Pour moi, j'aime autant mes autours, ici. De temps à autres, pour me couler dans la civilisation de bonne mise, je consens à déroger à mes parcours, sans trop bonne grâce...
Habitante d'une pimpante cité balnéaire, je me défile difficilement de quelques obligations touristiques, tant perçues comme telles qu'elles m'en gâchent le spectacle pourtant objectivement bien séduisant.
Bah ! Dimanche urbain passe vite, et je sais retrouver dès le lendemain mes basiques.









TtonytaPetra ont retrouvé le pré dès hier, après presque une semaine complète à l'étable.
Elles pataugent pas mal dans la boue. Elles sont légères, et ne creusent pas de trop larges ornières.

Elles ont passé la semaine à l'étable. Pourtant, quand je les ai lâchées, hier matin, elles ne se sont pas précipitées. Gentiment, elles se sont détournées de leur auge, pour aller prendre le frais sur le pas de porte, puis, descendre à la pâture.

Ma Ttony surtout aime son étable. A l'auge, elle tire vers elle le foin, dès que je distribue. Petra, un peu plus haute et longue de cou, lui reprend sa ration, sans presse. Au champ, c'est elle qui broute le plus longtemps. Elle sera peut-être un peu plus grande. Même si, à cet âge, les poussées sont un peu anarchiques. 
Evidemment, une jolie paire bien assortie serait plus agréable à regarder. TtonytaPetra  ont sept mois maintenant. Leurs cornes poussent, curieusement tournées vers l'arrière. On ne peut pas trop dire encore de quoi elles auront l'air.
Ttony se pare sur les mâchoires de favoris plus clairs. Son pelage soyeux est plus doux à la caresse. Petra, plus facétieuse, me bousculerait facilement. Quand elle est libre, je me garde de rester devant elle, si elle baisse la tête en se reculant, histoire de ma faire tâter de ses petites cornes, en manière de jeu.


18h

J'ai passé l'après-midi dehors, remettant de l'ordre dans ma cour-jardin, mise à mal par le vent.
Il fait bon pouvoir ouvrir de nouveau les maisons, faire circuler l'air tiédi du mitan de journée. 
Je laisse en place mes caisses récupératrices d'eau, dans la porcherie-remise. Elles ne gênent pas, et leur présence si incongrue me tranquillise.
Elles remplissent bien leur fonction, et m'assurent un sol sec. La petite tournée de vidange est aisée, avec la grille d'évacuation à portée. Je ne récolte que peu d'eau. Mais cette eau collectée me donne l'illusion d'un semblant de contrôle de la situation, ne serait-ce qu'en tout bout de processus. 
Puisque j'agis, puisque mon action change le cours des évènements, je me sens participante active à mon sort, et ça en change considérablement la perception.
Je suis maîtresse de mon destin, un tout petit peu au moins, faute de pouvoir y avoir la main en amont.
Ainsi, je peux admettre plus facilement l'échec de mes manœuvres antérieures pour juguler les entrées d'eau, m'en absoudre, et, allégée du sentiment de cette culpabilité levée, considérer avec satisfaction le rendu de ma cour, pour y adjoindre l'idée d'une réussite satisfaisante, et non la cuisante déception d'un échec.
C'est comme mes paysages, selon qu'il fasse grand soleil chaleureux ou grisaille brumeuse, ils changent du tout au tout, et on a bien du mal à y voir la même chose. Qui pourtant y est bien...

Au retour de ma promenade avec les chiens, juste là, je suis restée un moment à contempler la pointe éclairée de la Rhune, son flanc élargi vers la base rattrapé par l'ombre fraîche aux volutes embrumées. La lumière enluminait les escarpements rocheux, bondissant comme un cabri de pierre en pierre.
Je ne me suis détournée que quand l'antenne a cessé de briller. La fraîcheur du soir s'était, partout autour de moi, déjà posée comme un voile humide.

Ici, TtonytaPetra m'attendaient. Les lumières de la ville piquetaient la baie. Les chiens se sont couchés, fatigués.




Mercredi 15 décembre 2021  9h30



Les bosquets d'Orio se prélassent au soleil levé.







Mon affaire du jour louvoie autour de ce ruban de clôture électrique.






La brume va et vient en nappes indécises. Je vais m'occuper de ça ce matin.





Hier, en fin d'après-midi, j'étais à la jardinerie, dans les rayons bas d'un soleil bientôt couchant. Je taillais, toujours paisiblement, des hortensias, cette fois. Toute la journée m'avait trouvée occupée à cette jauge. Gentiment exposée plein soleil...
Le mien filleul me héla par les voies téléphoniques : Ttony gambillait dans le pré, hors de son périmètre sécurisé. Petra, de l'autre côté du ruban, était là,  là et là, la rejoindre, ou pas.
Le mien filleul est homme de la campagne, et connaît les usages animaliers. Il me demandait simplement un point de détail technique sur le fonctionnement de l'appareil. Que je lui donnais. Moins d'un quart d'heure après, l'affaire était réglée : Ttony revenue dans ses pénates, Petra rassérénée, et le mien filleul retourné à ses affaires.
Tranquillisée de mon côté, je vaquais à la fin de ma journée salariée. 

Ma tâche en cours ne requérant pas une attention exclusive, je pensais à ma clôture. Les jours de gros mauvais temps, certains orages avaient claqué bien près. Une décharge électrique céleste avait bien pu fondre sur mon vulnérable petit gardien de troupeau. Et carboniser les circuits dispensateurs de courant.
Honte à moi, le beau temps revenu, je n'avais pas pensé à vérifier mon installation, avant de remettre les velles à la pâture.
Je tenais là une piste. La perspective d'avoir à remplacer un équipement à peine étrenné me désolait. J'étais hors délai pour faire marcher l'assurance. Et n'avais sous la main comme coupable à vilipender que ma seule négligence.
Ma pile, en place depuis moins de six mois, ne pouvait être déjà vidée.
Je ne pouvais, de là où j'étais, que supputer.

Au retour de la jardinerie, la nuit noire ne me fût pas amie, dans l'examen de ladite clôture électrique. Je distinguais tout de même dans l'obscurité l'absence de connexion entre l'appareil, et le ruban bien tendu entre les piquets. L'appareil clignotait normalement, à intervalles réguliers. Il fonctionnait, donc. Mais dans le vide.
Le ruban neutralisé n'avait pas constitué longtemps un obstacle sérieux à la gourmande Ttony : elle lorgne depuis plusieurs jours l'herbe tendre de l'autre côté de sa clôture. Cette rouée doit venir tester le dispositif qui l'en tient éloignée, de temps à autres. Une bête moins fine n'aurait pas eu cette idée. 
Quoi qu'il en soit, Ttony s'est vite aperçue qu'elle pouvait sans danger braver le ruban. Le léger affaissement près du chêne vert ne demandait qu'un petit saut pour être franchi. 
Ce fléchissement n'aurait d'ailleurs pas du y être. Le jour où nous avons posé cette clôture, avec Olivier, je me souviens parfaitement avoir pris le secours d'une petite toise en bois, pour positionner tous les isolateurs de maintien à la même hauteur. Que se passa-t-il au niveau de ces deux piquets là ? Avons-nous maladroitement trébuché ? Ou alors égaré le piquet dans l'herbe un peu haute ? Je ne sais. Toujours est-il que, depuis le début, le ruban présente en cet endroit une courbe descendante, comme une invitation, une provocation, presque, dirais-je !
Je tenais là mon explication, faute de pouvoir dans l'instant remédier l'avanie. Je laissais ça pour le lendemain, ce matin, quand il ferait jour.
Et ainsi fis-je.

Ce matin, soulagée de n'avoir pas 150 € à dépenser, après avoir soigné TtonytaPetra, je descendis avant elles dans le pré mouillé de rosée. Un simple coup d'œil me fit repérer le fil de jonction, lamentablement tombé dans l'herbe, avec son accroche inutile. J'arrêtai l'appareil pour pouvoir remettre le dispositif en bonne marche. Accrochai l'attache au ruban, et renvoyai le courant. Mon petit testeur de poche me tendit en clignotements séquentiels son verdict : fonctionnement correct. Bien. Pour corriger le fléchissement tentateur, je remontai les isolateurs sur les piquets d'acacia. Le ruban retendu avait tout de suite meilleure allure, suivant une ligne plus droite.

Quand, d'habitude, les petites restent dans l'étable en début de matinée, à craquer leur foin, là, elles vinrent voir ce que je faisais, ou, plus probablement, ce qu'il en était d'une éventuelle possible seconde tentative d'évasion. Les bougresses !
Pour distraire ma vigilance, elles firent mine de s'intéresser d'abord aux voisines. 
Je nourris peut-être des soupçons excessifs : la présence d'une nouvelle petite génisse pourrait aussi expliquer leur attrait soudain. Bref. Je bouclai mon intervention avant qu'elles n'arrivent sur zone.






Ttony inspecta, parcourut les quelques mètres incriminés. Petra se détourna bien vite, retournant à la nouvelle venue.



















18h30

A cette heure, les choses sont revenues à la normale.




TtonytaPetra ont brouté leur herbe. La saison la rend aigre. Et la boue grasse la souille. Elles reviennent souvent à l'étable, où le foin sec leur paraît bien meilleur.
Là, je les ai pansées, brossées énergiquement, pour faire tomber la terre accrochée à leurs pattes. Elles finissent de manger, et ne vont pas tarder à se coucher.
Une brume dense avale le paysage. Je distingue à peine la ramure dénudée du carolin derrière la fenêtre.
La fin d'année s'étire doucement, en journées calmes, après ces tempêtes.

J'ai fait le tour de mes plants de châtaigne, ce matin. Redressé quelques tuteurs, relevé quelques fourreaux. TtonytaPetra sont assez respectueuses, pour le moment. Les arbres vont raciner, et s'aguerrir. Je continuerai de protéger les troncs sur plusieurs années, tant que l'écorce reste tendre, et attractive pour mes petites désœuvrées.
Le printemps prochain me dira qui a repris, ou pas. Ce genre de projet est de longue haleine. Il n'y a rien d'établi, une fois pour toutes. Je me tiens prête à parer.
Ce travail sera maintenant de suivi, et ne me mobilisera pas beaucoup de temps.

J'ai l'intention pour 2022 de lancer un autre ouvrage. J'y engagerai mon goût pour l'écriture, et mon expérience de cette sacré pathologie de Ménière.
J'y suis suffisamment experte, maintenant, je le crois, pour pouvoir faire profiter les Ménières débutants, des leçons de mon propre parcours.
L'enseignement ne remplace pas le vécu. Il l'accompagne tout de même avec avantage.
La grosse difficulté pour moi, sera de suivre un semblant de plan, d'organiser mon récit, de le structurer. Je me sens si bien de babiller sans trame ni raison...
Là, puisque j'ai l'intention d'écrire à l'usage des autres, je vais tâcher de ne pas les perdre en chemin.
Je ne diffuserai mon travail qu'en sa fin. Le temps ne me presse pas. Guérir durablement d'un Ménière bien installé, ça demande entre 15 et 25 ans. J'en suis à 10. 
Assez pour avoir senti passer le pic. Assez pour voir venir la suite plus tranquillement.
Je dois veiller à bien scinder mes séances d'écriture. Mettre de l'ordre là où il en faut. Laisser s'ébattre mes fantaisies dans mes chroniques au jour le jour.
Tout est dans le tout, mais chaque chose a une juste place.
Ttony s'y résout. Je dois pouvoir le faire aussi...



Vendredi 17 décembre 2021  18h20





Une sobre illumination et ma bougie festive assurent l'ambiance fin d'année.
Je me sens parfaitement bien dans mon intérieur douillet. Mes soirées sont des gourmandises que je savoure. Rentrer là après une après-midi de plein air est bien agréable.

Je me suis encore occupée de mon élevage, aujourd'hui. TtonytaPetra mobilisent quasiment toutes mes journées de repos ! Et elles ne sont que deux...
Après la fugue de Ttony, j'ai considéré devoir tenir compte de cette aspiration légitime, à avoir des prétentions sur une herbe plus fraîche, si bien à portée. Leur pacage n'est plus tellement attractif. Les deux génisses maintiennent facilement la pousse de la prairie, en cette période où elle est en repos végétatif.
Dans la parcelle attenante, juste de l'autre côté de la clôture, l'herbe est à peine plus drue, mais elle est plus propre de n'avoir pas été piétinée par temps de pluie. Ttony ne se trompe pas, quand elle lorgne par là !
J'ai donc pris en considération la demande subliminale de ma bête. Conséquemment, j'ai repoussé le ruban, ouvrant ainsi une large bande de prairie toute  fraîche.
Les deux petites ne se le sont pas fait dire deux fois : au fur et à mesure que je reculais le ruban, elles avançaient, têtes baissées, paissant avec ferveur.
Ce soir, j'ai du les appeler pour rentrer, quand d'habitude elles m'attendent à l'intérieur. Leurs ventres rebondis les alourdissaient.
Elles ont juste grapillé les granulés de luzerne par gourmandise, avant de se coucher, soufflant, repues.
J'ai éteint la lumière sur leur satiété, et les ai laissées se reposer, tout à leur contentement.



Lundi 20 décembre 2021  18h


La nuit tombe derrière la baie vitrée. Les lumières piquètent une courbe sur celle de Txingudy.

Après une matinée affairée de ces petites choses qui paraissent des riens et pourtant vous tiennent un bon moment, j'ai profité de cette encore si belle journée.
J'avais en tête d'emmener mes chiens à la montagne, dans ce bois où les châtaigniers plus que centenaires m'ont donné leurs plants pour ici. 
En arrivant sur la crête, j'ai vu un équipage de gens et de gros chiens, de ces mastiffs à la babine retroussée sur une ou autre canine pointue.
Pour éviter tout conflit domestique, j'ai poussé plus loin sur le chemin, vers le nord. Une petite aventure pour la routinière que je suis. 
Une sente étroite nous a tendu son embouchure empierrée, dans une belle combe emplie de soleil. A droite, un énorme chêne cul par dessus tête dressait vers le ciel ses racines tordues, en une supplique silencieuse et poignante. Je me souviens avoir admiré cet arbre magnifique il y a quatre ans. Il s'agrippait pourtant ferme à la terre caillouteuse, alors. La foudre l'aura sans doute séché, brûlant en un instant un circuit où la sève courrait depuis plusieurs centaines d'années. (Je suis très centaines, aujourd'hui...).

En descendant, nous sommes entrés dans un champ mal gardé par un portail branlant. Là, de très vieux pans de murs, (sûrement centenaires eux-aussi), finissent de crouler, verdis de mousse épaisse, autour d'arbrisseaux impertinents poussés là où avant il y avait un bel abri.
Le long de la parcelle tournée vers le soleil, un sentier perdu sous l'amas de feuilles sèches, craquantes ou moelleuses, suivant l'épaisseur de leur couche, s'aligne sur deux rangs de chênes élevés. 
Les chiens ont trituré des souches retournées, où de petites fougères se déploient au dessus d'un coussin de mousse. Les deux femelles se sont acharnées, à coup de griffes et de dents, fébriles et enthousiastes. Txief les a regardées, coulé contre ma cuisse. Je suis restée assise un moment, sur un tronc vermoulu couché là comme tout exprès pour moi.

Le soleil descendait au dessus des ramures grises. Nous sommes repartis. 

 TtonytaPertra broutent avec énergie leur nouveau pacage. Elles ne rentrent qu'à la nuit tombée, et encore, quand je les appelle. Ma balle de foin durera plus longtemps, peut-être le mois, cette fois...



Mercredi 22 décembre 2021  17h30


De molles volées ventées annoncent un changement de temps. La terre commençait de sécher sur sa croûte. Les feuilles amoncelées dans les ornières et sur les talus craquent sous le pas. Noël paraît devoir être pluvieux, cette année.
Une petite virée dans le grand nord le 25 suffira à mes modestes aspirations à l'exotisme. Suivant la tournure météorologique, je resterai là bas une nuit, ou pas. TtonytaPetra dans leur nouveau pâturage sont tout à fait assouvies, et le réapprovisionnement en foin leur est optionnel. L'abreuvoir leur dispense l'eau fraîche à volonté. Elles ont libre accès à l'étable, de jour comme de nuit, si je laisse le vantail ouvert. 
Ce n'est donc pas tellement elles, mais plutôt moi, qui me rappellera ici dès le soir de Noël, si le temps me représente une nuit agitée...
Je suis incorrigible, je le sais. Mais, puisque l'on me connaît ainsi et que l'on m'en supporte, je ne vais pas m'échiner à changer !

Je ménage ces jours-ci mes ischio-jambiers mis à mal par la forte activité sapins.
J'évite les déclivités prononcées, et les marches escarpées. Mon allure a considérablement perdu en fluidité. Sans avoir une souplesse féline, je me pensais tout de même dégagée en ma démarche, gracieuse, même, les très bons jours.
Là, je me dandine comme une oie grasse. 
J'espère ce désagrément passager. Même si, maintenant, le passager s'installe pour durer, quand il s'agit des défaillances de la mécanique.
Le zona de ce printemps ne m'a jamais complètement rendu le velouté de ma peau. Je crains devoir tâter pour toujours ce rugueux sur le flanc. Bon. Ainsi en soit-il, et qu'il ne me vienne pas plus grand malheur !
Pour cette souplesse de marche momentanément en berne, trois quatre mois ne signent pas le définitif. Le ménagement devrait calmer l'élongation, et rendre au muscle son amplitude de développement dans le mouvement.
C'est mon espérance.

Pour mon projet 2022, je tiens la première phrase, et la dernière.
Il me suffit de remplir entre les deux.

Pour l'heure, le crépuscule rosit le ciel ocre étiré sur le flanc sombre du Jaizkibel.
TtonytaPetra broutent encore avec application.

Le mouvement s'intensifie dans la vieille ferme. Je vais avoir de nouveaux voisins très bientôt.



Vendredi 24 décembre 2021  17h40







Après la journée grise monochrome et chrone, une surprenante éclaircie entre le haut mont du Jaïzkibel et les Trois Couronnes a enchanté le tombant du soir.
Je longeais avec les chiens un flanc étale, quand la saisissante nappe lumineuse s'est déversée sur le paysage, comme une coulée de miel fluide sur du pain chaud. Je me suis laissée baigner, retrouvant en plus pâle les soirs d'été, où, à près de 22 heures, la lumière rase la campagne sous le même angle.
Les silhouettes des arbres en ombres chinoises se ciselaient sur la bande limpide, étroite à la manière d'un regard intense distillé entre deux paupières lourdes à demi fermées. Un regard de grand félin à l'affût, ou de reptile, si l'on est plus écailles...
L'impression n'en était pourtant pas du tout de menace, bien au contraire. Plutôt la vision de la beauté surgie quand on ne l'y attend pas, ou plus.





TtonytaPetra se sont couchées dans la tiédeur du soir, cul à cul. Là encore, la lumière était fantastique, même si le rendu sur mon image est bien terne. Ma mémoire palliera ma technique défaillante.

Un moment plus tard, le vacarme d'un engin proche s'invitait comme un balourd dans toute cette paix chrétienne de veille de Noël. Le travail n'attend pas, et pour les braves, il n'y a pas d'heure !

Là, le silence est revenu. Je vais fermer les volets sur la nuit. Héler TtonytaPetra redescendues dans le pré pour s'éloigner du raffut.

Mon réveillon sera celui dont je rêve depuis longtemps : en tête à tête avec moi-même. Le premier dans le genre depuis bien des années. Une tournure d'esprit bien curieuse, navrante d'égoïsme, sans doute. La mienne. Celle d'une misanthrope irrécupérable. Non, pourtant : la gente humaine m'intéresse, et là où il y a intérêt, il a forcément un début d'amour...

L'année dernière, la civilisation me retenait à Rivière, traditionnellement, autour d'une tablée animée. J'avais fait bonne figure, sans grand cœur. J'y retourne demain, pour la civilisation, toujours. Je tiens à garder un semblant d'attache pour la société des hommes, tout de même.

Là, je vais m'enquérir de la bête, plutôt.



Dimanche 26 décembre 2021  9h



La matinée Riviéroise s'articule sur un rythme plus tardif. Encore que, à la ferme aussi, je déborde maintenant largement sur le début de la matinée, pour finir les soins aux bêtes, avant de monter prendre mon petit-déjeuner, en compagnie fraternelle. 
Mon temps s'étire, se libère de cette compression où il se densifiait d'une exigence Dieu Merci révolue depuis. 
Là bas, TtonytaPetra ont du redescendre dans le pré, étonnées d'abord puis très vite frustrées, de n'avoir pas leur petite gamelle matinale. Le seul foin sec doit leur paraître insipide. Elles n'en apprécieront que mieux le retour à la normale, dès ce soir. En partant, hier matin, les croyant sorties dehors pour la journée, j'avais redistribué une ration son-luzerne, pour qu'elles l'aient le soir, à la rentrée, d'après moi. 
J'avais à peine installé les chiens dans la voiture, pour notre migration nordique, que je les ai vues remonter ! Les bougresses, elles n'ont quand-même pas l'ouïe et le flair assez fins pour avoir entendu ou senti leur pitance préférée quand je retournais le bol dans l'auge ! Toujours est-il que le résultat des courses a été une ration doublée le samedi matin, et plus rien jusqu'au dimanche soir. Une diète de Noël, au lieu des classiques agapes...

Ici, nous allons faire un tour dans la pinède. Le ciel est clément, entre trouées bleues et boursouflures grises.
Le déjeuner d'hier fut tout à fait agréable : la compagnie diserte et amusante, les mets riches et goûteux. Les conversations détendues, assez pétillantes pour qu'un peu de piquant pas trop mordant épice une saveur affadie par le trop policé. J'étais en territoire Olivier. Une contrée moins connue jusque là, puisque je me cantonne au premier cercle, le plus souvent. Au gré des circonstances, que je ne force jamais, dans ces eaux là. Cette seconde sphère m'a bien amusée...

La semaine prochaine, je reviens, dans les basiques classiques. Ca peut-être bien, aussi, sur un terrain vite mouvant, dans cette famille assez électrique. Au vu de la fréquence de mes visites, ce serait vraiment le Diable que je tombe en plein court-circuit !


18h

Retour à la ferme.
TtonytaPetra ont très vite éventé ma présence. Je les retrouve, elles et l'étable, en ordre parfait. Antton a supplée mon absence. Il leur a même dispensé leurs rations gourmandes. Elles n'ont été privées de rien, bien au contraire !
Il n'a pas perdu la main. Je le soupçonne même d'avoir manqué de ce contact chaleureux de grosses bêtes confiantes...

Un peu en avance sur l'horaire habituel, je panse mes bêtes. Elles mangent, consciencieusement, dans l'auge, vérifient en dessous, et se couchent, satisfaites.






























TtonytaPetra sont à Agorreta depuis bientôt six mois.
Au jour le jour, je ne les vois pas grandir.
Mon "bloc" m'est juste toise. Elles ont plus que doublé.

Leurs robes unies mises à part, elles correspondent à tout ce que j'attendais.

Mon fidèle maquignon est venu me tenter, avec une toute mignonne montbéliarde jumelle. J'ai résisté. TtonytaPetra prennent toute ma place.
La petite blanche et miel sera recueillie à Urrugne. J'irai l'y voir.


Cette fin d'année nous parle encore et toujours de ce maudit Coronavirus. Toutes les lettres de l'alphabet grec n'y suffiront pas.
Printemps 2020, nous étions sidérés : saisis, complètement, figés, neutralisés dans toute projection, par ce qui nous tombait sur la tête.
Depuis, nous nous sommes résignés à vivre sous ce régime d'une menace diffuse. Nous faisons le deuil de l'insouciance et d'un sentiment de relative sécurité. Ces deux là étaient un leurre, évidemment. Mais la situation bonne fille d'avant nous les rendait possibles.
On s'habitue à tout. On s'adapte.

La fracture vaccinés-non-vaccinés rameute des conflits jusqu'au sein des familles. La pression pèse de plus en plus lourd, sur ceux qui résistent. Il ne fait pas bon revendiquer un droit à la liberté individuelle pour sa santé, ces temps-ci. Puisque elle ne peut se désolidariser de celle de tous.
Je n'ai pour ma part eu aucune réticence à recevoir ce vaccin suspect par la rapidité de son élaboration. On n'a pas de recul, nous dit-on. C'est sûrement vrai. Pour autant, on a un sacré mur devant, si on persiste à ne pas vouloir prendre le risque.
Nous serons sûrement revaccinés, très périodiquement. Les variants muteront encore en d'autres variants. La science et le virus se talonnent.

Je suis persuadée que nous sommes déjà contaminés, vaccinés ou pas, par tout un faisceau d'éléments, conditionnements psychologiques et autres, qu'on nous inocule sans nous en demander la permission, en détournant notre conscience même de l'être.
Nous ignorons pour la plupart d'où vient ce que nous mangeons, aussi vigilants soyons-nous.
Nous ignorons ce que nous respirons, ce que nous inhalons.
Nous ignorons tout ce qui nous est bombardé, culte ou occulte.
Nous ignorons ce qu'on nous rentre dans la tête, sans que nous nous en apercevions, seulement.

Et pourtant nous continuons de vivre, d'espérer, de nous projeter.
La sidération a laissé place à la résignation, à l'acceptation, à l'adaptation.
C'est, je crois, ce qu'on appelle évoluer, dans un environnement qui évolue, lui aussi.

Les choses changent, sans que nous ayons toujours la conscience de ce changement, au quotidien.

Les retours arrière, c'est bien quand ça supporte la comparaison : je me réjouis de voir TtonytaPetra embellir.
Quand on s'accroche et qu'on se lamente de ce qu'on a perdu, qui ne reviendra sûrement pas, mieux vaut je le pense ne pas se retourner, et garder ses forces pour préparer un avenir meilleur.

Nous survivrons très certainement à tous ces coronavirus. Nous vivrons avec. Autrement, c'est tout.


Mercredi 29 décembre 2021  18h40.



L'année tire à sa fin. Les journées sont très agréables, douces, calmes.
A la jardinerie, je termine de tailler les poiriers. En prévision des approvisionnements de printemps, déjà annoncés dès janvier, je fais de la place, je réorganise. Je rayonne plus au large que ma pépinière, m'infiltrant dans le magasin. Il fait bon y travailler les jours mauvais, comme il en viendra sans doute. J'ai toujours aimé ces chantiers. J'y suis moins frénétique, maintenant, et les équipes m'en rendent grâce, quand, au lieu de les bousculer, j'accompagne patiemment leurs projets.

J'ai aujourd'hui tiré des plans. Je les soumettrai demain à l'approbation des intéressés. Ils décideront, si ça leur va, ou pas. Je m'incline plus facilement maintenant, et les choses glissent mieux ainsi.
Mes ischio-jambiers se rappellent durement à moi. Lundi, pour reculer encore la clôture de TtonytaPetra d'un cran,  j'ai arpenté la prairie pentue. Pour rattraper le coup, ma virée de l'après-midi a été raccourcie, alentie, adaptée.
Je m'apprête à finir mon année. Les choses se sont mises en place comme je le voulais.
Je n'ai plus qu'à me lover dans mon nouveau nid, dans ma nouvelle vie.



Vendredi 31 décembre 2021  9h




Le dernier jour de l'année sera magnifique.  Une douceur totalement hors de saison fait ouvrir les maisons à ce grand soleil venu se coucher dedans comme un gros chat paresseux.







Les petites profitent à plein de cette période clémente.
Elles copinent avec les voisines. Les miennes se confondent avec ces blondes, même si la robe prune de Petra s'en écarte. 
Sacré maquignon ! Il fait bien de moi ce qu'il veut...

Je dois avoir autant de cervelle que ces aigrettes en bancs serrés aux envols obliques.
En voilà d'autres qui parlent du changement climatique. Moi, je ne pense pas dérèglement. Il me semble avoir compris qu'on ne "rerèglera" rien. On fera autrement.





Zaldi m'est fidèle, venue quémander son quignon.





Sur Fontarrabie, une écharpe de brume s'étire, bleue pâle au dessus du bleu métal de la baie scintillante.

Je termine mon année.
Je me remets à faire des plans. De livre, de magasin, de vie.
Je me tourne résolue et plus sereine vers la nouvelle année.
2020 fut bousculée.
2021 fut de retour aux équilibres, dans tous les domaines.

Je ne sais pas si j'atteindrais jamais la congruence et la sérénité.
Je sais que j'y tends avec ardeur. J'ai l'impression de m'en approcher, enfin.

Je lis en ce moment un Paulo Coelho intitulé  "le Zahir".
En préambule, il y est question d'Ithaque. Du voyage qui y mène. De l'intérêt à faire durer ce voyage, plus riche en lui-même que l'île à laquelle il conduit.
Ca m'a bien sonné, cette histoire là...